
Contrôleur Général de Police Mamane Issoufou
Monsieur le Gouverneur, le CNSP a deux (2) ans au pouvoir, quel est l’état général de votre entité administrative en particulier sur le plan sécuritaire ?
Considérée jadis comme l’une des régions les plus paisibles et sécurisée du pays, la région de Maradi est devenue depuis 2019 une zone d’insécurité faisant face à des défis sécuritaires et à des menaces contre lesquels une lutte sans merci est engagée par les Forces de Défense et de Sécurité. Cette situation sécuritaire se caractérise par :
- Des attaques à main armée au niveau des villages frontaliers avec le Nigeria, des enlèvements des personnes avec demandes de rançons et de vols de bétail ;
- Du trafic d’armes et de munitions qui s’opère du nord (Niger) vers le sud (Nigeria).
- Du trafic de drogues qui s’opère du sud (Nigeria) vers le nord (Niger).
- De la fraude du carburant et autres produits commerciaux.
Des effets conjugués de ces actes criminels ont engendré au niveau de la communauté des comportements à risque tels que la consommation de la drogue, les vols, les violences physiques et sexuelles et d’autres comportements déviants (LGBTQ+).
La persistance de la situation sécuritaire au niveau de la frontière avec le Nigeria et la position géostratégique de notre pays depuis les évènements historiques du 26 juillet 2023 laissent apparaître des nouvelles menaces qui sont, entre autres l’allégeance des groupes armés à des groupes terroristes ; les conflits inter et intracommunautaires ; la connexion entre trafiquants et les groupes armés criminels, le risque d’élargissement de la zone impactée par l’insécurité transfrontalière vers les départements d’Aguié, de Gazaoua et de Tessaoua ; la création du groupe armé terroriste dénommé LAKURAWA ; les accords de paix signés par certains Etats fédérés avec des groupes armés opérant le long de la frontière.
Malgré ces défis et menaces sécuritaires auxquels la région fait face, on peut dire que la région de Maradi se porte relativement bien car le dispositif mis en place répond efficacement à la problématique actuelle de l’insécurité.
Les Forces de Défense et de Sécurité de la région de Maradi ont ainsi enregistré plusieurs résultats probants dans la lutte contre les différents trafics avec la saisie de plusieurs quantités de drogue, d’armes, de munitions et du carburant ainsi que le démantèlement de plusieurs réseaux criminels.
Enfin, pour ce qui est de la criminalité urbaine, plusieurs actions sont menées qui concourent à garder nos centres urbains à l’abri de la grande criminalité qui compromet la paix sociale. Il faut noter que les différentes actions de sensibilisation ont amené les populations à prendre conscience de la nécessité de collaborer avec les FDS. En outre, les différentes visites organisées au niveau de toutes les positions conjuguées aux efforts consentis par la hiérarchie constituent le gage de la réussite de nos actions.
Quels changements avez-vous relevés dans la vie de la population de votre région et dans son état d’esprit par rapport à la marche du pays ?
Maradi étant une région fortement agropastorale et commerciale (notamment vers le Nigeria), les blocages commerciaux consécutifs aux sanctions iniques et cyniques imposées par la CEDEAO et l’insécurité le long de la frontière ont fortement impacté les échanges transfrontaliers. Cela avait à l’époque entraîné une hausse sensible du coût des produits de première nécessité (riz, sucre, huile) ; une réduction du flux d’échanges commerciaux avec le Nigeria réduisant l’offre sur les marchés, un phénomène fortement ressenti à Maradi-ville et Madarounfa ; un faible accès aux produits agricoles importés (semences, engrais) ; un désœuvrement des jeunes, surtout dans les centres urbains (Maradi-ville, Tessaoua) en raison du ralentissement des activités économiques ; une insécurité dans certaines zones rurales limitant l’exploitation des terres ; des déplacements limités vers les marchés ruraux ; une arrivée massive des réfugiés nigérians et des personnes déplacées internes.
