
Chef d’Escadron Amadou Boubacar Kader
Le préfet du département de Boboye, le Chef d’Escadron Amadou Boubacar Kader, a accordé à Sahel Dimanche une interview à bâtons rompus, riche en informations sur la vie administrative, sociale et économique de cette zone stratégique de la région de Dosso. D’entrée de jeu, il a brossé un tableau du département, mettant en lumière sa diversité géographique, la vivacité de sa population et les dynamiques communautaires qui l’animent. Au fil de l’échange, il a évoqué les actions menées par l’administration pour améliorer les conditions de vie des populations rurales, notamment à travers l’accompagnement des projets locaux, la sensibilisation et la collaboration avec les structures traditionnelles. Il a également abordé sans détour la question des conflits liés aux ressources naturelles partagées, récurrents dans certaines localités. Un autre point fort de l’entretien a porté sur l’engagement des femmes rurales, de plus en plus visibles dans les sphères économiques locales. Pour le préfet, leur volonté de s’autonomiser à travers des activités génératrices de revenus, telles que le maraîchage et le petit commerce, est une dynamique à soutenir et à encourager. Cette implication des femmes dans le développement local représente, selon lui, un levier essentiel pour le progrès durable du département.
Monsieur le Préfet, présentez-nous brièvement le département de Boboye et sa spécificité dans la région de Dosso ?
Merci pour l’occasion que vous m’offrez de m’exprimer. Le département de Boboye couvre une superficie de 4794 Km2. Situé à l’extrême Ouest de la région de Dosso, il est limité par les départements de Ballayara au Nord, Loga au nord-Est, Dosso à l’Est, Falmaye au Sud et le département de Kollo à l’Ouest. Sa population totale est estimée à 372 904 habitants (2011). Le Département compte 7 Communes Rurales, notamment Fabidji, Fakara, Harikanassou, Kankandi, Kiota, Koygolo et N’gonga, ainsi qu’une commune urbaine qui est Birni’n Gaouré. Le dispositif coutumier subdivise le département en 3 cantons, le canton de Birni’n Gaouré, celui de Kiota Harikanassou et celui de Koygolo. Les différentes activités auxquelles s’adonne la population sont principalement l’agriculture, l’élevage, le commerce et l’exploitation minière dont celle du natron. Le relief est dominé par le Dallol Bosso offrant ainsi d’importantes potentialités aux populations avec une nappe phréatique très proche et qui favorise plusieurs cultures irriguées.
En tant que Préfet, quelles sont vos principales missions et responsabilités ?
Dès ma prise de fonction(le 16 septembre 2023), ma principale mission était centrée sur la sensibilisation des populations. Vous devez savoir qu’a l’avènement du CNSP, nous avons trouvé qu’au niveau du Boboye, le tissu social est déchiré, des populations fatiguées par la politique, il n’y avait même pas de fréquentation entre les familles, elles étaient divisées. Il y avait encore les litiges de conflit sur les ressources naturelles partagées. Conflits champêtres (entre agriculteurs et agriculteurs), les conflits autour des points d’eau et puits (conflit, entre éleveurs et éleveurs) et les conflits entre agriculteurs et éleveurs qui sont les plus fréquents et qui conduisent souvent à des pertes en vies humaines ou des blessures graves. Dès le lendemain de ma prise de fonction, je me suis rendu dans tous les chefs-lieux des communes avec les autorités administratives et maires, chefs traditionnels, les services techniques déconcentrés, les responsables des FDS, le représentant des agriculteurs et celui des éleveurs pour sensibiliser les populations sur la cohésion sociale. Nous avons invité la population à collaborer franchement avec les forces de défense et de sécurité. Comme vous le savez, le Boboye est une zone où il y a beaucoup de couloirs de passage des fraudeurs. Le Boboye est aussi reconnu pour le trafic de stupéfiants, on ne peut pas faire une semaine sans arrêter des vendeurs ou consommateurs de drogue. Nous avons insisté sur le renforcement de la cohésion, car tant qu’il n’y a pas de cohésion, c’est l’insécurité. Nous avons également trouvé une grande tension au niveau de la chefferie ; maintenant on peut dire que tout est réglé, dans le Boboye, il y a la paix et on continue pour que cette paix règne toujours. Il y a la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix qui nous appuie et continue de nous appuyer sur la sensibilisation pour la cohésion sociale, la paix et la sécurité
Quels sont les défis prioritaires que rencontre actuellement le département en termes d’infrastructures et de sécurité alimentaire ?
