
Ces dernières années, l’on constate, effaré, une certaine montée de l’indiscipline individuelle et collective au sein de la société nigérienne, prise sans doute au piège de la problématique question de la normativité sociale destinée à organiser et à pérenniser la vie en groupe. Certains analystes y sont allés jusqu’à évoquer une crise de l’autorité : crise de l’autorité parentale, crise de l’autorité scolaire, crise de l’autorité politique, bref crise de la discipline individuelle et collective, matrice incontournable de toute vie en société. Le résultat final, c’est au bout du compte, l’apparition d’une catégorie d’individus incapables d’intégrer dans leur comportement intérieur et extérieur la nécessité qui a présidé à la création des normes sociales dont on exige le respect strict dans bien de cas, et dans la mesure du possible, dans d’autres cas.
L’application des mesures préventives édictées par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19 est une nouvelle illustration de cette tendance à la ‘’désobéissance sociale’’ telle qu’elle s’est traduite à travers les derniers événements violents entre des groupes de vandales, de voyous et les éléments des forces de l’ordre chargés de contrôler le respect de ces mesures. En effet, pendant que le monde entier se préoccupait de trouver des solutions idoines pour contenir les effets dévastateurs de la pandémie du COVID-19, ces fauteurs de troubles n’ont trouvé de mieux que de saccager des biens publics et privés, et de mettre le feu aux grandes artères de la ville.
Faut-il le préciser, le top départ de cette escalade a été donné par le quartier Goudel, un village de la banlieue de Niamey, où en dépit de l’interdiction de célébrer la prière hebdomadaire du vendredi pour les raisons que l’on sait, un groupe de voyous a croisé le fer avec les forces de l’ordre au cours d’un mouvement à la limite de l’insurrectionnel. On dénombre plusieurs blessés du côté des forces de l’ordre et d’importants dégâts matériels sur des biens publics et privés. Il convient de rappeler que le cas de Goudel n’est pas une première, une deuxième, une troisième, cette localité étrennant une longue réputation en la matière ! Ensuite, les émeutes se sont étendues au reste de la ville d’une manière synchronisée qui autorisait à penser que tout cela participait d’un plan savamment élaboré à l’avance.
En s’adressant à deux reprises à la Nation pour prévenir les citoyens sur les dangers de cette pandémie, le Président de la République, SEM. Issoufou Mahamadou, avait pourtant compté sur le sens des responsabilités de ceux-ci pour la réussite totale de la mise en œuvre des mesures préventives. Et pour cela, le premier magistrat du pays avait presque supplié l’adhésion totale des citoyens à ces normes de comportement individuel et collectif. Hélas, en toutes choses, il existe des brebis galeuses dont on doit souvent souffrir l’irresponsabilité et l’ignorance ! Fort heureusement, leur nombre est risible mais leur dangerosité n’a d’égale que leur capacité de nuisance. Ainsi, leur action pourrait affecter la réussite des mesures préventives en ce qu’elle pourrait renforcer la chaîne de transmission de la maladie.
Mais, la question cruciale que l’on devrait se poser est relative au pourquoi de ce phénomène, sans doute marginal pour le moment, mais quand même inquiétant pour l’avenir, ce refuge dans la désobéissance à la norme sociale de la part d’individus perdus aujourd’hui, sans repères et qui ne peuvent se retrouver et se délecter que dans une expression violente contre l’ordre social institué. Comme déjà souligné plus haut, la réfraction à l’ordre social, comme l’ont montré plusieurs études en psychosociale, s’explique le plus souvent par la démission, mieux la faillite des institutions traditionnelles chargées de la discipline au sein de la société. Chez nous au Niger, l’affaiblissement progressif de l’autorité parentale a contribué grandement à cette tendance, car l’éducation familiale censée inculquer les hautes valeurs sociales a failli dans sa mission pour de multiples raisons que le cadre restreint de cet éditorial ne permet guère d’aborder en profondeur.
Ensuite, l’école républicaine, la ‘’fabrique des futurs bons citoyens’’, semble, quant à elle, avoir aussi failli dans sa mission première de former à la citoyenneté les pupilles de la République. A ce niveau aussi, la crise de l’autorité du maître en a pris un sérieux coup, et le phénomène est tellement patent que l’on n’a point besoin de s’y attarder. Enfin, dans cette descente aux enfers, l’on a pu observer également la crise de l’autorité du politique incapable souvent de définir avec clarté les choix anthropologiques qu’elle attache à l’école : disparition de l’enseignement civique et moral dans nos classes, l’absence d’adéquation entre formation et emploi, l’inadaptation des programmes scolaires face aux évolutions sociétales, bref, la réinvention de l’école pour tenir compte des nouvelles réalités du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
La combinaison de ces trois crises explique, sans doute, aujourd’hui, la confirmation de la tendance à l’indiscipline comme mode d’expression et comme refuge pour ces associaux dont la réinsertion sociale passerait nécessairement par la réhabilitation des institutions disciplinaires traditionnelles que sont la famille, l’école et la société. La famille devrait retrouver tout son sens pour préparer et accompagner les membres qui en sont issus en assumant pleinement sa responsabilité dans le développement de la personnalité de ses membres. Quant à l’école, la vraie, l’école républicaine, elle devrait retrouver son rôle de former à la citoyenneté les enfants qui lui sont confiés pour redevenir cet ascenseur social qui permet à chacun de trouver sa place au sein de la société selon ses mérites et compétences.
Enfin, pour ce qui est de la société, elle devrait se montrer plus digne de la confiance que chacun a placée pour conduire sa destinée en assumant pleinement son rôle protecteur de l’individu contre les périls qui le menacent.
L’apparition et la propagation du COVID-19 dans le monde auront montré toute l’importance de la discipline individuelle et collective dans le devenir des nations. Les nations qui s’en sortent aujourd’hui le mieux sont, sans doute, celles qui se seront montrées disciplinées, à la fois sur le plan individuel et collectif, celles qui se sont appropriées les règles préventives édictées par leurs dirigeants, des nations qui ont internalisé les normes sanitaires imposées par la situation épidémiologique de l’heure. Les nations qui pleurent, au contraire, leurs morts avec des bilans macabres impressionnants, sont à ranger dans la catégorie des ‘’mauvais élèves de la classe’’, pour parler en termes pédagogiques et rester dans les limites du respect dû à la souffrance humaine et à la déférence devant les morts.
Le Niger du Président Issoufou Mahamadou a fait le choix de la responsabilité politique et n’entend point se laisser distraire par les clabauderies de quelques groupes de citoyens que ce soit. Dieu soit loué, grâce à ces mesures préventives, le Niger s’en sort pas mal, les derniers chiffres de la situation virologique inclinant à un optimisme mesuré, sans jamais baisser la garde ! Les maître-mots resteront sans doute la fermeté, la rigueur, la vigilance et surtout la discipline. A bon entendeur salut, dit-on souvent !
Par Zakari Alzouma Coulibaly