Malgré cette situation, une grande partie de la population, notamment les jeunes et les femmes, exprime une fierté nationale relativement aux mesures prises consacrant la rupture avec certaines puissances étrangères, une adhésion à la nouvelle dynamique impulsée par les nouvelles autorités, un sentiment de dignité retrouvée, un sens de patriotisme et une véritable culture de citoyenneté axée sur la reconquête de la souveraineté nationale.
En effet, il convient de souligner que les autorités actuelles bénéficient d’un soutien avéré de la population, basé sur l’espoir d’une gouvernance plus juste. Dans ce cadre, on note plusieurs initiatives citoyennes locales entreprises par les jeunes, les femmes ou les leaders communautaires à travers les communes de la Région. En outre, on note avec satisfaction que les chefs traditionnels jouent enfin leur rôle de régulation des conflits sociaux avec comme conséquence la cohésion sociale entre les différentes communautés. L’organisation régulière des séances de prêche et des prières collectives suivies d’alkunut par les leaders religieux a permis de prévenir et de gérer les tensions sociales.
La région de Maradi subit des chocs successifs : sécuritaires, climatiques, économiques. Cependant, la réponse combinée de l’État, de ses partenaires et des initiatives communautaires a permis de voir émerger une résilience tangible. Les populations conservent un esprit de solidarité, une affirmation de dignité économique et sociale et optent pour une approche proactive et collective, malgré les crises structurelles.
Quels sont les principaux acquis à capitaliser notamment dans le cadre du Programme Grande Irrigation ?
Dans le cadre de la recherche de la souveraineté alimentaire, les plus hautes autorités de notre pays, sous l’impulsion de SE le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République, Chef de l’Etat, ont orienté leurs priorités vers la valorisation du potentiel irrigable à travers le développement des périmètres irrigués aménagés.
C’est ainsi que le 15 mai 2024, le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage a procédé au lancement officiel à Jambali (Madarounfa) des activités du Programme de la Grande Irrigation dans la région de Maradi. Ces activités se traduisent par le développement des périmètres irrigués aménagés ; la réhabilitation et l’extension des infrastructures d’irrigation ; l’augmentation des superficies irriguées ; l’introduction de techniques modernes d’irrigation ; le renforcement des capacités des acteurs ; l’appui institutionnel et le développement du partenariat ; l’amélioration de la productivité agricole ; le développement de l’Emploi et de l’Économie Locale
La mise en œuvre de toutes ces activités a permis à la population de la région de Maradi de mieux s’organiser et d’atteindre des résultats très concluants au plan économique avec des revenus substantiels engrangés, au plan social par la création d’emplois et au plan culturel par le changement de comportements. Tous ces aspects combinés ont favorisé l’émergence des citoyens résilients.
Quels sont les défis et surtout les espoirs de la population ?
A l’instar de toutes les régions, les défis demeurent d’ordres sécuritaire, économique et social.
Au plan sécuritaire, la proximité avec trois (3) états fédérés du Nord Nigeria constitue encore une préoccupation. Pour se faire, il s’en ressent la nécessité de mobiliser davantage des moyens humains, matériels et financiers en vue de maintenir la situation sous contrôle.
Au plan économique, l’accaparement des terres pastorales par les agriculteurs dans la partie Nord et l’insuffisance des terres de cultures au Sud auxquels s’ajoutent la fermeture de plusieurs unités industrielles et le faible flux d’échanges commerciaux restent également une préoccupation.
Au plan social, l’accès aux services sociaux de base demeure encore une préoccupation, le tout exacerbé par l’employabilité des jeunes.
En dépit de tous ces défis, la population fonde beaucoup d’espoir sur la restauration d’une justice sociale, la répartition équitable des richesses nationales, la création d’emplois, la consolidation de la paix et de la cohésion sociale, gages d’un développement harmonieux et durable.
Propos recueillis par
ONEP