Les défis en termes d’infrastructures sont énormes. Comme vous le constatez, le Boboye n’a pas beaucoup d’infrastructures, je pense que cela est dû à sa proximité avec Niamey et Dosso. Si les régimes qui se sont succédé avaient beaucoup construit, le problème d’infrastructures ne se poserait pas, toutes les infrastructures datent de l’époque du régime de Kountché ou avant même. Il n y a pas eu d’autres à part la gendarmerie qui a été construite. Notre Maison des jeunes est archaïque, mais nous sommes en contact avec un partenaire qui a prévu sa réhabilitation.
S’agissant de l’autosuffisance alimentaire, c’est une politique pour le CNSP, l’Etat a fourni beaucoup d’efforts et les ONGs également. Dans le département de Boboye, on ne peut pas faire une semaine sans avoir une ONG qui intervient dans ce domaine. Boboye a bénéficié de la distribution gratuite des vivres pour les populations les plus démunies, aussi, l’Etat est intervenu dans la vente des céréales à prix modéré, il y a eu jusqu’à 4 phases dans tout le département de Boboye et cela dans le but d’atténuer les souffrances des populations. Concernant l’environnement, il y a des ONGs qui ont fait la récupération des terres. Pendant la saison des pluies, le lessivage des sols fait que souvent le département de Boboye fait face à une insuffisance de récoltes, mais l’année dernière, les récoltes ont été très satisfaisantes.
A part les cultures pluviales, il y a les cultures de contre saison et le Boboye est propice à cause du dallol qui traverse majoritairement le département, de Koygolo jusqu’à Boumba. Maintenant, les populations ont commencé à faire la riziculture, la nappe phréatique n’est pas profonde, il y a des endroits où, à un mètre, il y a de l’eau, et d’autres tout au plus à 5 mètres. L’Etat et les ONGs sont en train de les appuyer en augmentant leur capacité opérationnelle. Dans le Boboye, la terre est propice, sauf pour les paresseux qui ne veulent pas travailler.
Quelles sont les initiatives les plus marquantes mises en œuvre pour améliorer les conditions de vie des populations locales ?
A ce niveau, je dirais que l’Etat et les ONGs contribuent beaucoup pour améliorer les conditions de vie de la population. A titre illustratif, on peut citer le Programme Intégré de Développement de l’Agrobusiness pour une Résilience socioéconomique des Jeunes et des Femmes (PIDAGRES –JeF) qui a doté le village de Bossadjé dans la commune de Birni’n Gaouré d’un projet structurant d’agrobusiness de 100 hectares. Ce projet vise à produire des céréales en quantité suffisante pour assurer la sécurité alimentaire de la région de Dosso et même du Niger. C’est un fruit du partenariat entre la commune de Birni’n Gaouré et le PNUD. A notre niveau, ce sont juste des sensibilisations et, si au cours de nos tournées nous constatons un problème, nous attirons l’attention des services techniques et des ONGs qui nous fréquentent pour essayer de solutionner le problème ensemble.
Quelle place occupent les femmes rurales dans l’économie locale du département ? Comment la préfecture accompagne-t-elle les efforts d’autonomisation des femmes ?
Dans le Boboye, quand vous visitez les différents marchés hebdomadaires, vous allez voir que les femmes occupent la plus grande place dans le développement de l’économie ; elles font le maraichage et les produits qu’elles obtiennent, à savoir l’oignon, les tomates, poivrons, aubergines, salades, etc., sont vendus au marché. Elles sont nombreuses à faire des activités génératrices de revenus, les femmes dans le Boboye sont des battantes. Presque toutes les activités que la femme ne faisait pas avant, elle le fait maintenant, ainsi que les jeunes filles, et c’est dans les gains qu’elles arrivent à subvenir aux besoins de leurs familles, car les hommes sont en exode rural. Elles jouent un rôle prépondérant dans l’autosuffisance alimentaire. Il suffit qu’elles soient encadrées. A part le maraîchage, il y a des femmes qui font de l’embouche bovine. La préfecture encourage ces dernières et les invite à aller de l’avant à travers des sensibilisations. L’Etat met à leur disposition des engrais pour les encourager. Nous intervenons auprès des ONGs pour qu’elles continuent à les appuyer, nous faisons des rapports de concert avec les services techniques pour attirer l’attention de la hiérarchie pour que ces femmes battantes soient aidées davantage. Si les hommes arrivent à s’engager comme les femmes, nous pourrons nourrir tout le Niger, parce que les femmes sont engagées et la nappe n’est pas loin. Il faut juste avoir des moyens pour travailler la terre.
Interview réalisée par Aminatou Seydou Harouna (ONEP)