
On dit souvent qu’à «chacun ses problèmes dans la vie». On pourrait y ajouter aussi qu’à chaque époque, ses problèmes ! Cependant, la sécurité a toujours constitué une quête fondamentale de l’humanité depuis la nuit des temps. Les guerres que se livrent souvent les hommes, les agressions qu’ils perpètrent les uns contre les autres ne sauraient remettre cette aspiration profonde de l’homme à la paix et à la sécurité. De par même sa nature et sa finalité, l’homme est un ‘’animal social’’, telle fut, peut-être, la contribution majeure du positivisme sociologique du début du 20ème siècle sous le magistère du grand Manitou de la sociologie française, Emile Durkheim. Exit donc les thèses du philosophe anglais Thomas Hobbes selon lesquelles ‘’l’état de nature serait le premier stade évolutif de l’homme. En réalité, par son essence même, l’homme serait programmé pour vivre en société.
Cela étant, sans sécurité, sans paix, place aux ténèbres, au chaos, à l’abîme, bref au néant ! ‘’Les grands de ce monde’’ de la première moitié du 20 ème siècle avaient cru trouver dans la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) l’instrument privilégié pour la promotion et la consolidation de la paix et de la sécurité dans le monde. Cela a, en partie, bien marché, puisque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde n’a plus connu de conflit de cette gravité. Mais, d’un autre côté, force est de constater que le monde n’est pas non plus cet Eldorado terrestre tant fantasmé par les pacifistes de tous poils !
Entre-temps, le monde a évolué, mais le cadre d’analyse des questions géopolitiques est demeuré anachronique, quand il n’est pas seulement devenu le vestige ostensible d’un monde disparu. A l’apogée de la raison dans l’Histoire, comme la modernité actuelle, les guerres classiques, telles que le monde les a connues, ne peuvent plus avoir droit de cité à cause sans doute de l’équilibre de la terreur qui domine sur la scène internationale depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale.
Recherchant un fil conducteur dans l’Histoire, le grand philosophe allemand, Emmanuel Kant, avait justement compris que la destinée humaine serait perpétuellement vouée à sa propre perte selon la célèbre dialectique manichéenne du Bien et du Mal. La Société des Nations (SDN), l’ancêtre de l’ONU actuelle, ayant vu le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale, est un exemple éloquent de l’anachronisme qui caractérise aujourd’hui l’institution onusienne, en ce que l’aïeule s’était retrouvée dans l’incapacité d’assurer la paix et la sécurité dans le monde. Les germes de la Seconde Guerre mondiale trouvèrent leur terrain d’éclosion dans ce défaut d’anticipation ou de prévention des conflits futurs. Le monde actuel doit aujourd’hui faire face à ses propres démons, tout comme celui qui l’avait précédé l’avait fait aussi !
Aujourd’hui, aucun continent n’est épargné par la nébuleuse terroriste et le crime organisé transnational. Dans ces conditions, on n’est plus dans une situation de ‘’guerres conventionnelles’’ où les différents belligérants se font face et se découvrent, mais bien face à d’ennemis invisibles tapis dans l’ombre, possédant de grandes capacités, d’ennemis diffus dans l’anonymat total, sans nom, sans visage, sans patrie, sans, sans… Face au terrorisme, comme certains analystes l’ont déjà dit, on n’est plus en présence d’une ‘’guerre classique’’, mais bien d’une ‘’guerre asymétrique’’, et par conséquent, les méthodes de lutte se doivent d’être en phase avec la spécificité du phénomène.
Dès lors, la nécessité de repenser la sécurité collective devient une urgence planétaire qui ne peut plus être circonscrite dans le cadre actuel des Nations Unies. C’est justement à ce niveau qu’un changement de paradigme devient nécessaire afin de prendre les nouveaux périls planétaires que sont le terrorisme, le crime organisé, les changements climatiques et les drames migratoires. En effet, face à la montée de ces menaces planétaires, il est apparu clairement que les instruments actuels de la préservation de la paix et de la sécurité dans le monde ne sont plus adaptés à la situation présente.
L’ONU a sans doute appartenu à un monde qui n’est plus, un monde façonné par la Guerre froide et la bipolarisation entre l’Est et l’Ouest. D’ailleurs, depuis plusieurs années, de nombreuses voix se sont élevées dans le monde pour réclamer une réforme profonde de l’institution onusienne afin de l’adapter aux nouvelles réalités contemporaines qui ne sont plus celles ayant présidé à sa création 74 ans plus tôt.
De nos jours, le Sahel est sous la menace grandissante du terrorisme islamiste depuis plusieurs années. Les Etats composant ce vaste espace n’ont pas souvent les moyens militaires et financiers pour y faire face. Le fameux chapitre 7 de la Charte des Nations Unies relatif au maintien de la paix est peut-être suranné face à la détermination de l’ennemi qui n’hésite point souvent à aller jusqu’à l’ultime sacrifice (kamikaze).
En dépit de la sonnette d’alarme tirée à tue-tête par le Président Issoufou Mahamadou, qui en appelle à une prise de conscience mondiale, la Communauté internationale reste toujours engluée dans ses vieilles certitudes quotidiennement battues en brèche par la géopolitique actuelle du monde. Récemment encore, à Dakar, lors du Sommet Extraordinaire de l’UEMOA consacré à la lutte contre le terrorisme dans l’espace communautaire, l’homme fort de Niamey était revenu à la charge pour interpeller à nouveau la communauté internationale sur la nécessité impérieuse d’une intervention musclée au Sahel. Rappelez-vous, les velléités isolationnistes des Etats Unis et la passivité des démocraties européennes avaient largement ouvert la voie aux visées bellicistes d’Hitler et de Mussolini, entraînant ainsi le monde dans un conflit dont il aura du mal à se remettre.
Depuis la mise en place de la Force conjointe du G5 Sahel, cette dernière peine à devenir opérationnelle, faute de moyens financiers et logistiques. La tendance unilatéraliste de l’administration Trump et les égoïsmes des Européens qui se montrent, de plus en plus, insensibles aux drames migratoires, ne sont pas là pour faciliter les choses, en dépit des professions de foi des uns et des autres.
Pourtant, le terrorisme est un péril planétaire qui prend souvent sa source dans les contradictions géopolitiques actuelles dominées par l’hégémonie croissante du Nord et la précarité galopante du Sud. Ce déséquilibre, mieux, cette fracture planétaire est porteuse de plusieurs germes pathogènes, dont le terrorisme islamiste et le crime organisé transnational sont les appendices. Alors, toute recherche de paix et de sécurité dans le monde, qui ne prenne pas en compte cette dimension fondamentale de la question, serait d’avance vouée à l’échec. Dans la même foulée, l’Aide Publique au Développement (APD) devrait également être repensée (Lire notre article de fond consacré à la problématique de l’APD).
Zakari Alzouma Coulibaly