
‘‘Piya-piya’’, ‘‘Rambo’’, ‘‘Killer’’, tous les noms sont bons pour vendre ces substances pourtant dangereuses
Au Niger, les agriculteurs font face à des défis climatiques majeurs, notamment la dégradation progressive et la perte de fertilité des sols. Cette situation les pousse à recourir de plus en plus aux engrais chimiques et aux pesticides, malgré leur extrême toxicité pour l’environnement et la santé publique. Actuellement, la méthode prédominante de lutte contre les ravageurs en agriculture demeure l’utilisation de pesticides, qui se révèle être non seulement extrêmement dangereuse pour l’homme et la nature, mais aussi économiquement ruineuse pour de nombreux petits producteurs. De plus en plus, sur les marchés, on observe la prolifération de pesticides d’origine douteuse, dont l’efficacité n’est pas garantie, mais qui attirent les utilisateurs parce qu’abordables.

Le président de l’association Vie et Développement, Kowa Murna, Mallam Seydou Sanoussi, alerte quant aux dangers liés aux pesticides. Ces produits, relève-t-il, représentent une menace considérable pour l’environnement et la santé publique, en particulier pour les agriculteurs qui les manipulent sans équipements de protection adéquats. « Ces substances peuvent rester dans l’organisme humain pendant de longues périodes, et la plupart des agriculteurs ignorent les effets néfastes que ces pesticides peuvent avoir sur leur santé », affirme-t-il.
Par ailleurs, Mallam Seydou Sanoussi souligne qu’au Niger les pesticides sont divisés en deux catégories. Il y a des pesticides extrêmement dangereux, également connus sous le nom de polluants organiques persistants, qui sont interdits mais vendus sur le marché et des pesticides moins nocifs qui sont autorisés au Niger. Le Niger, indique-t-il, fait partie d’un groupe de pays du Sahel qui ont une réglementation commune en matière de pesticides. Ainsi, la meilleure manière de se prémunir contre les effets néfastes des pesticides importés est de vraiment éviter de les utiliser. « Ces pesticides sont disponibles sur les marchés locaux, parfois dans des emballages avec des inscriptions difficiles à comprendre ou à déchiffrer pour connaître leur contenu exact. De plus, les commerçants modifient parfois l’emballage pour convaincre les agriculteurs que ces pesticides sont inoffensifs et efficaces, ce qui n’est pas toujours le cas», dit-il. Le président de l’association Vie et Développement, Kowa Murna, a également relevé que parmi les pesticides dangereux en vente sur le marché, il y’en a un de particulièrement répandu appelé «Piya Piya». Bien que largement utilisé, peu de gens sont conscients des conséquences de son inhalation sur leur santé. « En réalité, les effets du Piya Piya peuvent persister dans le corps pendant 10 ans, ce qui le rend extrêmement nocif », fait-il remarquer.
Cependant, face à cette situation, a poursuivi Mallam Seydou Samoussi, plusieurs associations telles que AVD- kowa Murna mènent des campagnes de sensibilisation auprès des agriculteurs afin qu’ils puissent eux-mêmes identifier des pesticides homologués autorisés sur notre territoire. « De nos jours, de nombreuses technologies ont été aussi développées pour remplacer ces pesticides nocifs. Parmi ces technologies figure la fabrication artisanale ou traditionnelle de pesticides à base de neem, de piment et de cendre, qui sont inoffensifs pour la santé », a-t-il déclaré.
Des formations sont également dispensées aux agriculteurs pour qu’ils puissent produire leurs propres pesticides à utiliser dans leurs champs. « Ces pesticides fabriqués par eux-mêmes sont efficaces et moins coûteux que les pesticides importés qui peuvent causer des maladies. Nous formons également les agriculteurs sur la manipulation de ces pesticides, en mettant l’accent sur le stockage, car il arrive parfois que les pesticides soient entreposés près des céréales destinées à la consommation humaine, ce qui peut entraîner une contamination facile. Ces pesticides contaminent l’eau que nous consommons, car de plus en plus d’agriculteurs constatent l’appauvrissement de leurs sols et l’augmentation des ravageurs, les poussant ainsi à utiliser davantage de pesticides. Ces substances peuvent se retrouver dans les puits et les contaminer, affectant ainsi les sols et mettant en péril la qualité des récoltes », explique Mallam Seydou Samoussi.
