Monsieur le DG, les 5 et 6 novembre dernier, l’INS a organisé un atelier d’échanges avec les institutions internationales sur le processus d’élaboration du RMDH, et du calcul de l’IDH. Quelles sont les raisons d’une telle initiative ?
Cet atelier d’échanges sur l’Indice de Développement Humain (IDH), avec les institutions internationales qui contribuent à son calcul, a été organisé par l’INS, en collaboration avec le PNUD, pour donner suite à une directive de SE. Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat, dans le cadre du suivi de l’évolution de l’IDH de notre pays. Je voudrais vous rappeler que depuis l’élaboration du premier RMDH, en 1990, et de sa publication, avec un nouvel indicateur, élaboré par le PNUD, l’IDH, pour classer les pays au niveau mondial, la place occupée par le Niger demeure préoccupante. Cette situation a toujours interpellé tous les nigériens, autorités politiques, administratives et coutumières, étudiants chercheurs, acteurs de la société civile, simples citoyens, etc. Après la publication, en 2018, de l’IDH 2017, le Président de la République a instruit le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, pour mettre en place un dispositif institutionnel de suivi de l’évolution de l’IDH de notre pays. Ce dispositif, présidé par le Premier Ministre lui-même a été mis en place le 28 septembre 2018.
Quels sont les principaux acteurs membres dudit dispositif et comment a-t-il procédé dans le cadre de sa mission ?
Ce dispositif comprend les principaux départements ministériels, dont les actions impactent, significativement, les composantes de l’IDH, ainsi que les Principaux Partenaires Techniques et Financiers de notre Pays, et le Secrétariat Permanent est assuré par le Directeur Général de l’INS.
Dans ce cadre, une feuille de route et un plan d’actions ont été élaborés, et sont actuellement en cours de mise en œuvre. Ce dispositif se réunit, régulièrement, pour rendre compte, au Président de la République, de l’état d’exécution de cette feuille de route, du plan d’actions et de l’impact, sur l’évolution des principaux indicateurs et agrégats qui mesurent le niveau de développement de notre pays, surtout l’IDH, des actions retenues et exécutées. De nombreuses préoccupations sont soulevées, régulièrement, par le Niger, et par beaucoup d’autres pays, sur les données statistiques utilisées pour l’élaboration du RMDH, qui ne sont pas les données nationales, et sur la méthodologie de calcul de l’IDH.
C’est pour que les préoccupations du Niger soient prises en compte par le PNUD et par les auteurs du RMDH, que le Chef de l’Etat a instruit l’INS, pour organiser, en relation avec le PNUD, cet atelier d’échanges sur l’IDH, qui a réuni les principaux acteurs nationaux et internationaux, concernés. Il y’a eu le la participation du Statisticien en Chef, Responsable de l’élaboration du RMDH, qui est venu, spécialement, de New York. Il y’a eu également, la participation d’un expert de l’UNESCO, qui est venu de Dakar. Le PNUD, la Banque Mondiale, l’UNFPA, le FMI, et d’autres Partenaires de notre pays, ont envoyé des experts de leurs bureaux installés à Niamey.
De nombreuses institutions nationales, dont l’Assemblée Nationale, des représentants de nombreux départements ministériels, des représentants des associations de la société civile, un représentant de l’Université Abdou Moumouni ont également participé à cet atelier. Pendant deux (2) jours, les participants ont discuté et échangé, objectivement, sur la méthodologie de calcul de l’IDH, sur sa pertinence et sur ses insuffisances.
De par le passé, la publication du classement de l’IDH a créé des controverses sur les statistiques utilisées concernant notre pays et même sur le classement. Est-ce que ces controverses vous paraissent-elles fondées?
Toutes les données utilisées dans le Rapport Mondial du Développement Humain (RMDH) proviennent, soit des agences spécialisées des Nations Unies, soit d’autres « organismes internationaux». Ainsi, les statistiques de l’éducation proviennent de l’UNESCO et du modèle de Barro et Lee de l’Université de Harvard, l’espérance de vie à la naissance provient de la Division Population des Nations Unies et le Revenu National Brut par habitant provient de la Banque mondiale. Ces statistiques peuvent souvent être différentes des statistiques nationales du pays, car elles ne sont pas toujours actualisées et quelquefois les données nationales sont traitées, avant d’être publiées par ces institutions internationales. Il faut cependant relever que cela concerne tous les pays classés.
Quels sont les principaux indicateurs utilisés par les institutions internationales pour calculer cet IDH ?
La mesure de l’IDH prend en compte trois (03) composantes pour mesurer le niveau de développement humain du pays. Il s’agit de la longévité mesurée à travers l’espérance de vie à la naissance ; le niveau d’éducation mesuré à travers la durée moyenne de scolarisation et la durée attendue de scolarisation et enfin le niveau de vie mesuré à travers Revenu National Brut (RNB) par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA).
Est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui l’INS a élaboré des statistiques fiables et actualisées que le PNUD peut utiliser pour son prochain rapport sur le développement humain ?
