Capitaine Boukari Riba
Situé dans la bande méridionale de la région d’Agadez, entre les latitudes nord 15°75’ et 18°50’ et les longitudes est 07°65’ et 16°00’, le département de Tchirozérine couvre une superficie de 50 539 km², avec une population estimée à 358 557 habitants en 2024 (source : projection DRINS/Agadez). Il est limité au nord par les départements d’Arlit et d’Iférouane, au sud par les départements d’Aderbissanet et de Tanout, à l’est par les départements de Bilma et Gouré et à l’ouest par le département d’Ingall. Le département de Tchirozérine est composé de quatre (4) communes : deux (2) communes urbaines (Agadez et Tchirozérine) et deux (2) communes rurales (Tabélot et Dabaga). La population est majoritairement touarègue, dont l’organisation sociale s’articule autour de cinq (5) groupements : le Sultanat de l’Aïr, le Groupement Anastafidet, le Groupement Ifoghas, le Groupement Kel Ferouane et le Groupement Imikiten. En ce qui concerne la structuration des localités, le département compte aujourd’hui 285 tribus et villages administratifs. Dans cet entretien, le préfet du département de Tchirozérine, Capitaine Boukari Riba, parle de sa mission à la tête de cette entité administrative, des questions de migration, sécurité, exploitation des ressources naturelles et de leurs impacts sur la population, les perspectives, etc.
Vous avez été nommé à la tête du département de Tchirozérine par le Président de la République, Chef de l’État, le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, qui vous a accordé sa confiance. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette mission à la fois noble et exaltante, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de votre cahier de charges ?
Je suis honoré de cette confiance du Président de la République, à travers le ministre de l’Intérieur, pour avoir placé ma modeste personne à la tête du département de Tchirozérine afin de conduire la gestion des affaires administratives dans la dynamique de la Refondation de la patrie. Nous n’avons pas droit à l’erreur. C’est pour cela que nous menons en toute responsabilité cette mission, conformément aux orientations du Président de la République et dans le respect des valeurs et de l’esprit de la Refondation de notre pays, clairement mentionnés dans la feuille de route de notre cahier des charges, notamment restaurer au peuple nigérien sa dignité et sa souveraineté. S’agissant de notre cahier des charges, je précise que chaque année, lors des travaux de la Commission Consultative Régionale de l’Administration Territoriale (COCORAT), nous présentons le bilan de mise en œuvre. Ce bilan est globalement satisfaisant, au regard des objectifs fixés et des résultats obtenus.
Monsieur le Préfet, l’un des défis auxquels la région d’Agadez fait face est bien sûr la migration et l’insécurité, notamment le grand banditisme. Comment se présentent ces deux aspects dans votre département, surtout à cause de l’exploitation de l’or ?
Le Niger a adopté en septembre 2020 une politique nationale de migration assortie d’un plan d’action quinquennal pour une meilleure gouvernance migratoire. Notre pays a également ratifié plusieurs textes internationaux relatifs à la migration.
La migration joue un rôle économique et culturel dans le développement d’un pays. Par sa position géographique, le Niger est un pays d’accueil, de départ et de transit. Tous passent par le département de Tchirozérine. La région d’Agadez regorge d’importantes richesses minières, notamment l’or, et constitue un passage pour la traversée du Sahara vers l’Europe ; ce qui fait d’Agadez une région de toutes les formes de migration. Concernant les départs, on note une migration importante des jeunes garçons (80 %) vers les sites aurifères et vers l’Algérie ; le départ d’hommes et de femmes mariés ou non vers l’Algérie ; et la descente des transhumants, en cas de déficit pluviométrique, vers le sud (zone agricole) à la recherche de pâturages. Pour les arrivées avec un séjour plus ou moins long, il s’agit des migrants saisonniers, en majorité des jeunes venant de Tahoua, Maradi et Zinder, avec une durée de séjour de 8 à 9 mois (octobre-juin). Ils exercent des activités de maraichage, vente d’eau, bois, charbon, maçonnerie…, ainsi que des étrangers en transit vers l’Europe.
Sur le plan sécuritaire, le département est relativement calme, permettant à la population de vaquer à ses occupations. Toutefois, des actes de banditisme (braquages, vols de divers genres, etc.) sont observés. Ces actes sont souvent perpétrés par des jeunes sans emploi, et la consommation de drogue prend de l’ampleur. On observe aussi, surtout sur les sites aurifères, des conflits pouvant parfois entraîner des pertes en vies humaines, ainsi que des conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles. Mais la situation est aujourd’hui nettement sous contrôle, grâce à l’engagement des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et au soutien des autorités régionales et nationales. Tous les groupes et individus criminels qui semaient le désarroi ont été neutralisés. Je salue la contribution de l’UNVP, qui apporte un soutien important aux FDS dans cette lutte contre le banditisme.
