
Dans la commune rurale de Koleram au cœur du département de Mirriah, dans la région de Zinder, la lutte contre la malnutrition infantile est une priorité collective. Chaque mardi, le Centre de Santé Intégré (CSI) se transforme en un véritable carrefour d’espoir. Mères et enfants y affluent pour bénéficier de séances de dépistage, soins et vaccinations. Grâce à l’engagement constant du personnel soignant, au soutien technique et matériel du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), ainsi qu’aux actions de sensibilisation menées au sein des communautés, les indicateurs nutritionnels connaissent une amélioration progressive. Toutefois, les défis restent de taille. Pérenniser les acquis, toucher les zones les plus enclavées et renforcer l’autonomie des familles demeurent des enjeux majeurs.
Il est 11h15mn à Koleram, une commune rurale nichée dans le département de Mirriah, région de Zinder au sud du Niger. Située à environ 14 km à l’ouest du chef-lieu départemental, la localité est déjà sous un soleil ardent de mi-journée. Dans la cour du Centre de Santé Intégré (CSI), à l’ombre éparse d’un arbre, des femmes attendent patiemment, enfants au dos ou blottis dans les bras. Cette matinée du 20 mai 2025, une trentaine d’entre elles ont fait le déplacement pour le dépistage de la malnutrition et la vaccination de leurs enfants.
Dans ce centre, chaque mardi est dédié comme jour de prise en charge nutritionnelle et de vaccination. Depuis quelques années, les mères viennent de plus en plus nombreuses faire consulter leurs enfants. En effet, la région de Zinder affiche une prévalence élevée de la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans. Pour y remédier, le gouvernement, avec l’appui de ses partenaires et les financements du Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), a mis en œuvre des programmes de renforcement de la résilience nutritionnelle.
Ainsi, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) soutient à la fois le programme de prévention de la malnutrition chronique et la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère dans les districts sanitaires de Mirriah et Matameye à travers un paquet d’activités promotionnelles et préventives de l’Alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Au Centre de Santé Intégré de Koléram, les deux programmes sont mis en œuvre. Selon Mme Haboubacar Fassouma Rabiou, infirmière cheffe du poste, les prises en charge fonctionnent très bien. « En comparant avec l’année dernière, nous constatons une évolution positive grâce à l’appui constant des partenaires. La prise en charge se déroule bien, tout le nécessaire est disponible », se réjouit Mme Haboubacar Fassouma Rabiou.

Des chiffres encourageants avec une fréquentation en hausse
Le CSI de Koleram enregistre une nette amélioration dans le cadre de la lutte contre la malnutrition. En 2024, 202 cas ont été dépistés, dont 169 sévères. En 2025, les chiffres montrent 155 cas modérés et 92 sévères. « Les cas de malnutrition aiguë sévère ont presque diminué de moitié. Ce progrès est le fruit de nos campagnes de sensibilisation. Désormais, les mères sont formées à l’usage du périmètre brachial, un outil de détection précoce de la malnutrition », explique l’infirmière.
Avant cette pratique, les mères attendaient à ce que l’enfant rentre dans la phase critique pour le présenter au centre de santé. « Mon enfant avait perdu l’appétit et du poids. À notre arrivée au CSI, il était en bande jaune. Mais avec un suivi, deux semaines plus tard, il avait retrouvé la forme », raconte Yaha Mahamadou, sourire aux lèvres. C’est aussi un signe positif dans le changement parce que, les mères viennent consulter plus tôt. Quant à Mariama Mahamane, 24 ans, elle a marché 12 km avec ses deux enfants pour se rendre au CSI. « Mon bébé de 15 mois souffrait de malnutrition modérée après des vomissements et diarrhées. Je suis très satisfaite de la qualité des soins de ce centre », affirme-t-elle.
L’Unicef appuie à la fois le programme de prévention de la malnutrition chronique et celui de la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère singulièrement dans les districts de Mirriah et Matamèye.
Les témoignages des mères abondent. Balkissa Lawan, 26 ans et mère de six enfants, a parcouru 14 km depuis Baouchéri pour faire soigner sa fille Amira, âgée de 22 mois. « Elle était en malnutrition sévère. Aujourd’hui, après 11 semaines de traitement, elle est passée à la bande jaune. Sa santé s’est bien améliorée », confie-t-elle en tenant des sachets de Plumpy’Nut.
A travers ce projet financé par l’UNICEF et ses partenaires qui accompagnent le gouvernement du Niger dans le souci d’entraide sociale, économique et de réduction des risques de catastrophes, au profit de la population rurale, en particulier des femmes et des jeunes dans des communautés, les attentes au niveau de la région de Zinder concernent surtout la pérennisation des activités. « Nous encourageons l’État et ses partenaires à continuer les efforts pour l’éducation nutritionnelle. Il nous faut notamment recycler les relais communautaires et relancer les émissions de sensibilisation via la radio communautaire », plaide Mme Haboubacar Fassouma Rabiou.
Une prise en charge adaptée
Sous un hangar érigé près d’un arbre, agents de santé, mères et enfants se pressent. Les infirmiers pèsent, mesurent, et distribuent des rations thérapeutiques. « L’évolution de chaque enfant est suivie hebdomadairement. En cas de stagnation, on adapte le protocole », explique Saadou Ichaou, un infirmier trieur. La malnutrition est souvent aggravée par des infections répétées, une alimentation pauvre, l’absence d’eau potable et d’hygiène. À cela s’ajoute une pauvreté chronique. « Certaines familles n’ont qu’un repas par jour, à base de mil. C’est insuffisant, surtout pour les nourrissons. Ils ont besoin d’une alimentation fortifiante », rappelle-t-il.

