
Pour favoriser le déploiement du haut débit dans les zones rurales et éloignées, souvent mal desservies par les réseaux terrestres, réduire la fracture numérique et donner accès à des connexions rapides, fiables et abordables, le gouvernement du Niger a accordé, le 21 novembre 2024, une licence à l’opérateur satellitaire Starlink. Cette nouvelle opportunité a vite donné lieu à la multiplication des initiatives appelées «Wifi Zones», des activités lucratives exercées par des particuliers. À Niamey, dans des villes comme Zinder ou les petites localités à travers le pays, les jeunes s’offrent à travers ces Wifi Zones des services internet de qualité et à moindre frais. Avec ces Wifi Zones, la vente de la connexion internet est devenue ainsi un business auquel se consacrent de nombreux jeunes nigériens. L’accessibilité à ces kits et la performance de cette connexion par satellite a entraîné le recours massif au système par les jeunes en tant que distributeurs ou usagers de la connexion internet. Mais, le 11 septembre 2025, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP) a mis au jour ce que les acteurs et les usagers des Wifi Zones ne savent pas ou semblent ignorer. Leurs activités qui ont cours sans autorisation préalable enfreignent les textes légaux et constituent parfois une menace à l’ordre public, car elles rendent difficile l’identification des utilisateurs, avec des risques pour la sécurité nationale.

Désormais l’ARCEP, a pris la décision de mettre en place un mécanisme afin de recadrer la commercialisation de la connexion internet via les extensions Wifi Zones, de mettre l’Etat dans ses droits et d’imposer le respect des réglementations en vigueur. L’ARCEP a appelé les promoteurs de Starlink à une régularisation de leurs activités, conformément aux dispositions de l’article 17 de l’ordonnance n°2022-04 du 13 janvier 2022 modifiant la loi n°2018-45 du 04 du 12 juillet 2018, dans un délai d’un mois, prorogé jusqu’au 31 décembre 2025, dans un récent communiqué de presse. Cette loi recommande aux promoteurs pratiquant dans un domaine privé, le payement de 59.500 FCFA TTC et une redevance annuelle de 5 000 FCFA, frais de déclaration. Quand l’exploitation concerne des fréquences sur le domaine public, l’obtention d’une licence est obligatoire. La somme de celle-ci n’étant pas précisée, l’ARCEP s’est contentée de rappeler le montant exigé par le passé qui s’élève à 5 millions par bande de fréquence. La loi prévoit également de sanctions pénales en cas de contournement de cette procédure.
Au lendemain du communiqué, un grand nombre de promoteurs se sont rendus au siège de l’ARCEP, formant une longue file d’attente. Parmi ceux que nous avons rencontrés sur place, certains étaient venus pour se renseigner davantage sur le sujet, d’autre pour explorer une possibilité de réduction. Les mêmes informations relatives au communiqué leur sont confirmées, et une fiche de renseignement est donnée à chacun. Pour le moment, tout ce qui leur est demandé est l’enregistrement en attendant que soit fixé définitivement le montant de la somme requise pour la licence.
La NINETEC, le distributeur agréé des kits starlink au Niger, sur ses gardes
Wifi Zone est une technique de partage de connexion, à des fins lucratives, avec le dispositif Starlink, une propriété de l’entreprise américaine SpaceX. Ce système vise à offrir une offre de haut débit d’internet à travers le monde, à l’aide d’un réseau de milliers de satellites. L’entreprise exerce dans les différents pays où elle autorisée via ses partenaires agréés.
Au Niger, c’est l’entreprise NINETEC qui dispose de l’agrément. En tant que distributeur agréé, elle a l’autorisation de vendre les matériels et les services Starlink. Le directeur de stratégie et partenariat de l’entreprise, Dr Ibrahim Moussa, précise que le kit est vendu au prix du site Starlink.
On distingue quatre types de kit Starlink. Le kit mini, moins cher et portable, avec un routeur intégré dans l’antenne ; le kit standard, qui est standard comme son nom l’indique, un peu plus grand que le mini, le professionnel et la haute performance.
Selon le directeur de stratégie et partenariat de NINETEC, les kits mini sont les plus demandés au Niger. « Chez nous, ce sont les kits standards et professionnels qui sont les plus sollicités, par les entreprises » a-t-il précisé.
Pour acheter, l’entreprise exige aux clients de s’identifier avec la pièce d’identité nationale et le contact téléphonique. Ensuite, si le client en a besoin, les services après-vente sont facturés. Ces services sont, entre autres, l’installation, la configuration et l’abonnement. « Mais maintenant, pour l’abonnement, nous faisons exclusivement l’abonnement professionnel. Nous ne faisons pas l’abonnement résidentiel, », a souligné Dr Ibrahim Moussa.

Pour l’abonnement, l’utilisateur a le choix entre le forfait illimité et celui par volume. NINETEC à son niveau, s’est désengagée de l’activation des forfaits illimités. Les 500 gigas octets sont achetés à 60.000 FCFA par mois.