En évoquant l’amélioration de la situation sécuritaire dans votre département, Monsieur le préfet, quelle appréciation faites-vous de l’implication des populations, notamment en ce qui concerne la collaboration avec les FDS et le renforcement de la cohésion sociale ?
Pour renforcer la confiance entre les FDS et les populations, plusieurs activités civilo-militaires ont été menées à l’échelle du département : des activités de salubrité publique regroupant FDS et civils ; des conférences-débats animées par les responsables des FDS ; des prières collectives ; des activités culturelles et sportives entre FDS et civils. Nous tenons régulièrement les réunions hebdomadaires du Conseil départemental de sécurité élargi, qui débouchent sur des recommandations dont la mise en œuvre a permis l’atténuation du banditisme et des conflits ; la découverte de caches d’armes ; la saisie de produits stupéfiants ; et le renforcement de la paix et de la cohésion sociale. Il existe également une étroite collaboration entre les FDS et les organisations locales telles que l’UNVP, le Comité de paix, Taghalam N’Alher, l’AJPN et le Conseil départemental de la Jeunesse, notamment pour la remontée d’informations. Des rencontres périodiques ont lieu entre ces comités et les FDS.
En matière de coexistence pacifique et de cohésion sociale, plusieurs forums ont été tenus, que j’ai eu l’honneur de présider. Il s’agit de la journée de réflexion de Tafadek sur la sécurité, la paix, la cohésion sociale et le développement ; le forum de Tamazalak sur « la coexistence pacifique, la cohésion sociale et la sécurité », organisé par l’ONG AJPN ; des missions de sensibilisation menées avec les membres du Conseil départemental de sécurité, les directeurs départementaux, les inspecteurs de l’éducation et les chefs de village. Ces missions ont porté sur la sécurité, la cohésion sociale, la santé de la mère et de l’enfant, l’incivisme fiscal et l’éducation.
Outre l’or, il y a dans le département de Tchirozérine le charbon exploité par la SONICHAR, dont l’usine fait toujours la fierté des Nigériens malgré la vétusté de ses installations. Quels sont, selon vous, les impacts des activités minières (or et charbon) sur le quotidien des populations ?
Bien que ces activités procurent des revenus importants à la population, elles ont aussi des impacts environnementaux, notamment la transformation des paysages, le dépôt de déchets solides, le rejet d’effluents liquides, la pollution atmosphérique, ce qui porte préjudice au cadre de vie. L’activité minière dégrade les zones de vie, altère la santé, détruit des écosystèmes et perturbe leur fonctionnement global ainsi que les services écosystémiques. Il existe également des risques de contamination liés à l’utilisation de produits chimiques dangereux dans le traitement des minerais.
Mon Capitaine, quelles sont les potentialités sur lesquelles compte le département de Tchirozérine, notamment les perspectives d’investissement ?
Le département dispose d’importantes potentialités : des mines et carrières ; un potentiel pour la culture maraîchère ; un important cheptel, des aires de pâturage et des ouvrages d’abreuvement ; plusieurs grands marchés hebdomadaires ; des eaux thermales ; des palmeraies ; des sites touristiques ; un espace favorable à l’énergie éolienne et solaire.
Monsieur le préfet, quels sont les défis auxquels votre département fait face, et quelles sont les perspectives pour les relever ?
Les défis sont multiples. Dans le domaine de la gouvernance administrative, la priorité est de promouvoir un développement départemental inclusif et équilibré pour répondre aux besoins de la population. Cela passe par l’adhésion de la population aux politiques initiées par le CNSP et le Gouvernement, notamment le Programme de la Refondation de la République (PRR) 2025-2029. Dans le domaine socio-économique, plusieurs enjeux doivent être relevés : atteindre la sécurité alimentaire ; fixer les producteurs qui abandonnent les sites maraîchers pour les sites aurifères ; protéger les superficies cultivables dégradées par les aléas climatiques ; sécuriser le circuit de commercialisation ; maîtriser l’eau grâce à la réalisation d’ouvrages hydrauliques ; désenclaver les zones de production ; intégrer les sous-secteurs agriculture et élevage ; valoriser les produits et sous-produits de l’élevage en développant des unités industrielles ; développer l’élevage intensif via des fermes agropastorales ; sécuriser les espaces pastoraux et adapter les textes relatifs au pastoralisme ; lutter contre l’envahissement du prosopis juliflora ; renforcer la résilience climatique ; restaurer le couvert végétal et lutter contre l’ensablement ; prévenir la pollution chimique et nucléaire ; contrôler la gestion des déchets ; sécuriser et contrôler l’accès aux sites aurifères ; former les enseignants sur plusieurs thématiques pédagogiques ; doter le district sanitaire de véhicules de supervision adéquats et d’un personnel suffisant.
Ali Maman, ONEP-Agadez
