
Elles sont de plus en plus nombreuses, les femmes nigériennes à vouloir coûte que coûte avoir le teint dit ‘’arabe’’, un teint pour lequel l’utilisatrice fait tout un mélange de laits, de pommades, de sérums, d’huiles, etc. dont elles ignorent le plus souvent la composition chimique. Nombreuses sont les femmes qui pensent que s’éclaircir la peau est un signe de réussite. Le ‘’teint arabe’’ selon beaucoup de femmes interviewées, fait fantasmer et rêver les hommes. Les habituées de ces produits, bien que naturellement noir de teint considèrent que le ‘’teint noir est démodé, donc moins attractif. Aussi, la question qui se pose, c’est comment concilier la beauté et les impératifs de la santé pour les adeptes de cette pratique ?
Pourtant beaucoup d’hommes savent que ces femmes qui font ‘’ toussou toussou’’ se leurrent en pensant que le teint clair, leur permet de changer de statut. Malheureusement, et en quelques jours d’utilisation des produits éclaircissants, les effets sont visibles et les dommages irrémédiables. Les femmes qui se dépigmentent la peau ignorent ou font semblant d’ignorer totalement les risques qu’elles encourent. Des pommades, des laits, des solutions injectables qui intègrent des grandes quantités de cortisones composent ces produits éclaircissements.
Le ‘’teint arabe’’ fait des victimes à Niamey
Aichatou B., une stagiaire dans une entreprise de la place la trentaine d’années explique que plusieurs de ses amies vont dans les pays voisins pour faire des injections à coût de centaines de milliers de francs CFA voire de millions pour avoir un teint clair, brillant et joli et qui dure des années. Cependant, la composition chimique de ces produits éclaircissants injectables ne respecte pas les normes selon les esthéticiennes et les dermatologues. Ces produits affaiblissent le système humanitaire au point de le rendre vulnérable aux agressions extérieures. A force de les utiliser, ces produits favorisent les mycoses ; la peau avec le temps devient hypersensible au point où les utilisatrices peuvent avoir des acnés, des boutons, des brulures, des vergetures. Pire, au moment de fortes chaleurs, comme c’est fréquent dans notre région – le Sahel-, les femmes qui utilisent ces produits dégagent des mauvaises odeurs liées à la sudation.
De l’avis des spécialistes, la dépigmentation ouvre la voie au cancer de la peau. Et la peau, une fois malade et ou blessée, la chirurgie peut devenir fatale. Nafissa Moussa une femme naturellement claire explique qu’elle n’a jamais utilisé les produits éclaircissants et donne des conseils à ses sœurs. « Soyez fières de ce que vous êtes, fières d’être noires. Avant tout, les femmes doivent se dire que le teint noir dénote d’une certaine authenticité, c’est un critère de beauté. Cela est d’autant plus vrai sur le marché de la mode où les mannequins de teint noir sont depuis un certain temps les plus prisés. Ils sont plus faciles à maquiller car c’est une peau sans problème, sans défaut qui présente moins de tâches et moins de boutons », dit-elle. « N’hésitez pas aussi de demander aux dermatologues, en cas de problème, des laits, crèmes et parfums mieux indiqués pour votre peau. Ayez une bonne hygiène. Nous sommes au Sahel, ces produits ne sont pas adaptés à nos conditions climatiques ; votre vie est tout simplement en danger, quand on a une peau déprimée ou ayant des imperfections », ajoute Nafissa Moussa.
