La production du moringa apporte une contribution importante à l’économie locale de la commune de Djirataoua. Si les grands producteurs s’en tirent avec des millions de francs CFA de recettes consécutivement à la vente de leur production, les femmes constituent un maillon essentiel dans le circuit de commercialisation. Elles y sont très actives et d’autres sont très influentes. «Si ailleurs les gens sont fiers parce qu’ils ont de l’or, du pétrole et d’autres richesses minérales, à Djirataoua nous avons aussi notre or et notre pétrole, c’est le moringa. Dieu merci, nous produisons, nous consommons et nous vendons la part plus importante de la production», confie Tchima Mamadou, membre de l’Union Jindadi.
Il suffit de faire un tour à l’entrée du périmètre pour se rendre compte de l’activisme des femmes dans le circuit de commercialisation du Moringa. En effet, un mini marché communément appelé «Fada» a lieu chaque jour ici. Les récoltes directement prises du périmètre y sont acheminées par moto, charrettes, vélo et même sur la tête. C’est ici que les acheteurs et intermédiaires se retrouvent pour les transactions. C’est aussi ce marché du périmètre qui donne le pouls de ce que sera le prix du moringa sur les différents marchés de la région et même d’ailleurs. Même si elles ne sont productrices, les femmes sont majoritaires au niveau de ce marché en tant qu’acheteuses. Certaines viennent d’autres localités de la région comme Aguié, Tessaoua, Madarounfa, etc.
Grâce à cette activité beaucoup de personnes arrivent à satisfaire les besoins et en particulier ceux de leurs foyers. Certaines y ont trouvé un crédo pour se professionnaliser.
Tchima Mamadou, présidente de l’Union Jindadi, une grossiste
Agée d’environs 45 ans, veuve et mère de 7 enfants dont 3 filles, Tchima Mamadou, rencontrée au marché du moringa du périmètre de Djirataoua, doit tout à cette activité. «J’ai près de 20 ans dans cette activité. C’est grâce à ce que je gagne dans cette activité que j’ai organisé le mariage de 5 de mes enfants. C’est aussi grâce à cette activité que je prends en charge la scolarité de mes enfants et de certains de mes petits (six (6) au total). Aujourd’hui, j’ai construit une maison. Vous comprenez la charge d’une famille où le mari est décédé. Je gère mon foyer sans problème grâce à cette activité. Dieu merci sans cette activité beaucoup de femmes et de jeunes seront en exode», a-t-elle confié. Pour Tchima, le moringa fait la fierté de la population de Djirataoua et même celles des autres villages environnants, précisant qu’elle a même des clientes qui viennent d’Aguié et de très loin pour acheter des sacs du moringa.
A côté d’elle, deux autres femmes sont venues de Tibiri Gobir pour acheter des sacs du moringa. Habi Abdou et Abou Maman, toutes âgées d’une quarantaine ont confié qu’elles sont dans cette activité depuis environs 7 ans. Elles font la navette à Djirataoua pour acheter du moringa et aller le revendre au village dans le nord Tibiri. «Le Sac est à 3000 voire 4000 francs cfa. Nous achetons pour 10.000 à 20.000 mille francs cfa, chaque jour en fonction de la disponibilité. Sur chaque marchandise de 10.000 ou 20 mille francs, on peut gagner 2.000 à 5.000 francs cfa. Il faut comprendre que les choses changent en fonction des saisons, parce qu’il y’a de fois où on ne gagne rien et où on perd même surtout avec le coût élevé de transport», témoigne Habi Abdou.
Mme Rabi Maman Amani, productrice, commerçante et transformatrice du moringa
De toutes les femmes de Djirataoua, Mme Rabi Maman Amani (45 ans) est la plus active et la plus connue dans la commercialisation du Moringa. Cette femme au foyer et mère de 5 enfants a plus de 20 ans d’expérience dans cette activité. Elle a d’abord commencé par la commercialisation avant de devenir productrice, puis transformatrice. Cette expérience est digne d’une ‘’succès story’’ des grands chefs d’entreprise qui souvent partent de rien pour fonder un empire. «J’ai commencé avec 3000 FCFA» confie-t-elle avec beaucoup de fierté.
Aujourd’hui, Rabi a mis en place une petite organisation pour ne pas dire entreprise dans laquelle elle emploie une vingtaine de personnes (hommes et femmes). Ses employées femmes travaillent dans la récolte etla transformation du moringa, tandis leurs collègues hommes s’occupent du transport.
