
Les services sanitaires de Zinder, à l’image de ceux des 7 autres régions du Niger, ont conduit, du 13 au 16 juin 2019, une campagne de vaccination contre la poliomyélite. C’est une maladie à surveillance épidémiologique, dont la région a enregistré le nombre d’infections détectées le plus inquiétant, avec 11 cas détectés, après la dernière campagne de vaccination. La présente campagne est couplée à la supplémentation en Vitamine A aux enfants de 6 à 59 mois ; au déparasitage à l’Albendazole pour les enfants de 12 à 59 mois. Sur l’ensemble du pays, l’intervention dans ses trois dimensions concerne 5 927 429 enfants de 0 à 59 mois. Et cette fois-ci, il est prôné d’éradiquer promptement l’épidémie. D’où l’engagement participatif dévoué de l’ensemble des acteurs et partenaires. Ainsi, de multiples étapes préparatoires à plusieurs niveaux ont averti les leaders communautaires ; les chefs coutumiers ; les responsables administratifs membres du comité de mobilisation sociale de la région et l’équipe cadre de l’opération sur la rigueur et la vigilance pour qu’aucun enfant en âge de vaccination ne soit omis.
En prélude à cette campagne de vaccination contre cette maladie handicapante, plusieurs dispositions et innovations ont émané de la synergie des acteurs et partenaires sanitaires et ceux en charge de la protection de l’enfant. Cette entente pour mettre fin au polio virus est illustrée par la représentativité des membres du comité en charge du pilotage de la campagne. En début de semaine, à Zinder, des réunions préparatoires, aussi décisives des comités et sous-comités, à différents niveaux administratifs de la région, ont fait l’objet d’un rappel des objectifs attendus, notamment ceux d’honorer les instructions fermes du Ministère de la Santé publique qui n’entend tolérer aucun manquement professionnel, afin de mettre fin à l’épidémie. Notons que cette campagne, la nième du genre, a été organisée grâce à un important appui technique et matériel de l’UNICEF et de l’OMS.
Le lundi 10 juin, dans l’après-midi, moins de 72 heures avant le lancement de la campagne, une rencontre a regroupé autour du secrétaire général de la mairie, M. Aboubacar Mahamane Abdou, président du sous-comité urbain de mobilisation sociale, des chefs de quartier et des femmes leaders assurant le relais communautaire engagé pour l’information et la sensibilisation en vue de l’adhésion effective des populations. A l’en croire, ces relais sont des partenaires traditionnels des structures sanitaires (districts, CSI et cases de santé). Ils sont, à cet effet, réunis pour s’imprégner des dispositions et approches particulières à la présente campagne. Dans ce même ordre d’idée, les autorités coutumières ont associé et mobilisé toute la chaine de la chefferie traditionnelle pour assurer l’adhésion effective des populations, du niveau des cantons jusqu’aux campements et hameaux les plus reculés.
Selon le Secrétaire général du gouvernorat de la région, M. Harou Maman, de la phase de mobilisation à celle de l’opération de vaccination, l’Etat a mis à contribution tous les préfets, au niveau des départements, en collaboration avec les élus locaux des communes. Au-delà de la facilitation du déroulement de la campagne, il est également attendu de ces autorités administratives leur implication dans l’éventuelle prise en charge de cas de refus. Les autorités déconcentrées, dirigeant les réunions régulières de coordination, supervisent le suivi et l’évaluation des travaux, apprend-on. « A l’issue des journées, on se retrouve à la direction régionale de la Santé publique (DRSP), pour faire le bilan de ce qui a été exécuté comme activités. Nous participons à la compilation des résultats jusqu’à leur transmission au niveau national », a confié le Secrétaire général du Gouvernorat de Zinder.
« Le taux des enfants vaccinés a considérablement cru. Précédemment, il était de l’ordre de plus 100%, dépassant de peu les prévisions préétablies », a déclaré M. Harou Maman. Ce qui témoigne de l’adhésion satisfaisante des populations, dont se réjouit le SG du gouvernorat qui rassure qu’ils maintiennent le cap avec beaucoup plus d’engagement à assurer les conditions de la réussite de la campagne. L’intérêt est porté par les plus hautes autorités du pays à exiger de l’équipe cadre de cette campagne, qui intervient dans le cadre de la Journée Nationale de Vaccination (JNV), des résultats à la hauteur des attentes. « Nous avons besoin d’un résultat de qualité », a réaffirmé Dr. Issaka Kamaye Mahamadou, représentant du Ministère de la Santé publique, à sa sortie d’une réunion avec les équipes cadres, tenue dans la grande salle de réunion de la DRSP, à la veille du début de la vaccination.