Cependant, les problèmes liés à l’abonnement illimité est le manque de priorité dans le trafic en période de grande affluence, ensuite, une dégradation du débit après usage intensif. Les acheteurs du forfait illimité ont une limitation géographique. Quand l’utilisateur déplace son antenne, il peut perdre la priorité réseau et subir des restrictions.
Wifi zone, 2 Go à 100 Fcfa pour l’utilisateur et 4 000 Fcfa à 6 000 Fcfa par point de partage pour le promoteur
Avec un seul point de partage, certains promoteurs arrivent à gagner 4000 FCFA, d’autres 5000 FCFA voire 6000 FCFA par jour. Avec la méthode d’expansion de la connexion, lorsque celle-ci est partagée entre deux points, la rentabilité est doublée.
Maman Sani Amadou est un promoteur basé au quartier Aéroport de Niamey. Il a partagé la connexion sur deux endroits supervisés par des jeunes. Ils vendent les deux gigas à 100 FCFA valables pour 24h. Par jour, quand tout va bien, il arrive à encaisser 5 000 FCFA à 6 000 FCFA avec chaque point.

A la fin du mois, s’il désintéresse les superviseurs, paye l’abonnement, il arrive à épargner, bien qu’étant minime, s’il tient compte de la somme de l’achat du kit. « Le kit complet composé du routeur, l’antenne et tout ce qui va avec, m’a coûté 600.000 FCFA. Avec ce rythme, il me faudra des années pour retirer l’argent du kit, » a-t-il relevé. «Mais, nous parvenons tant bien que mal à subvenir à certains besoins, » a-t-il reconnu.
« Ce n’est pas une fortune qu’on fait dans cette activité, contrairement à ce que pensent certaines personnes. C’est simplement un moyen de s’occuper, abandonner le chômage pour survivre », affirme Abdoul Nasser Zabeirou, un jeune du quartier Tondigamey supervisant pour le compte d’un parent. « Vu son revenu mensuel, ce qu’il va me verser, l’abonnement, le loyer, etc., je peux confirmer moi-même qu’il ne gagne pas beaucoup », a ajouté le jeune. Il a affirmé qu’avant l’achat de ce kit à son profit, il n’exerçait rien comme activité génératrice de revenu.
Une licence à 5 millions de Fcfa, des frais jugés exorbitants par les promoteurs
Les promoteurs des Wifi Zones se rassemblent et se constituent en groupes sur les réseaux sociaux. Ils s’y réunissent pour discuter, explorer des possibilités de négociation ou partager des informations avec leurs collègues éloignés. Pour eux, les modalités (qu’envisage leur imposer l’ARCEP) sont exorbitantes pour des entreprises aussi petites que les leurs. Beaucoup voient déjà leur activité menacée. Certains envisagent de vendre leurs kits ou revenir à un usage privé.
« Dans notre activité, nous demander de verser des millions équivaut à nous pousser à abandonner. La majorité d’entre nous ne possèdent pas cette somme, moi y compris. Ce que nous demandons auprès de l’ARCEP comme doléance, c’est de mener d’abord un diagnostic pour comprendre le fonctionnement des wifi zones. En faisant cela, ils pourront comprendre ce que nous gagnons. En fonction de cela, ils peuvent trancher les modalités » a indiqué Maman Sani Amadou. « C’est en faisant cela qu’ils nous aideront à développer cette activité » a-t-il soutenu.
Sani Arzika Nourou, un étudiant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, promoteur d’une Wifi Zone sur la cité universitaire, estime que son activité est comme une forme d’aide envers ses collègues étudiants. Selon lui, c’est parce qu’il n’y a pas de connexion internet fiable à l’université qu’ils ont eu cette initiative, car la connexion internet est très importante chez un étudiant pour ses recherches. Chez eux, le partage se fait à 100 FCFA sans limite pendant 24h.
Beaucoup s’interrogent toujours sur le statut à attribuer aux Wifi Zones des universités, celles-ci n’étant ni des espaces publics ni des espaces privés. Ainsi, en raison de leur caractère particulier et du fait qu’ils soient dans un cadre intellectuel, Sani Arzika Nourou demande qu’un traitement adapté leur soit appliqué.
Bachir Djibo (ONEP)
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A Zinder, de l’internet de qualité et à bas prix grâce aux Wifi zones
L’arrivée de l’internet haut débit via Starlink offre de nouvelles opportunités pour les jeunes de Zinder, qui cherchent des solutions face au chômage. Dans les rues animées de la ville, un souffle nouveau se fait sentir, porté par cette technologie désormais accessible. Grâce à la connexion rapide proposée par Starlink, l’environnement économique local se transforme et stimule l’esprit entrepreneurial des jeunes Zindérois. Ces petites antennes blanches sont partout. Dans les quartiers, au niveau des carrefours commerciaux et les places publiques de la capitale du Damagaram. Le phénomène tend d’ores et déjà à une prolifération caractérisée par une rude concurrence entre les promoteurs des Wifi-Zones dans certains endroits. Ce qui profite aisément aux usagers qui retrouvent le souffle après avoir décrié longtemps la mauvaise qualité et la cherté du débit qu’offrent certains opérateurs traditionnels de téléphonie mobile.

