Bulletin d’information n°4, mai 2025
Le jeudi 29 mai 2025, l’Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH) et l’Université du Bien Commun (UBC), en collaboration avec NEXUS Emilia Romagna ont organisé dans le cadre du projet : « Promotion de la coexistence pacifique, de la protection, et de dialogue interreligieux au Niger » (AID 012970/01/4), financé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), une conférence publique sur le thème « Etat des lieux de la sécurité dans l’espace AES ».
Délocalisée à la salle de conférences du Centre d’Etudes Linguistiques et Historique par Tradition Orale (CELHTO) de l’Union Africaine (UA) contiguë à l’IRSH, le public est venu très nombreux pour écouter les deux conférenciers qui sont : Dr ZANGAOU Moussa, sociologue, chargé de recherche au Département de Sociologie du Développement (SODEV) de l’IRSH et Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim, sociologue. Cette publication a été réalisée avec la contribution de l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement. Le contenu de cette publication est exclusif responsabilité de Nexus ER ETS et ne représente pas nécessairement le point de vue de l’Agence.
Ce bulletin d’information retrace d’abord la substance des allocutions des représentants des organisations partenaires avant de présenter respectivement la teneur des interventions des deux conférenciers et celle du public.
La substance des discours des représentants des organismes partenaires
La conférence a débuté avec les mots de bienvenue du Directeur de l’IRSH Dr Hamadou ISSAKA, de Monsieur ARMANINO Mauro de l’UBC et Madame ISSAKA Nana Hadiza MOUSSA représentante de NEXUS. Tour à tour, ils ont démontré la pertinence du sujet et invité le public à suivre avec intérêt le sujet traité au regard du contexte actuel du Sahel qui est classé pour la quatrième année consécutive l’espace le plus meurtrier de l’Afrique en termes de violences liées au terrorisme comme le rappelle Monsieur ARMANINO Mauro.
Dr Hamadou ISSAKA, Maître de recherche en Géographie, modérateur de la conférence, a repris la parole pour dresser un tableau sombre de l’expansion spatiale de l’insécurité au Sahel avec des statistiques alarmantes sur le plan social et économique (décès, déplacés interne, vols de bétail) et des reconfigurations socio-spatiales engendrées avant de présenter les deux conférenciers.
Que faut-il faut retenir des interventions des deux conférenciers ?
La première communication a été présentée par Dr ZANGAOU Moussa sur le sujet : l’état des lieux de la situation sécuritaire dans l’espace AES de 1990 à aujourd’hui. D’entrée de jeu, il a décliné la méthodologie utilisée ayant permis de présenter ses résultats avant de faire la genèse de l’insécurité au Sahel par la présentation de la typologie des acteurs et les causes de la violence. Ainsi, des groupes composés de bandits armés aux rebelles en passant par les milices d’auto-défense, Dr ZANGAOU Moussa a fait ressortir les causes des crises et des conflits armés dans l’espace AES. Il a noté que les sécheresses, la circulation anarchique des armes à feu et les multiples trafics notamment de drogue constituent des facteurs qui ont aggravé la situation sécuritaire dans le Sahel. En ce qui concerne la circulation des armes illicites, il a ajouté que sur les 640 millions d’armes en circulation dans le monde, 30 millions se trouvent en Afrique de l’Ouest causant entre 500 000 à 700 000 victimes dont 80% sont des civiles. A ce défi du contrôle des armes illicites s’ajoutent aussi d’autres comme la bonne gouvernance et le contrôle des ressources minières qui attirent les convoitises des acteurs extérieurs. Avec une carte à l’appui, Dr ZANGAOU Moussa a montré au public les corrélations entre l’insécurité et la diversité des acteurs dans les zones riches en ressources minières au Niger. Dans certaines zones du Liptako-Gourma aujourd’hui en proie à des attaques meurtrières contre des populations civiles et les militaires, l’or se ramasse par terre. Avant de conclure son intervention, Dr ZANGAOU Moussa a donné quelques pistes de solutions pour la paix et la sécurité au Sahel.

La deuxième communication intitulée : acteurs non-étatiques et la reconfiguration sécuritaire dans l’Alliance des États du Sahel, une analyse par l’espace nigérien a été présentée par Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim. Après avoir présenté la dynamique sécuritaire de l’espace nigérien, il a présenté les types de groupes armés non-étatiques (GANE) qui sont : l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS), le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) devenu JNIM, Boko Haram, les groupes d’auto-défense et les réseaux criminels qui financent le terrorisme pour la déstabilisation des Institutions. Les stratégies utilisées ont été présentées par Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim au public ainsi que les zones d’intervention. De façon générale, ces stratégies ont pour objectifs le recrutement et le contrôle du territoire par la violence extrême. Parfois, les GANE font recours à la ruse à travers : la mise en place d’une justice parallèle qui résout des différends fonciers en souffrance au niveau des juridictions de l’État, les attaques contre les forces de sécurité, les assassinats ciblés, la prédation, l’exploitation des rivalités locales (entre des villages ou des ethnies) pour se présenter comme des protecteurs de certaines communautés. Certains GANE se substituent à l’État qui peine à se déployer partout sur le territoire national en faisant de la philanthropie par des dons multiples aux populations.
Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim a montré que l’impact des actions des GANE a provoqué une érosion de l’État, jadis détenteur du monopole de la violence et de fait perd le contrôle du territoire national. La crise sécuritaire a également provoqué une crise humanitaire avec un déplacement massif des populations qui a pour conséquence une insécurité alimentaire par l’abandon des espaces et les travaux agricoles par les populations. Avant de conclure, Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim a montré que l’AES fait face a beaucoup de défis dont notamment les difficultés de coordonner les efforts pour la sécurité. Il ajoute qu’une approche holistique est nécessaire en combinant sécurité, développement et gouvernance dans l’espace AES.
En guise de conclusion, Dr HAROUNA OUSMANE Ibrahim invite la communauté scientifique à approfondir la recherche dans un cadre pluridisciplinaire pour comprendre les facteurs, les causes profondes et l’impact de l’insécurité sur les Etats et les communautés.
Le modérateur Dr ISSAKA Hamadou a fait un résumé des deux interventions avant de donner la parole au public.
Intervention du public
Les participants, très enthousiastes, ont salué l’initiative d’organiser ces genres de rencontres scientifiques qui permettent le dialogue entre la science et la société.
Les contributions ont été très nombreuses et ont pris parfois la forme de réquisitoire ou d’interpellations des chercheurs à investir le terrain pour communiquer et partager davantage les résultats de la recherche. Pour beaucoup d’intervenants, voir les chercheurs intervenir sur l’insécurité au Sahel est une bonne chose c’est pour cela qu’ils ne doivent pas attendre que leurs prestations soient rémunérées pour faire des communications publiques.
Une autre contribution aussi a fait remarquer que le rôle des médias et des ONG n’a pas été évoqué dans les analyses alors qu’ils constituent des acteurs clés dans la résolution des conflits. Pour finir, des propositions de solutions ont été formulées par des participants comme l’implication des chefs traditionnels dans la sensibilisation des populations sur les questions de paix et de sécurité.
Pour clôturer ce bulletin, il convient d’informer que ces communications feront l’objet d’une publication qui pourra être consultée dans un numéro spécial de la revue Mu Kara Sani de l’Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH).
Professeur Abdou Bontianti
Directeur de Recherches
Institut de Recherches en Sciences Humaines
Université Abdou Moumouni (UAM)
