Le Haut-Commissariat à l’Initiative 3N, avec l’appui de ses partenaires, a organisé du 14 au 16 février 2023, à Niamey, un atelier sur l’état des lieux de la production des farines infantiles fortifiées au Niger. Cette réunion, regroupant tous les acteurs multisectoriels a pour but d’analyser et suivre l’environnement de production des farines infantiles conformément aux engagements du Pays sur les Systèmes alimentaires et de Nutrition pour la croissance (N4G).
Il s’agit pour les différents acteurs de faire un état des lieux de la chaine de valeur de la production, de la commercialisation et de la consommation des Farines Infantiles Fortifiées (FIF) conformément aux engagements N4G et de proposer une feuille de route pour l’élaboration d’une stratégie portant sur le renforcement de cette chaine de valeur.
La réunion était ainsi l’occasion pour discuter des défis pour la production, la commercialisation et la consommation des farines infantiles fortifiées ; analyser les goulots et identifier des solutions tout au long de la chaîne de production et proposer des recommandations pour guider les actions stratégiques ; analyser le dispositif de la commercialisation et de la consommation des FIF et identifier les pistes d’amélioration ; élaborer la feuille de route.
Aperçu de la situation nutritionnelle au Niger
Cet atelier intervient dans un contexte national marqué par la malnutrition. En effet, près d’un enfant de moins de 5 ans sur deux souffre d’un retard de croissance tandis que 12.7% sont émaciés et 63,3 % sont anémiés avec des disparités régionales. A cela s’ajoute le fait que les pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant sont généralement inadaptées. Selon l’Unicef, environ un seul enfant sur trois (28,1 %) est exclusivement allaité jusqu’à l’âge de six mois (SMART, 2021). L’alimentation de complément pour les enfants de 6-23 mois reste largement peu diversifiée avec seulement 23,1% qui ont eu accès à un régime diversifié. Seulement 6,7 % des enfants de 6 à 23 mois ont une alimentation minimum dite acceptable. Selon les termes de référence de cette réunion, au Niger, comme dans la plupart des pays du Sahel, les aliments de complément commerciaux de bonne qualité fortifiés en micronutriments sont utilisés comme solution pour l’amélioration de l’alimentation des jeunes enfants. En effet, de nombreuses unités de production mettent sur le marché des farines infantiles locales fortifiées en vitamines et minéraux et formulées de façon à répondre aux besoins spécifiques des enfants de 6 à 24 mois dans le cadre de régimes alimentaires diversifiés et sains. Une étude récente s’est penchée sur ces filières locales dans la région ouest africaine dont le Niger fait partie et a montré que le marché des farines infantiles fortifiées produites localement répond en partie au besoin d’accessibilités physique et financière des ménages défavorisés à des aliments de complément.
Cependant, la chaîne de valeur de cette intervention comporte beaucoup de défis qui sont entre autres : la qualité des farines infantiles commercialisées, en particulier la qualité nutritionnelle, qui dépend plus de l’appui que les producteurs ont reçu pour la mise au point de leur produit que du type d’entreprise ou du niveau de production ; les données sur la qualité sanitaire qui ne sont pas toujours disponibles ou sont parcellaires, car les producteurs ne font pas toujours des contrôles systématiques ; la diversité des approches et des objectifs des différents partenaires d’appui ; le coût élevé du contrôle de qualité du coût et aussi du plateau technique du Lanspex ; la mise à jour des normes de qualité; l’application du contrôle interne (producteurs) et externes (gouvernement) ; la traçabilité de la matière première et la gestion des graines de céréales et des stocks ; le modèle économique et son niveau de gestion par les groupements de femmes ; la conservation et le maintien de la qualité lors de la conservation.
