On dit souvent que la vitalité d’une démocratie se mesure au niveau de la disponibilité de celle-ci au dialogue constructif entre les différents acteurs. En effet, depuis l’apogée de la Raison dans l’Histoire, la recherche du consensus entre les hommes aura pris le dessus sur les velléités bellicistes des uns et des autres. Abandonnant les arguments de la force pour privilégier la force des arguments’’, l’homme moderne, mieux, ‘’l’homme civilisé’’ aura trouvé son salut dans la communion des cœurs et des esprits, cette ambition chère à Jean-Jacques Rousseau dans sa quête de paix universelle à laquelle il consacra toute sa vie.
Lorsque les armes, quelle que soit leur capacité destructrice, atteignent leurs limites indépassables, les belligérants, épuisés par tant d’affrontements pour une quelconque gloriole, n’ont plus d’autre choix que de conclure des accords de paix entre eux. Souvent, même les guerres les plus sanglantes finissent par trouver leur dénouement autour d’une table de négociation, ce que l’on appelle couramment armistice. Il en avait été ainsi pour les deux grandes guerres (1914-1918, 1939-1945) que l’humanité a vécues, dont les issues avaient débouché sur la création de la Société des Nations (SDN) pour la Première guerre mondiale et celle de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour la seconde déflagration planétaire. Alors, comme le disait le grand écrivain français Paul Valéry, « nous autres civilisations, nous savons désormais que nous sommes mortelles », la recherche de la paix et de la sécurité collective dans le monde aura été érigée en un impératif catégorique et un enjeu planétaire afin de ne plus exposer notre planète à des périls certains comme cela fut le cas en 1914 et en 1939.
De nos jours, si les guerres de conquête, c’est-à-dire les guerres impérialistes (colonisation) n’ont plus droit de cité au nom du principe sacro-saint selon lequel les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes, en revanche, d’autres sources potentielles de conflits ont émergé dans le monde. En effet, dans les pays en transition démocratique, de nouveaux foyers de tensions sont apparus à un moment de l’évolution sociopolitique de ces démocraties naissantes. Les difficultés d’acclimatation des principes démocratiques sous nos tropiques pour des Etats souvent non préparés à ce genre de régime ont entraîné de graves tensions sociopolitiques qui ont parfois nui à la stabilité politique et institutionnelle dans ces pays-là. Mais plus qu’ailleurs, le foyer le plus incandescent est sans doute le processus électoral dans ces Etats où les contestations post-électorales peuvent déboucher sur des guerres civiles, comme cela a été observé dans plusieurs pays de notre continent.
Le Niger, un pays caractérisé naguère par son instabilité politique et institutionnelle chronique, avait, dès les débuts de la décennie 2000, amorcé un dialogue au sein de la classe politique, baptisé Conseil National de Dialogue Politique (CNDP). Ce dialogue politique, faut-il le rappeler, était né sous l’initiative des Nations Unies dans le cadre de la prévention des conflits en Afrique. Pour le rendre possible, il avait fallu réconcilier les acteurs politiques, majorité et opposition, avec la médiation des grands témoins que sont les chefs religieux (Le président de l’Association Islamique du Niger et l’Archevêque de Niamey). Ainsi, ce dialogue politique avait permis d’enregistrer des avancées majeures dans l’avènement d’un climat politique apaisé. A titre d’exemple, grâce à ce cadre permanent de concertation, une révision du Code électoral avait été obtenue par consensus. Aussi, par le biais du CNDP, les partis politiques non représentés à l’Assemblée nationale avaient la possibilité de se faire entendre sur des questions d’intérêt national. Comme on le voit, incontestablement, le CNDP aura été d’une utilité pratique indéniable dans l’apaisement des rapports politiques au Niger.
Cependant, ces derniers temps, les postures extrémistes des uns et des autres, la montée de l’intolérance politique et la prédominance des ambitions personnelles sur les desseins collectifs auront ruiné cette belle entreprise qui avait pourtant permis au Niger d’être cité en exemple de démocratie consultative et préventive en Afrique. Or, toutes les grandes démocraties du monde se sont bâties sur ce socle indéracinable et inviolable du consensus politique et social sans lequel il n’est guère possible d’édifier une société viable.
Le Président de la République, SE. Issoufou Mahamadou, ne cessait de marteler en leitmotiv à l’endroit de toute la classe politique nigérienne que ‘’l’énergie qu’il faut déployer pour détruire, réinvestissons-là pour construire’’, ou encore que ‘’le Niger n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes’’, tant il est convaincu du fait que le Niger contemporain ne pourrait trouver son salut que dans le dialogue permanent et fécond entre toutes ses filles et tous ses fils !
Les combats et divergences politiques sont une chose et les valeurs républicaines en sont une autre. Nos appartenances politiques ou encore les adversités politiques ne devraient pas nous empêcher de nous rejoindre ou de partager des valeurs communes. Ainsi, en des circonstances douloureuses qui peuvent affecter chacun de nous dans la vie, les rivalités ou autres différenciations doivent faire place à la raison humaine.
A ce titre, on peut en effet saluer le geste très humaniste d’une partie de la classe politique, en dépit du climat politique délétère, pour avoir compati à la douleur du président du Lumana/FA, Hama Amadou, éploré par le décès de sa mère, alors même qu’il se trouvait en exil. On avait vu une classe politique, tous bords confondus, dans une procession funèbre en plein recueillement, aussi bien au cimetière qu’au domicile de la défunte. Cette compassion nationale démontre que si l’on fait la politique, on ne fait pas la guerre, en revanche ! Ce genre d’événements vient nous rappeler notre condition de mortels et l’impératif d’œuvrer toujours pour la paix dans notre pays. La recherche du pouvoir suprême, du saint graal ou de toute autre gloriole en ce bas-monde ne devrait pas nous faire oublier que le Niger est une chaîne de fraternité et de solidarité et que l’homme n’est jamais à la pointe de la création que quand il prend le soin d’écouter son semblable. C’est pourquoi notre pays devrait renouer avec les vertus du dialogue politique, car de grandes échéances électorales se profilent à l’horizon. Un climat politique apaisé, un processus électoral inclusif et une classe politique mature sont les ingrédients naturels d’une stabilité politique et institutionnelle future garantie.
Et voilà pourquoi il faut bannir le jusqu’au-boutisme, l’extrémisme et les postures individuelles qui sont autant d’obstacles dressés sur le chemin du dialogue politique au Niger !
Par Zakari Alzouma Coulibaly