Pour se faire, explique le Directeur régional de la santé publique, Dr. Abou Yahaya, tout au long de la vaccination, des réunions journalières de restitution permettront de rapporter les éventuelles difficultés en vue d’apporter des corrections aux prochains jours de passage des vaccinateurs ou pendant les deux derniers jours de ratissage.
Les chefs traditionnels s’assurent de l’adhésion effective des populations
Les autorités coutumières de Zinder ne sont pas restées en marge de la vaste mobilisation sociale pour la compagne de vaccination contre la poliomyélite. La mise à contribution des chefs des cantons, à travers des plaidoyers menés par les structures de santé avec l’appui technique des experts de l’UNICEF en communication pour le développement, a permis de renforcer l’inclusion des acteurs communautaires à même de contribuer à la sensibilisation et de veiller, chacun, à la couverture de son territoire traditionnel.
C’est un engagement qu’avaient pris, dans leur ensemble, les chefs traditionnels du Niger, de soutenir l’UNICEF, partenaire de taille de la protection des droits de l’enfant, dans ses actions salvatrices, lors d’une rencontre à Niamey à laquelle a pris part le chef de canton de Babban Tapki (5ème arrondissement de Zinder) qui rappelle que bien avant cela, son canton a toujours fait preuve d’esprit participatif derrière les actions inclusives de développement. De l’arrondissement jusqu’à la trentaine de villages administratifs de Babban Tapki, « nous travaillons en étroite collaboration avec nos leaders religieux, les jeunes et des représentantes des groupements féminins », a confié l’honorable Maman Lawan Djerma, ajoutant qu’il est de leur responsabilité de cultiver les bonnes attitudes face aux défis du développement social de base. « Ces actions sont bénéfiques à la population que nous représentons », dit-il. Relativement aux questions sanitaires de routine comme occasionnelles, il explique que les chefs de villages sont imprégnés et partagent à leur tour les informations quant à l’importance de la vaccination et au calendrier de passage des équipes de vaccinateurs. « Facilement, on apprend d’éventuels manquements. En cas d’omission, très souvent, ce sont les intéressés qui réclament d’eux mêmes », affirme le chef de canton, en présence des chefs de villages sous sa tutelle réunis à sa « fada » ce jour 11 juin 2019.
« Chez nous, la réticence est dépassée en matière de vaccination. La population a compris toute l’importance de la prévention des épidémies telle que la poliomyélite. On n’a connu aucun cas de refus lors de la précédente campagne », a déclaré le chef de canton de Dogo (département de Mirriah), l’honorable Moussa Issoufou. Rencontré à la veille de la présente campagne, il a réitéré son engagement et celui de ses collaborateurs (chefs de villages) à s’impliquer davantage dans la lutte contre la polio. « Lorsqu’il s’agit des cas de refus, devenus aussi très rares, les dispositions de prise en charge sont souples. Difficilement une quelconque réticence pourrait nécessiter une dissuasion contraignante pour faire prévaloir les droits des enfants au bien-être», explique-t-il.
L’historique village de Tirmini (département de Takeita) est sur la même longueur d’ondes. Le chef de canton de Tirmini, l’honorable Maman Rabé assure que ces administrés et lui sont plus que jamais mobilisés et déterminés à saisir l’opportunité de cette campagne pour proréger définitivement leurs enfants de la poliomyélite. Pareil à Bandé, dans le département de Magarria où le même cap est maintenu par les autorités coutumières sous l’égide du chef de canton, qui appelle l’Etat et ses partenaires à redoubler d’efforts en politique sanitaire sur le plan logistique en vue de faciliter davantage et de manière permanente l’accès aux soins et préventions.
La population nomade de Bodo du groupement de Tsatsinbouroum, à moins d’une dizaine de km au sud de Magarria, a aussi reçu et compris le message. Ce même jour où commence la vaccination, alors que nous nous entretenions avec Hardo Moussa Harouna, chef du campement dans son champ, une dizaine de femmes, avec leurs enfants en âge de vaccination, certains marchant de leurs pieds et d’autres portés au dos ou dans les bras, affluèrent de loin vers nous. Elles avaient confondu la présence de l’équipe de la presse au passage des vaccinateurs auquel elles s’attendaient. Il est presque 14h : elles devraient plus ou moins attendre, car les équipes auront chacune un minimum de deux villages à couvrir par jour. Toutefois, si elles avaient bien connaissance de leur calendrier, c’est peut-être dû au « léger retard » relevé en fin de journée lors de la réunion de restitution au district sanitaire de Magarria.