La vaccination, autre levier de prévention
Dans une autre aile du centre, les pleurs se mêlent aux petits cris d’enfants surpris par des piqures à eux administrées par les infirmiers et infirmières. En effet, ce mardi est aussi un jour de vaccination, et le personnel s’active pour l’accomplir promptement. Elle protège les enfants de 0 à 5 ans contre des maladies potentiellement mortelles. « Nous vaccinons contre la rougeole, diphtérie, tétanos, coqueluche, varicelle, hépatite B, poliomyélite, hémophilie, etc. », énumère l’infirmière en chef de Koleram, Haboubacar Fassouma Rabiou.
Dans son témoignage, Mme Rabiou affirme que, grâce au soutien de l’UNICEF, le CSI est équipé en vaccins et en chaîne de froid pour la conservation des antigènes. Elle a aussi apprécié les sorties foraines financées par l’Etat et ses partenaires pour atteindre les populations vivant à plus de 5 km. « Nous sommes appelés à effectuer le déplacement vers la population pour qu’elle soit vaccinée. En 2024, nous avons vacciné 222 enfants en Penta, et 290 en 2025. Cet écart positif est le fruit des activités foraines », précise-t-elle tout en indiquant que la couverture vaccinale progresse et la sensibilisation doit suivre.

Les relais communautaires jouent un rôle clé, sillonnant les villages et hameaux pour informer, rassurer et orienter les familles. Ce travail porte des fruits dont les femmes en sont les principales bénéficiaires.
Une mobilisation communautaire renforcée
L’engagement dépasse les mères. Les chefs traditionnels participent activement à la sensibilisation. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre la malnutrition. Ils sont d’ailleurs les acteurs clés pour la sensibilisation, l’éducation et la mobilisation communautaire. Ils peuvent également contribuer à améliorer l’accès à une alimentation adéquate et à des soins de santé appropriés. « À chaque réunion, je rappelle aux chefs de ménages que la santé des enfants est une responsabilité collective », affirme Oumarou Souley Alhaji Issa, chef du village d’Angoual Mokko lors de notre passage dans sa contrée.

La représentante de l’UNICEF au Niger a reconnu le rôle central joué par les communautés elles-mêmes, les relais communautaires et les groupes engagés auprès des parents pour la nutrition des enfants et la gestion des projets. «Leur engagement au quotidien reste un pilier essentiel de l’approche que nous avons développée avec le gouvernement pour la mise en œuvre de ces différentes interventions », a affirmé Mme Djanabou Mahonde, lors d’une conférence de presse à Niamey.
Aujourd’hui, le Centre de Santé Intégré de Koleram devient une référence pour les communautés environnantes. Le personnel espère désormais un soutien accru des autorités et partenaires pour élargir les programmes existants.
Seini Seidou Zakaria (ONEP), Envoyé spécial