Dans le prolongement de ses activités de production, Rabi est présidente du groupement de transformatrice de moringa appelé ‘’Anfanin Zogala‘’ et d’une union appelée Union Marhaba. Avec ses collègues, Rabi transforment le moringa en poudre (utilisée comme complément alimentaire), en épice, en savon. Elles produisent également de l’huile de moringa, une huile essentielle très prisée et rentable.
A travers leur groupement et union, les femmes de Djirataoua ont développé des initiatives pour l’épargne et la solidarité. «Au niveau de notre groupement chaque membre verse une cotisation de 250 FCFA par semaine. La somme constituée est utilisée comme capital. Pendant les récoltes nous achetons et stockons des céréales ou d’autres produits qu’on revend quand les prix sont bons», confie Rabi Maman Amani. Avec cette épargne, ces femmes louent ou achètent des champs et des parcelles qu’elles exploitent pour la production. «En période de soudure, nous distribuons aussi des vivres aux membres de notre organisation pour soutenir leurs ménages», ajoute la présidente de l’Union Marhaba. Grâce à leurs activités, ces femmes ont pu ouvrir un compte d’épargne qui semble être bien garni même si la présidente évite soigneusement d’en révéler le solde.
A travers ces activités, les femmes de Djirataoua construisent leur autonomisation économique et contribuent à la satisfaction des besoçins de leurs ménages. Ce qui a fini par convaincre leurs conjoints à les soutenir dans leurs activités. «Mon époux m’apporte son appui en aidant souvent les femmes dans la cuisson ou le séchage du moringa», se réjouit Rabi Maman Amani. «Beaucoup d’entre nous soutiennent la scolarisation des enfants. Nous prenons en charge beaucoup de dépenses concernant la charge du foyer», a-t-elle expliqué.
Dans cette activité Mme Rabi Maman Amani a souligné avoir effectué plusieurs voyages dans les autres régions dans le cadre du partage d’expérience, des foires et des formations. Agadez, Zinder, Tillabéri, Niamey, Dosso, Tahoua et Diffa, elle y était grâce à cette activité et avec le soutien des partenaires.
C’est une activité que cette brave femme mène avec conviction. Elle sort le matin souvent dès 7 heures pour être dans les exploitations où elle travaille jusqu’à 17h voire 18h comme ce vendredi 31 juillet où nous l’avons trouvée au niveau de leur plateforme de séchage du moringa. «Nous transformons le moringa pour en faire des aliments nutritifs. Nous transformons le moringa en farine, en thé, en piment, en huile et en bien d’autres produits car, c’est une plantes à diverses vertus. Avec le moringa nous sommes capables de produire de nombreux autres produits alimentaires ou des compléments alimentaires. Malheureusement, nous n’avons pas assez des moyens pour acheter du matériel et les partenaires manquent. Nous avons besoin vraiment des appuis pour aller vers une véritable industrialisation de la transformation du moringa», a-t-elle expliqué.
La plateforme de séchage qu’utilisent les femmes se limite à un petit espace cimenté faisant partie d’un petit magasin abandonné dans le périmètre. Le travail est harassant, les femmes étant obligées de rester au soleil pendant de longues heures à tourner et retourner les feuilles de moringa pour obtenir un séchage homogène.«Nous pouvons faire de bien meilleures choses si nous avions des équipements modernes comme ceux qui j’ai vu à Agadez», déclare Rabi.
Un business qui profite aussi aux jeunes
Ce n’est pas seulement les femmes et les producteurs qui profitent du business créé autour du moringa. Les jeunes y sont aussi très actifs et en tirent leur épingle du jeu. Ils officient notamment dans le transport mais aussi le ‘’courtage’’ pour ceux qui viennent acheter de grosses quantités.
Chaque jours c’est environ une vingtaine de véhicules et de tricycles qui quittent Djirataoua chargés de sacs de feuilles de moringa surtout pendant cette saison. Ils prennent leurs chargements au niveau du marché fada du périmètre.
M. Chamsidine Salissou un conducteur de tricycle est dans le transport des produits du périmètre depuis environs 15 ans. Agé d’environ 35 ans, marié et père de deux enfants, Chamsdine gagne sa vie dans cette dans cette activité. «C’est dans ce transport que je nourris ma famille. J’ai aussi acquis un terrain qui est aujourd’hui en construction. Chaque jour je réalise un chiffre d’affaire qui varie de 4.000 à 6.000 francs cfa. Au début je faisais ce travail avec une moto, mais maintenant j’ai ce tricycle qui me permet de transporter à la fois la marchandise et les propriétaires», a-t-il dit, tout en implorant Dieu pour qu’il bénisse davantage le périmètre et le moringa.
