L’extraction ou la production du natron est une activité pratiquée par les populations de plusieurs localités du département de Balleyara. Cette activité se pratique en contre-saison, juste après la récolte sur les lits des mares salines ayant une forte teneur en sels minéraux (bicarbonate de sodium). Elle permet à beaucoup de famille d’avoir des revenus. Les principaux sites d’extraction sont M’Boriyan, Tondikandjé, Tamijine, etc.
Le samedi 8 janvier 2022, nous nous sommes rendus sur le site d’extraction du natron de Tondikandjé situé à 15 km de la ville de Balleyara sur la route de Fillingué. Sur ce site, les acteurs de la filière du natron, essentiellement des femmes, s’attèlent à la tâche au tour des dunes de sable entassé pour la production du natron. Pendant cette saison sèche, ces braves femmes passent une bonne partie de leur journée sur le site. Elles s’y accrochent avec courage et dévouement.
Pour Mme Ibrahim Zaynabou mariée et mère de 2 enfants, l’extraction du natron est exclusivement réservée aux femmes. Selon elle, cette activité est surtout développée dans les localités telles que Koygolo, Kiota et Harikanassou et dans tout le Dallol Bosso autour des mares temporaires et semi-permanentes. Mme Ibrahim Zaynabou a une expérience approfondie et une parfaite maitrise du processus d’extraction du natron. « Nous partons loin pour chercher le sable. Ensuite nous prenons un temps pour tamiser et arranger ce sable qui, une fois arrangé sera bouilli dans des récipients ‘’ demi-tonneaux’’. S’il y a suffisamment de bois de chauffe, le travail nous prend juste une seule journée. Ensuite, on verse le natron dans des moules pour avoir la forme que nous souhaitons. Nous avons des natrons en forme de disque ou circulaire, communément appelé ‘’sosso massa’’. Nous restons à côté du feu pour veiller à ce que le natron soit bien agité. Si le sable est très riche en sodium, il nous faut deux jours pour finir de bouillir. On laisse l’élément préparé pendant 2 à 3 jours, puis on le verse pour en faire des barres de natron. Maintenant le sable est très loin d’ici. Ce qui nous fatigue beaucoup, c’est le manque de moyen pour transporter le sable. Ce n’est pas tous les sables qui sont convenables pour produire du natron. Toutes les dunes de sable que vous vous ici ont été transportées sur nos têtes avec les enfants », a expliqué Zaynabou.
Depuis un certain temps, la filière du natron est confrontée à d’énormes problèmes, notamment les difficultés liées au processus d’extraction qui demeure totalement archaïque, le manque des matériels et techniques modernes, la mévente prolongée et les soucis d’écouler les stocks, etc. C’est pourquoi, sur le site, le natron se vend à vil prix. A la date du samedi 8 janvier 2022, le prix de la barre du natron varie entre 12.500 FCFA à 17.500 FCFA contrairement aux années antérieures (jusqu’en 2017) ou les prix de la barre du natron variaient de 25.000 FCFA à 35 000 FCFA. Mme Ibrahim Zaynabou a notifié que des grossistes viennent sur le site pour s’approvisionner. « Les gens viennent ici même sur le site pour acheter. On fait des stocks jusqu’à remplir des sacs avec le natron en forme circulaire. Le travail du natron qui a la grande forme cylindrique (les barres du natron) est très pénible. Pour avoir ce genre du natron, il nous faut plus d’un mois de dur labeur. Avant quand il y avait la clientèle, le prix du grand natron varie entre 25.000 FCFA à 35.000 FCFA. Mais cette année, les prix ont considérablement chuté. Sur le site d’extraction, le natron se vend aujourd’hui entre 12500 FCFA et 17500 FCFA », regrette Zaynabou.
Selon Nafissa Hassane, qui a 3 ans expérience dans la production du natron, la filière doit être valorisée. Elle affirme qu’elle exerce ce métier juste parce qu’elle n’a rien à faire. « On peut faire des jours sans vendre aucune unité. Ces deux dernières années on n’a bénéficié de rien que de la fatigue et de la poussière qui nous tue à petit feu », se lamente Nafissa Hassane.
Hadiza Alhousseini dite Mohaye est une vielle ayant passé près de 30 ans dans le métier d’extraction du natron. Elle garde toujours du bon souvenir de son métier. Tout de même, elle s’interroge sur les problèmes auxquels le secteur est confronté. « Avant, c’était très bien. Dès qu’on finissait de produire le natron quel qu’en soit la quantité, les clients arrachaient. Il n’y avait même pas de stock. Mais aujourd’hui, on peut faire des stocks de 6 mois. Le natron est là entassé. Les choses tournent au ralenti pour nous. On ignore les causes, mais on a juste remarqué que les clients ne viennent plus. Cette situation nous inquiète et on se pose beaucoup de question par rapport à ce sujet. Avant, c’est avec l’argent qu’on gagne ici, qu’on essaie de subvenir à tous nos besoins », a indiqué Mme Mohaye.
A l’instar des autres secteurs, la filière du natron doit être modernisée et valorisée afin de permettre aux vaillantes populations rurales qui s’adonnent à cette activité d’en profiter convenablement et contribuer au développement économique de leur localité.
Abdoul-Aziz Ibrahim(Onep), envoyé spécial