Chaque année les structures nationales concernées par l’élaboration du RMDH et le calcul de l’IDH transmettent leurs données statistiques aux institutions internationales. Cet atelier a permis de préciser les délais auxquels les données doivent être transmises pour qu’elles soient prises en compte dans le calcul de l’IDH.
En effet, pour que les données du Niger, actualisées, soient prises en compte, il faudrait que ces données soient publiées par les institutions internationales notamment l’UNESCO, la Banque Mondiale et la Division de la Population des Nations Unies, avant le délai fixé par le Bureau du Rapport Mondial sur le Développement Humain, qui est le 15 juillet de chaque année. Il faudrait aussi que ces institutions internationales reçoivent lesdites données à temps.
Une des missions du dispositif institutionnel de suivi de l’IDH est justement de veiller à la fiabilité et à la qualité des données statistiques produites par l’INS et les autres structures du Système statistique nationale (SSN), et à ce que la transmission des données aux institutions internationales soit faite dans les délais requis. En ce sens, la communication entre l’INS et ces institutions internationales va être renforcée, afin de s’assurer de la publication, à temps, des données actualisées du Niger, de leur transmission, dans les délais requis, aux institutions internationales compétentes concernées pour leur prise en compte par ces institutions, et de leur mise en ligne sur les sites web de ces institutions.
Quelles sont les principales contraintes qui freinaient ou freinent encore la production des statistiques actualisées sur les différents secteurs du pays ?
La principale contrainte est l’insuffisance des ressources financières, humaines et matérielles allouées par l’Etat au Système Statistique National (SSN). En effet, l’INS ne dispose pas de ressources nécessaires pour réaliser régulièrement des enquêtes permettant d’actualiser certains indicateurs qui pourraient être utilisés dans le calcul de l’IDH. De même, la majorité des Ministères concernés, particulièrement, ceux en charge de l’éducation et de la formation, manquent de ressources humaines, financières et matérielles suffisantes, pour actualiser leurs données statistiques, chaque année, dans les délais requis.
Quelles sont les mesures correctives proposées ou apportées par l’INS ?
Il faut rappeler que le Gouvernement fournit d’énormes efforts depuis 2011 sur les questions sociales, dans le domaine de la santé et de l’éducation, ainsi que sur le volet économique. Cela s’est traduit par une progression exceptionnelle de l’IDH du Niger entre 2010 et 2017, que peu de pays ont réussi à réaliser. Je dis bien progression, évolution, pas niveau, pas le rang, mais les progrès réalisés. Cela est relevé par le PNUD dans les différents RMDH. Les efforts du Gouvernement vont continuer et s’intensifier dans les différents domaines.
Dans le domaine de la santé, les efforts du Gouvernement ont permis de baisser de manière significative la mortalité des enfants de moins de cinq (5) ans et d’améliorer l’espérance de vie à la naissance. Pour ce qui est de la dimension de l’éducation, il faut relever que malgré les efforts consentis, les indicateurs sont encore très faibles et continuent à tirer le Niger vers le bas. C’est pourquoi, les efforts doivent être poursuivis afin de rendre le système éducatif nigérien de meilleure qualité et plus efficient, pour qu’il puisse retenir davantage et plus longtemps les enfants, améliorer les inscriptions et les taux de réussite aux examens scolaires et ce, à tous les niveaux. Les efforts du Gouvernement et des Partenaires au Développement doivent encore être renforcés, davantage, de manière plus intensive, pendant plusieurs années successives sans interruption, particulièrement dans la scolarisation de la jeune fille.
Concernant les mesures prises par l’INS, il faut indiquer que pour ce qui est de la dimension économique, l’INS a d’ores et déjà conduit, depuis 2016, des travaux de valorisation du Produit Intérieur Brut (PIB) du Niger, pour migrer du Système de Comptabilité Nationale des Nations Unies de 1993 vers celui de 2008, donc de la richesse produite par notre pays, à l’image de beaucoup de pays africains comme le Ghana, le Nigéria, le Sénégal…
La prise en compte de ce PIB, réévalué à 33,3% permettra d’améliorer, de manière significative, le Revenu National Brut qui va impacter sur la valeur de l’IDH du Niger. L’INS a aussi engagé de nombreux travaux d’enquêtes économiques et démographiques pour enrichir les principaux indicateurs et agrégats de notre pays. Il a aussi engagé des travaux pour améliorer davantage la qualité et la fiabilité des données statistiques de note pays, par le renforcement des capacités de ses cadres, par l’amélioration des outils techniques et scientifiques qu’il utilise dans la collecte et l’analyse des données, et par un plaidoyer plus intense, avec des actions d’information et de sensibilisation des différentes autorités, sur la nécessité de faire en sorte que la statistique soit considérée comme un secteur de souveraineté, un secteur prioritaire, et que les dépenses qui la concernent soient classées comme des dépenses sensibles.
Ce message est bien perçu au niveau du Gouvernement, ainsi que de l’Assemblée Nationale. Des dispositions sont en train d’être prises pour une mobilisation de ressources financières, humaines et matérielles, plus conséquentes, en faveur de l’INS, et des autres structures du SSN.
Réalisée par Siradji Sanda(onep)