Ces Wi-Fi zones permettent à toute personne se trouvant dans le périmètre du signal de se connecter facilement avec un téléphone, une tablette ou un ordinateur portable. Les cartes d’accès, vendues à prix abordable allant de 50 FCFA pour une heure de temps à 500 FCFA la semaine. Ces cartes peuvent être aussi utilisées sous forme d’un abonnement mensuel allant de 3000 FCFA voire 4000 FCFA par endroit, avec une connexion rapide et stable, souvent bien plus performante que les données mobiles. Puisque la couverture des téléphonies mobiles n’est pas à 100% dans la région, avec ces kits plusieurs, jeunes se sont lancés dans la course entrepreneuriale des wifi-zones jusque dans les villages des plus éloignés.
Cette démarche a engendré le développement d’une économie parallèle à Zinder, où de nombreux jeunes sans emploi se sont reconvertis en vendeurs de tickets Wi-Fi ou en fournisseurs de connexion.
« Aujourd’hui, le Wi-Fi est au cœur des discussions. Les jeunes commercialisent des cartes pour que les gens puissent se connecter aux réseaux sociaux ou effectuer leurs recherches. Cela s’est transformé en un véritable métier ici, ce qui m’a poussé à me lancer dans ce secteur. Je me suis dit pourquoi ne pas en profiter et essayer ma chance ? En fait, c’est une activité rentable et je parviens à m’en sortir », témoigne Abdoul Nasser Issoufou, l’un des entrepreneurs de cette activité à Zinder.
Les quartiers de la ville sont quadrillés par ces points d’accès, parfois distants de moins de 100 mètres les uns des autres.
« Les zones wifi offrent plusieurs avantages tels que l’accès à internet à coût réduit, la mobilité, une connexion souvent plus rapide que les données mobiles, et une facilité d’utilisation grâce à l’authentification unique sur un réseau. Elles contribuent aussi au développement économique local, réduisent la facture numérique en améliorant l’accès à l’internet, et, avec tout cet avantage, je m’en sers pour valoriser l’image de mon entreprise », nous explique un promoteur qui requiert l’anonymat. Il explique aussi que les utilisateurs peuvent se connecter facilement dans le périmètre du signal.
C’est aussi des avantages réels pour la population. Du côté des utilisateurs, le constat est positif. Les faits sont palpables, hommes et femmes sans distinction d’âge, la population est connectée, en tout temps et à tout lieu. Dans les rues de la capitale de milles collines, l’on a pris goût et l’on a presque oublié l’option ‘‘économiser les données’’.« Avec 100 FCFA, je fais mes recherches pour l’école, je reste connectée toute la journée. C’est plus rapide que le réseau mobile », affirme Bassira Moussa, étudiante à Zinder.
Cependant, cette expansion rapide n’est pas sans controverse. L’ARCEP, autorité de régulation du secteur, alerte sur la prolifération de ces Wi-Fi Zones considérées comme illégales lorsqu’elles sont exploitées sans autorisation. « C’est comme si on te demandait une licence pour vendre des unités via une puce Orange ou Airtel, alors que tu achètes légalement le service», estime Ismaila Maiga, promoteur de zone Wi-Fi à Zinder.
Amadou Dan Kori, membre de la société civile, plaide pour une régulation claire et une sensibilisation des usagers en amont. Il déplore l’absence de cadre légal lors de l’arrivée de Starlink, ce qui, selon lui, a laissé place à des initiatives non encadrées dans un contexte de précarité et d’insécurité.
« Lorsque la Starlink a été implantée au Niger, il n’y a pas eu de sensibilisation préalable de la population sur l’utilisation de ce service. Les gens ont commencé à exprimer leurs frustrations face aux problèmes récurrents des réseaux défaillants de presque toutes les entreprises de télécommunications au Niger. De plus, on dit qu’au Niger, il y a des chômeurs et, cette fois-ci, qu’on empêche à ces chômeurs de trouver des solutions par eux-mêmes, alors comment vont-ils s’y prendre ? Je crois que les autorités doivent revoir cette décision, s’asseoir avec ces jeunes détenteurs de wifi-zones et trouver une issue », a suggéré Amadou Dan Kori.
Notons qu’il ne s’agit pas d’une interdiction de Starlink au Niger. L’outil reste fonctionnel, et son usage privé est pleinement autorisé. L’ARCEP assure ne pas vouloir freiner l’innovation, mais plutôt encadrer le secteur pour garantir la sécurité nationale, la qualité du service, et une concurrence équitable. Une nuance importante, alors que des centaines de jeunes à Zinder s’appuient déjà sur cette technologie pour bâtir un avenir numérique, dans une région où la couverture des réseaux des compagnies de téléphonie mobiles reste à désirer.
Rabiou Dogo et Hadiza Salifou (stagiaire)
ONEP Zinder