Son prénom s’accompagne de son titre d’artiste “Mai-Gogué’ violoniste, celui qui joue l’instrument musical traditionnel à la forme d’une sorte de petite guitare à corde unique, résonant à coup de frottements contre une autre corde tendue sur une baguette en bois arquée légèrement. Et Harouna, ou plutôt Harouna Mai Gogué (le violoniste) sort du lot par ses touches qui rythment le son des cordes. Après avoir effectué un hadj, grâce au fonds que lui a offert la cantatrice Habsou Garba dont il a agrémenté beaucoup de chansons, il devint Elhadj Harouna Mai Gogué. Septuagénaire, il garde toujours la main sur son fidèle compagnon de toujours : son violon. Durant toute sa carrière, il n’a connu que deux qu’il a confectionnés lui-même.
Originaire du Nigéria d’où il a hérité cet art de son père, l’adolescent de 12 ans, sur la voie de talibé aventureux à Gaya, n’abandonnera pas sa fougue pour le violon. Il est motivé par ses admirateurs dans les maquis, les restaurants et sur les berges du fleuve. Il intègre par la suite la célèbre troupe culturelle Tchanguey de Gaya. Le violon de Harouna accompagne, aux côtés des batteurs de kalangou ou tambour, les pièces de la troupe dont les ballets populaires « Ganyakoye » et « Danben karhé » produits dans les années 1980. Son affiliation avec la troupe ne l’a pas privé de certaines opportunités. Il est de fois sollicité par plusieurs artistes ou groupes d’artistes pour agrémenter l’ambiance de leurs compositions. L’on entend, ainsi, du Gogué de Harouna notamment dans les musiques de Tal National, troupe Gabero, et Habsou Garba. «Avant je chantais pour accompagner mon Gogué. Bon, jusqu’aujourd’hui, quand je trouve le bon rythme de Kalangou, je ne m’en empêche pas. C’est ainsi que j’ai composé mon titre Saraonia », ajoute l’artiste.
L’art de Gogué ou violon traditionnel monocorde a une place très particulière dans les traditions mystiques et mythiques du Dendi, comme dans plusieurs cultures au Niger. Harouna le violoniste ne berce pas que les humains, il joue des sons pour faire venir des esprits des « Yan Bori » (les gens qui travaillent avec des génies). « Tout violoniste du dendi connait le son de ‘’Arnia’’ (génie). La pratique est plus connue vers Dongon Doutchi. Ce n’est pas un seul esprit, mais le slogan est unique. Nous nous ne les voyons pas, mais les gens racontent qu’ils sont au nombre de 12. Ceux pour qui nous avons fait les compositions, c’est pour eux que nous jouons lorsqu’on nous le demande. Ce sont les Yan Bori qui guident les compositions de Arnia », explique le violoniste du dendi.
A la différence du violon moderne, le traditionnel résonne fort sans micro. « Les artistes classiques mettent des haut-parleurs. Le leur n’est pas très différent de la guitare. Sans micro, on n’entend rien. Nous les avons vu faire à plusieurs reprises. Les occidentaux et les arabes portent leur violon haut sur la poitrine et il a plusieurs cordes. Ils le jouent on dirait bien une guitare. Le nôtre n’a qu’une seule corde qui permet d’avoir toutes les notes possibles et il les impressionne».
Au-delà de sa région de Dosso, Harouna Mai Gogé a fait le tour du Niger avec son violon. A l’extérieur du pays, difficile pour l’artiste de nous citer ses scènes, même les plus marquantes, en solo tout comme avec la troupe. Le doyen du violon, au physique chétif, aujourd’hui mal voyant à l’ouille faible, ne peut quand-même oublier sa première sortie en Sénégal, dans les années 1970. Harouna dit aussi garder les souvenirs d’une prestation qu’ils ont faite à Bruxelles devant le président Diori Hamani et la première dame Aissa. « Ils nous ont félicités pour l’honneur qu’on fait à la culture nigérienne, et nous ont offerts des cadeaux », se souvient-il.
«Je rends grâce à Dieu. Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu le long de ma carrière. Je suis fier de l’estime dont je jouis dans cet art. Alhamdoulillahi ! J’ai eu des parcelles, je me suis marié, je vis avec ma femme et mes enfants de ce métier», confie Harouna qui venait, une fois de plus, de recevoir un témoignage de satisfaction pour avoir porté loin et longtemps la culture dendi, à l’occasion de la soirée de la 1ère édition de la semaine culturelle organisée à Gaya, le 3 septembre 2021, en présence du haut représentant du président de la République.
Ismaël Chékaré(onep)