Cependant, la volonté du gouvernement du Niger pour améliorer durablement l’état nutritionnel des nigériens et des nigériennes durement impactés par le double fardeau de la malnutrition, avec des fortes prévalences des carences en micronutriments avec comme corolaires, des fortes morbidités et mortalité chez les enfants a été traduite par la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier Ministre, Chef du Gouvernement. L’enquête sur les coûts annuels associés à la sous-nutrition chez l’enfant, conduite en 2018 par le HC3N, en collaboration avec les partenaires sont estimés à 290 milliards de FCFA, correspondant à 7,1% du PIB. Par conséquent, éliminer la sous nutrition et les carences en micronutriments au Niger constitue une étape nécessaire pour le développement inclusif du pays.
Echanges entre les participants
Plusieurs communications et panels ont marqué ces trois jours d’assise. Les participants ont suivi une communication sur l’analyse situationnelle des unités de production des farines infantiles fortifiées présentée par le Haut-Commissariat à l’Initiative 3N (HC3N). Les points développés dans cette communication ont permis de situer la production des farines infantiles au Niger eu égard à leur typologie. Les constats et les réflexions d’amélioration sur le développement de la chaine de valeur des farines infantiles ont été étalés afin que les participants puissent mieux s’imprégner de la problématique.
La seconde communication a porté sur l’approvisionnement en matières premières (céréales et légumineuse) pour la transformation. Les points saillants de cette communication sont la disponibilité des intrants ; la qualité des semences ; l’hygiène alimentaire ; la conservation des graines et des farines infantiles ; opportunité/solution de renforcement de la qualité, perspectives. Cette présentation a été suivie d’un panel sur la régulation du secteur et contrôle externe (ANMC, LANSPEX, LABOCEL, Ministère de Commerce, Ministère de la Santé Publique, de la Population et Affaire Sociale- Police Sanitaire).
Une autre session s’est articulée sur le partage d’expériences des Groupements de femmes productrices de Farines Infantiles Fortifiées de Tillabéri, Matameye et Tessaoua et la STA, Laitière du Sahel, la Confédération des femmes battantes. C’est ainsi qu’elles ont expliqué être organisées en groupement gestionnaire des unités de production avec au sein de chacun un comité de gestion de 10 à 13 membres dont la présidente, la trésorière, la responsable de la production, la commerciale etc. Pour ce qui est de l’expérience dans la production, ces unités ont des expériences de 7 à plus de 10 années dans la production de cette farine infantile.
Néanmoins ces unités sont confrontées à des difficultés telles que l’approvisionnement en matières premières avec la mauvaise qualité des denrées livrées, la fluctuation des prix selon les saisons poussant d’autres à se ravitailler dans les pays voisins. Les ventes sont satisfaisantes pour ces unités de production. Les groupements de femmes sont impliqués souvent dans la vente de farine et la population apprécie bien le produit.
Il y a eu ensuite un panel sur l’identification des types de produits fortifiés développés, le mécanisme d’approvisionnement, le système de contrôle-qualité, la promotion et les opportunités. La session suivante a concerné le partage d’expériences en termes de leçons apprises, points de vue et perspectives des partenaires : ONG Gret et Misola. Il ressort de cette session que le Gret apporte des appuis en termes d’expertises dans la construction, l’accompagnement des groupements, le marketing et d’autres activités de renforcements de capacités. Pour le cas de Misola, le partage d’expériences a concerné la stratégie d’accompagnement sur la commercialisation, la production et le contrôle-qualité (avec l’insertion des jeunes diplômés pour l’appui de proximité au sein des Unités de Production UP).
Le panel des Partenaires Techniques et Financiers a pris le relais pour présenter les leçons apprises, des points de vue et des perspectives sur l’accompagnement du secteur de la FIF. La dernière session a concerné les résultats et les recommandations des études menées sur la chaine de production des FIF qui a été scindée en trois communications notamment le choix des aliments véhicules où les résultats se sont orientés sur le mil, le sorgho et le maïs, conduit par PNIN/INS ; l’organisation et la gestion des petites unités de production et sur la Filière de niébé et de soja dans quatre localités qui a relevé les principaux bassins de production de mil, niébé et arachide et les difficultés relatives au développement de ces filières.