Quoiqu’il en soit, le chef du campement les a rassurées que les enfants de Bodo seront tous vaccinés. Notons que durant ces quatre jours de vaccination qui seront suivis de deux jours de ratissage, ce sont 258 équipes de vaccinateurs qui sont déployées à bord de 16 véhicules et 115 motos pour vacciner 190 895 enfants de 0 à 59 mois sur l’ensemble du département.
Les bonnes volontés du relais communautaire à l’œuvre
Ce mercredi 12 Juin 2019, comme tous les troisièmes jours de chaque semaine, le marché hebdomadaire de Dogo (département de Mirriah) bat son plein. Nous étions sur les traces d’un crieur public investi par le chef du CSI de la commune pour faire écho de la campagne à la place du marché mais aucun signe de sa présence sur les lieux. Après une quinzaine de minutes à sa recherche, nous le retrouvons à l’extrémité sud-ouest du marché, à l’ombre frais, assis par terre, adossé contre un tronc d’arbre. Mais, loin de décevoir ses mandataires, il rétorqua qu’il lui fallait une pause. Effectivement, tous les commerçants auprès de qui on a demandé d’après lui, pendant qu’on le cherchait, ont témoigné non seulement avoir entendu son classique haut-parleur mais aussi l’avoir vu sillonner les allées, entre les étalages de marchandises, toute la matinée.
A le suivre à sa reprise, il fait preuve de son expérience d’une vingtaine d’années. En effet, à chaque 10m de marche, muni de son haut-parleur, l’homme de 80 ans s’arrête et lance son message en deux phrases. Coiffé de son turban rouge et de son chapeau accroché au cou, le vieillard impose sa voix plus ou moins audible, malgré les brouhaha du marché. Il s’appelle Wandou Moussa Wanzam et est connu pour la crédibilité des messages qu’il porte lors de ses sorties occasionnelles sur les lieux publics de Dogo. Lorsqu’il se prononce, nombreux sont ceux qui lui accordent d’attention. Certains lui demandent, d’ailleurs, plus de renseignements sur le sujet. C’est peut-être la même manœuvre chez tout crieur public. Mais sa motivation à lui est toute particulière et très rare. Ce n’est pas un métier en tant que tel pour lui, il explique que c’est juste une façon de se rendre utile à la communauté et il est payé 1.000FCFA pour plusieurs séances.
Des crieurs publics engagés à porter l’information sur la tenue et le calendrier de la campagne comme Wandou, il y en a 22 pour la couverture de 20 marchés hebdomadaires de Mirriah. Aussi, chacun des chefs CSI peut prendre des initiatives spécifiques à sa zone, puisqu’il s’agit d’un challenge de mobilisation dont la tutelle attend des résultats sans faille. Partout, au niveau des départements à l’instar du chef-lieu de la région, les équipe-cadres en étroite collaboration avec les communicateurs de l’UNICEF, vont également en appui d’autres bénévoles comme les leaders religieux ou les dirigeants des groupements féminins et les relais communautaires proprement dits.
« Notre contribution ne date pas d’aujourd’hui et a de tout temps contribué à la sensibilisation des populations », a rappelé Imam Maman de Magarria. Avant, il y avait des cas de refus, maintenant les gens adhèrent sans arrières pensées, ajoute l’Imam. Lors de ses séances, il promeut, au besoin, les droits fondamentaux de l’enfant. « C’est notre Prophète, paix et salut sur lui, qui nous recommande de chercher la santé », a-t-il indiqué. Mme Ibrahim Aichatou du groupement des femmes musulmanes de la région de Zinder prône le même message à des occasions. A Mirriah, la radio communautaire Albichir Fm accueille souvent la présidente du rassemblement démocratique des femmes du Niger sur le plateau de son studio pour des émissions interactives. Pareil à la radio Mayana Fm de Takeita, où en plus des messages d’annonce de la campagne diffusés trois fois la journée pendant 10 jours, l’institutrice d’alphabétisation et animatrice villageoise Mme Ladidi Sani, SG de la Fédération Haske Zouma, s’invite sur les émissions sanitaires régulières sur la fréquence 90.5 Mhz.
Les relais communautaires quant à eux, au-delà de la simple information sur le déroulement de la phase de vaccination, se renseignent sur des symptômes de la poliomyélite afin de remonter aussitôt les cas détectés pour investigation. C’est l’un des rôles déterminants de ces volontaires. Ce qui a permis à un relais d’alerter le Centre de Surveillances Epidémiologiques du district sanitaire de Takeita de deux cas assimilables au polio, le 15 juin dernier. Selon le responsable dudit centre, Farouk Mahamadou, les cas en question seront rapidement soumis à l’investigation pour vérification.
Mahamane Chékaré Ismaël, Envoyé Spécial