
A Waskalé, le relai communautaire auscultant un enfant
Dans les zones rurales reculées de la région de Zinder où les centres de santé sont parfois à des kilomètres de marche, des hommes et des femmes ordinaires accomplissent chaque jour un travail extraordinaire. Ce sont des relais communautaires ICCM soutenus par le gouvernement du Niger et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) avec ses partenaires financiers, notamment la coopération allemande à travers le BMZ. Bénévoles, formés et engagés, ils prennent en charge les enfants malades, sauvent des vies et allègent le quotidien des familles. Ces relais communautaires sont des héros discrets qui incarnent l’espoir dans des villages des départements de Magaria et Mirriah.
Dans ces contrées de la région de Zinder, où les routes se perdent dans les vallées, des personnes dévouées mènent une bataille cruciale contre les maladies de l’enfance. Elles ne sont ni médecins, ni infirmiers, mais dans leurs villages reculés, elles sont souvent le premier et parfois le seul rempart contre le paludisme, la pneumonie ou la diarrhée.
À Angoual Mokko, « Likita » veille sur les enfants
Dans le village de Angoual Mokko, à une vingtaine de kilomètres de Diney dans le département de Mirriah, Manirou Hassane, surnommé « Likita » (médecin en haoussa), est une figure bien connue. Âgé de 36 ans, père de huit enfants, il partage sa vie entre la vente de céréales et les consultations communautaires. Selon lui, les femmes viennent consulter leurs enfants à tout moment. « Nous leur expliquons l’hygiène, l’assainissement, et surtout comment détecter les signes de danger », raconte-t-il entre deux visites des mères de patients.
Pour Mme Barka Ousmane, mère de six enfants, le relai communautaire inspire confiance. Depuis sa prise de fonction dans leur village, les mères ne jurent que par lui. « Mes enfants sont toujours pris en charge chez Mouché Manirou. Nous n’attendons pas que la maladie s’aggrave. Nous respectons ses conseils à la lettre près », martèle-t-elle.
Les témoignages sont positifs. Pour le chef du village, Oumarou Souley, « souvent, nos villages sont oubliés, mais, avec les relais communautaires, l’espoir est gardé ». Selon lui, leur présence a réduit les distances, les coûts et surtout les pertes en vies humaines. « L’effet des relais ICCM est tangible. Avant, les enfants mouraient pour des maladies simples. Aujourd’hui, nous respirons », se réjouit le Chef de village de Angoual Mokko.
À Waskalé, la vie au bout du stéthoscope et de soins à mains nues
Le village de Waskalé est situé à cinq kilomètres du Centre de Santé Intégré (CSI) le plus proche. Il compte environ 130 ménages. C’est ici que Habou Maman, 39 ans, exerce depuis cinq ans comme relai communautaire. Installé sous un petit hangar à l’ombre d’un vieux neem, il accueille les enfants du village et des hameaux voisins, carnet de soins à la main et regard concentré. « Je viens de consulter un enfant de 14 mois. Il avait 50 pulsations par minute. C’est une pneumonie sévère », confie-t-il.
Ce vaillant relai communautaire a été formé en 2019 à Mirriah pendant dix jours. «Ma vie a changé, ainsi que celle de ma famille », dit-il fièrement, tout en ajoutant « j’aimerais pouvoir prendre en charge d’autres maladies au-delà des trois pathologies que nous traitons ici », a souhaité Habou. Dans ce petit village, son rôle est vital. Mme Halima Hamissou, vendeuse de beignets et mère d’un enfant de 16 mois, témoigne : « nous n’avons plus besoin de courir jusqu’au CSI. Habou nous soulage vraiment », déclare-t-elle
À Kwaadagué Sabuwa, entre le Niger et le Nigeria, l’espoir continue
Niché dans une vallée à une quinzaine de kilomètres du village de Dantchiao dans le département de Magaria, le village de Kwaadagué Sabuwa se situe à quelques mètres de la frontière nigériane. C’est dans cette contrée que se trouve Laouali Habibou, 35 ans, marié à deux femmes. Il est le relai communautaire du village, un héros de l’ombre qui soigne les enfants. Chaque jour, il consulte un ou deux enfants, surtout pendant la saison pluvieuse. Il se rappelle une épidémie de choléra qui a secoué le village au mois d’août 2024. « Le CSI de Dantchiao nous a mobilisés pour la sensibilisation. J’étais fier d’être utile. D’ailleurs, je souhaite avoir d’autres connaissances en plus des trois traitements des maladies sur lesquelles nous étions formés. Nous avons besoin de formation dans ce travail parce que les choses évoluent et on doit suivre le sens de l’évolution pour le bien-être de nos enfants », dit-il.

Selon lui, les médicaments sont disponibles et gratuits. Cela encourage les mères et constitue une aubaine pour elles. Fatchima Abdou est venue chez le relai Habibou Lawali pour soigner son enfant de 18 mois, atteint de fièvre. « Mon enfant avait le paludisme. Le relai l’a pris en charge immédiatement. Je retourne satisfaite à la maison vaquer à d’autres travaux ménagers », ajoute-t-elle. Quant à Balkissa Laouali, maman d’une fillette de 23 mois qui souffrait de rhume, elle a retrouvé le relai chez lui au milieu de la nuit pour consulter sa fille en urgence. « Elle est guérie. Que Dieu bénisse notre relai. Il s’investit beaucoup dans ce travail », témoigne-t-elle.
Des relais communautaires au cœur d’un système vital
L’approche de la prise en charge intégrée au niveau communautaire (ICCM) consiste à traiter les pathologies les plus mortelles chez les enfants de moins de 5 ans ; paludisme, pneumonie, diarrhée, et parfois malnutrition. Les relais, formés par le Ministère de la Santé avec l’appui des partenaires techniques, en l’occurrence l’UNICEF et ses partenaires sont souvent bénévoles.
En résumant l’enjeu, Dr Ali Saley, médecin-chef de Magaria, apprécie le travail et le courage des relais communautaires. Il explique que le département de Magaria a plus d’un million d’habitants. « Près de 45 % vivent à plus de 5 km d’un centre de santé. Sans les relais ICCM qui fournissent un traitement à domicile ou une orientation des enfants présentant des signes de danger, beaucoup d’enfants seraient livrés à eux-mêmes », reconnaît-il.

Selon le Dr Abdourahmane Adamou, médecin-chef du CSI de Dantchiao, «grâce à ces relais communautaires, plus de 40 % des enfants du département ont été pris en charge localement. « Ces sentinelles doivent être soutenues », appelle-t-il.
Il faut noter que dans ces zones rurales où les distances sont longues et les moyens réduits, les relais communautaires ICCM apparaissent comme de véritables sauveurs. Leur engagement repose sur une volonté de servir, souvent sans rémunération. À travers leurs témoignages, leurs gestes quotidiens, leur proximité avec les populations, ces hommes et femmes redonnent espoir à des milliers de familles. Pour pérenniser cette initiative, il est urgent que l’État et ses partenaires renforcent leur soutien, en équipements, en formation et en motivation.
Seini Seydou Zakaria (ONEP), envoyé spécial