Les participants se sont constitués en 6 groupes de travaux dont les thématiques sont respectivement : Approvisionnement en produits bruts/matières premières (céréales et légumineuses) pour la transformation ; Accès aux équipements & fournitures et rendement/ quantification de la production ; Disponibilité et accessibilité des farines infantiles fortifiées sur les marchés ; Régulation du secteur (normes de fortification, processus de certification) et contrôle externe par le gouvernement (inspection, laboratoire) ; Sensibilisation du public (marketing) pour la vente ; Appuis techniques aux associations/groupements de producteurs.
Ainsi, les travaux de groupe comme les séances en plénières ont permis de faire ressortir les leçons apprises, opportunités ainsi que les défis et pistes de solutions pour l’amélioration de la chaîne de valeur objet de cette rencontre.
Selon le Secrétaire Général du Haut-Commissariat à l’Initiative 3N, Colonel Maizama Abdoulaye, les solutions proposées et les préoccupations relevées, tout au long de cette rencontre, sont liées à l’amélioration de la production, la transformation, la distribution, la commercialisation et la consommation. Ceci inclut aussi les aspects normatifs et législatifs, le contrôle qualité essentiels, la formation et l’encadrement des acteurs. « Les aspects sus mentionnés seront traduits dans la feuille de route initiée pour leur opérationnalisation à l’horizon 2026 en alignement avec le PDES 2022-2026 et pour permettre de répondre aux engagements 2021-2025 du Niger en matière de Nutrition pour la Croissance. Il a expliqué que la consommation de la farine fortifiée par les enfants est une solution durable pour la lutte contre la malnutrition au Niger tel que défini dans la Politique Nationale de Sécurité Nutritionnelle. « Cette feuille de route va nécessiter l’engagement de tous à travers un comité de suivi multisectoriel et inclusif intégrant les niveaux décentralisés avec au moins une revue annuelle », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que, les contributions pertinentes des participants dans la finalisation de la feuille de route et des étapes subséquentes menant à une vision stratégique commune pour le renforcement de cette chaîne de valeur permettront de promouvoir l’achat local et de renforcer les capacités des producteurs.
Unicef, un partenaire de l’initiative
Selon la Cheffe de la nutrition de l’UNICEF, l’état des lieux a permis de passer en revue les différents segments de la chaîne de valeur de l’approvisionnement en grains de qualité Jusqu’aux consommateurs. La cartographie présentée à l’ouverture a permis de situer l’ampleur des défis et d’approfondir les pistes de solutions potentielles. « La finalisation de la feuille de route que nous avons élaborée ensemble permettra une priorisation de ces pistes» a-t-elle dit. La Cheffe Nutrition de
l Unicef, Mme Marie -Claude Désilets devait ajouter que les travaux ouvrent aussi la porte aux réflexions et actions nécessaires pour renforcer la production d’aliments fortifiés pour toute la famille telle que l’huile fortifiée en vitamine A, les farines de mil et niébé enrichies en fer, acide folique, et bien d’autres. « Les travaux de cette rencontre rappellent aussi l’importance pour le pays d’avoir une Alliance Nationale de Fortification active incluant le secteur privé et le secteur public », a-t-elle estimé.
D’autres partenaires s’engagent à accompagner le Gouvernement et l’ensemble des parties prenantes dans l’opérationnalisation des différents aspects de la feuille de route qui sera validée. Les partenaires s’engagent aussi dans l’accompagnement pour le renforcement de la gouvernance, de la coordination multisectorielle et le plaidoyer pour la mobilisation de ressources additionnelles. Ils renouvellent leur engagement au côté du gouvernement du Niger pour poursuivre les efforts engagés.
Par Aminatou Seydou Harouna(onep)