M. Mati Ousseni de la coopérative Jirataoua Nord, un grand producteur, âgé d’envions 50 ans. Il est président d’une coopération composée de 713 membres. Tous produisent du moringa, mais aussi d’autres produits alimentaires, comme le maïs, l’aubergine, le piment rouge et le piment vert, l’oignon, le chou, etc. A lui seul, Mati exploite plus de 0,64 ha, uniquement pour produire du moringa. Tout en reconnaissant l’impact de cette culture sur l’économie locale et celle des ménages, Mati Ousseini souligne aussi les besoins des producteurs en vue de booster la production.
Ces besoins sont de plusieurs ordres. «Nous avons besoin des appuis en termes de partenariats d’investissement, en termes de subvention sur les coûts de l’électricité, en intrants spécifiquement en engrais, la construction ou la réhabilitation des forages, la mise en place des équipements modernes de transformation et ou de conservation. Si ces difficultés sont prises en charge, l’économie locale va en bénéficier et les ménages verront leurs conditions de vie s’améliorer davantage», a-t-il expliqué.
Grâce à son périmètre hydro-agricole, Djirataoua est aujourd’hui la destination de jeunes des autres zones qui viennent en exode. Des milliers des familles issues de plusieurs villages de la région de Maradi s’y rendent pour travailler sur les plantations. Ce périmètre est en somme toute une fierté locale, régionale et même nationale pour sa contribution à l’amélioration des conditions de vie des populations, à la lutte contre le chômage et l’exode des jeunes.
Dans le contexte le sécuritaire complexe que connaissent certaines zones du pays, l’Etat doit davantage investir dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme celui de l’irrigation en vue de lutter contre le chômage et la pauvreté des jeunes et des femmes. Le choix du thème de cette année, dans le cadre de la célébration de la fête nationale de l’arbre, commémorant, date de l’Indépendance du Niger, ne doit pas se limiter uniquement à l’aspect festif. Il doit être suivi par des actions concrètes en faveur du développement et l’amélioration de la production du moringa en vue de développer les économies des ménages.
Vers une modernisation de la transformation du moringa
A Maradi, un groupe d’homme (45 au total) s’est organisé en groupement appelé «GA ZUMA» dont l’objectif est la production, la transformation et la commercialisation du moringa et du miel. Après quelques années de démarche et d’initiative pour la matérialisation de cette volonté en réalité, ce groupe a bénéficié de l’appui de la coordination régionale Maradi de l’Initiative 3N pour acquérir une machine neuve de production du thé de moringa.
Le groupement ‘’Ga Zuma’’ est constitué des personnes évoluant dans divers
secteurs d’activités : commerçants, investisseurs, entrepreneurs, agriculteurs, apiculteurs, tradipraticiens et des producteurs. La mise en place de ce groupement confirme, si besoin est, le sens de cet adage qui dit « avec la volonté et la détermination, l’on peut déplacer des montagnes ». M. Abdoul Karim, le président de cette organisation confie que leur objectif est de faire de Maradi une référence en matière de production du moringa, sa transformation et la commercialisation de ces produits. C’est dans cette optique le groupement a fait des démarches auprès du l’Initiative 3N.
«Grâce à cette machine, nous allons produire du thé du moringa (communément appelé lipton) à quantité suffisante et qui sera vendu à un prix très raisonnable. Le choix du moringa n’est pas fortuit. C’est une plante qui a des multiples vertus. Les scientifiques ont souligné que cette feuille sert de remède à plusieurs centaines des maladies», a-t-il dit.
Le président du groupement Ga Zuma a confié que leur structure voulait depuis longtemps acquérir une telle technologie mais ses ressources ne le lui ont pas permis. En effet, la machine en question coûte plus d’une dizaine de millions de FCFA. «C’est pourquoi nous ne pouvons que remercier le gouvernement à travers l’Initiative 3N pour cet appui inestimable à notre organisation», déclare M. Abdoul Karim avant d’ajouter que la machine a été offerte gratuitement à l’organisation.
Un technicien est venu l’installer et la tester. Désormais opérationnelle, mais en phase d’essai, cette machine permet d’avoir du Lipton en sachet plastifié, bien protégé contre la poussière et dans le respect de toutes les conditions d’hygiène. «A l’avenir, nous comptons saisir cette opportunité pour faire de l’emballage de beaucoup d’autres produits et les mettre sur le marché à moindre coût», a souligné M. Abdoul Karim.
A travers cette plateforme, plusieurs jeunes seront formés et recrutés dans la chaine. Ce qui, selon le président Ga Zuma, contribuera dans la lutte contre le chômage et contre l’exode des jeunes.
Ali Maman, envoyé spécial(onep)