Les formes de dépigmentation
Dr Dossou Modeste Landry, médecin généraliste, Directeur de Cabinet Médical ‘’la Providence’’, explique que la peau est considérée comme un organe à part entière. Organe recouvrant toute surface de l’organisme en continuité avec les muqueuses. Sa fonction est de protéger l’organisme contre les agressions externes, les sensations tactiles, immunologiques, thermorégulations. A travers le monde, l’utilisation à visée cosmétique des produits ‘’dépigmentants’’ est de plus en plus répandue dans les communautés négro-africaines, en Afrique au sud du Sahara en particulier au Niger. Cette pratique est devenue un problème de santé publique de par ces effets nocifs. « La dépigmentation artificielle de la peau revient à se blanchir la peau avec des produits cosmétiques et chimiques. Au début, la dépigmentation se limitait à l’application de crèmes et lotion sur la peau à fréquence régulière, mais avec le temps, des médicaments, des injections et des savons ont pris la relève, aggravant ainsi les risques de maladie liée à la dépigmentation artificielle » souligne Dr Dossou. Les études menées sur le phénomène de la dépigmentation artificielle montrent que les produits utilisés sont des médicaments détournés de leur usage en l’occurrence les corticoïdes et l’hydroquinone, des produits très nocifs pour la peau. Autres produits tels que des acides de fruits et du mercure, le carotène, la vitamine C sont également utilisés selon une étude rapportée par l’association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA). Chez les couches sociales les plus défavorisées, la dépigmentation est faite de façon primaire avec de l’eau de javel ou de gel inconnu dont les teneurs chimiques sont très élevées.
Les risques liés à la dépigmentation de la peau
Selon toujours Docteur Dossou, la structure de l’épiderme se modifie notamment la structure cellulaire de la peau s’affine de plus en plus au contact des produits dépigmentant. « La peau devient alors plus fragile et s’expose aux risques de maladies épidermiques. Elle fragilise aussi les défenses immunitaires du corps et est la cause de nombreuses maladies telle que l’hypertension artérielle » explique-t-il. D’après l’association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), sept types de carcinomes épidermoïdes ont déjà été identifiées comme résultant de la dépigmentation artificielle par utilisation de l’hydroquinone et des corticoïdes. La dépigmentation expose aussi à des risques de plaie et dermatoses dont les plus fréquents sont la gale, l’apparition de dermatoses, les boutons, les cératophytes, les pyodermites superficielles, les pityriasis versicolores, etc. « Ce sont les signes primaires des risques de cancers. Les risques de plaies sont de plus en plus élevés avec l’utilisation de l’hydroquinone » explique Dr Dossou précisant que l’apparition de ces vergetures s’explique par le fait que les contenants chimiques froissent la peau en la dépigmentant et augmentent ainsi les endroits à risques de vergetures.
En outre, poursuit le médecin, la dépigmentation accélère le vieillissement cutané. « La peau devient ainsi fine et déshydratée, avec apparition de brûlures cutanées siégeant sur le visage, les jambes, et les bras car les produits sont incompatibles avec le soleil. Le tout se manifeste par une peau morte et fatiguée qui vieillit plus vite » précise Dr Dossou. A cela, il faut ajouter la cicatrisation difficile car la peau a perdu de son épaisseur et ses fibres cellulaires sont réduites. En outre, la dépigmentation par injection et médicaments per-os a des effets secondaires mortels : les risques de mort subite sont de plus en plus élevés chez les adeptes de la dépigmentation par injection et médicaments; en effet l’injection peut produire des effets secondaires comme un arrêt cardiaque. Les autres dangers secondaires de la dépigmentation sont, entre autres, les mauvaises odeurs corporelles, la pue des pieds, la coloration des ongles qui noircissent, les irritations des yeux, l’hyperpilosité des tâches d’acné accentuées.
Face à tous ces effets indésirables, Dr Dossou conseille aux jeunes et aux adolescents de dire non à la dépigmentation volontaire. « Ne nourrissez pas le complexe de la peau blanche, car la peau noire peut être éclatante et magnifique si vous lui donnez des soins adaptés. Ensemble nous pourrons vaincre le phénomène », dit-il. Il est tout à fait normal de réveiller et de booster son éclat mais, ayons toujours à l’esprit ces propos de l’artiste béninoise Angélique Kidjo qui disait dans une de ses interviews « si vous avez un problème avec la couleur de ma peau, c’est votre problème pas le mien ». Dans plusieurs pays, toutes les crèmes ou produits éclaircissants contenant du mercure ou de l’hydroquinone sont interdits d’importations, c’est le cas au Rwanda, en Afrique du Sud, au Kenya, au Ghana, etc. Du reste la beauté féminine ne se limite pas à son teint. C’est un ensemble de notions comprenant la coiffure, l’habillement, le maquillage, l’éducation, le savoir vivre, le savoir être, etc. Bref, la beauté est fonction du contexte culturel.
Aissa Abdoulaye Alfary(onep)