D’autres technologies sont utilisées pour lutter contre les ravageurs
Selon le président de Vie et Développement Kowa Murna, dans la lutte biologique contre certains ravageurs, leur association a formé plusieurs producteurs sur la technique consistant à utiliser un insecte utile pour lutter contre un insecte ravageur de culture. « Cette méthode est enseignée aux agriculteurs pour qu’ils cultivent ces prédateurs et les introduisent dans les champs », dit-il. Par exemple, lorsqu’une chenille attaque les épis de mil, ces organismes prédateurs se nourrissent de ses chenilles, les éliminant ainsi et protégeant le mil. Plutôt que d’avoir recours à des pesticides, les agriculteurs cultivent et utilisent ces prédateurs de manière efficace. « Cette méthode s’avère moins dangereuse. C’est pourquoi, Il est recommandé d’augmenter chaque année la quantité de ces organismes prédateurs pour contrôler efficacement les ravageurs », explique-t-il.
Manque de réglementation dans le secteur
Le président de l’association Vie et Développement Kowa Murna a ajouté que le Niger ne dispose pas de sa propre législation concernant l’utilisation des pesticides. Mais, au niveau du CILSS, on élabore annuellement des textes pour tous les pays membres. « Actuellement, il n’existe pas de réglementation spécifique pour le Niger, ce qui constitue un risque majeur, étant donné que les ravageurs présents au Nigeria ou Togo ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux présents au Niger. Donc, Il est impératif que nous élaborions des réglementations basées sur nos propres défis en matière de ravageurs, afin de restreindre ou de contrôler l’usage de ces pesticides nocifs parce qu’on constate de plus en plus la vente non réglementée de pesticides dans les rues, ce qui représente un danger extrême pour le pays », notifie Mallam Seydou Sanoussi. Aussi, appelle-t-il les autorités à une prise de décisions pour réglementer ou bien même interdire l’importation ou la vente de ces substances dangereuses. « A notre niveau, nous menons toujours des campagnes de sensibilisation au niveau des producteurs en informant sur les pesticides identifiés au Niger, les risques que les pesticides importés et vendus sur les marchés posent pour la santé publique, ainsi que les alternatives disponibles dont l’utilisation des pesticides fabriqués au Niger qui sont efficaces et sans conséquences pour la santé», indique Mallam Seydou Sanoussi. D’où son souhait pour la prise des mesures législatives au niveau national afin d’interdire ces produits nocifs.
Yacine Hassane (ONEP)
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Un dispositif de compostage d’engrais naturel à l’UAM de Niamey
Face à l’urgence mondiale pour des mesures face aux effets néfastes des produits chimiques dans les travaux agricoles, un projet novateur de compostage a vu le jour à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Ce projet consiste à transformer les feuilles tombées en «or écologique», autrement dit, en engrais naturel. Au sein du département des Sciences et Techniques, les étudiants du Master Intégré en Sciences de l’Environnement (MISE) se retroussent les manches et se lancent dans une aventure qui allie théorie et pratique, dans un esprit de durabilité et d’engagement.

Abdourahmane Touré Amadou, professeur titulaire en Géosciences de l’Environnement et responsable du Master, promoteur du projet, souligne les objectifs multidimensionnels et les avantages de cette initiative. Il explique qu’à travers ce projet, le master vise plusieurs aspects. En premier lieu, il offre une expérience pratique aux étudiants pouvant les servir dans l’avenir, complétant ainsi l’apprentissage théorique. Cela permet également de promouvoir les pratiques durables chez les étudiants, en les sensibilisant sur l’importance de la gestion écologique des ressources naturelles, un aspect essentiel de leur programme académique.
Ce projet de compostage, organisé et supervisé, suit un processus simple mais efficace. D’après les explications du Professeur, il consiste d’abord à collecter les feuilles tombées de tout type d’arbre jusqu’à ce qu’elles atteignent la quantité nécessaire. Ensuite, les feuilles sont déposées dans une fosse d’un mètre carré spécialement aménagée, classées par couches. Elles sont humidifiées après leur dépotage. Pendant une année entière, elles subissent un processus naturel de fermentation, appuyé par des séances régulières de remuage pour optimiser la transformation en compost riche et nutritif. À la fin, ce processus aboutit à un volume de 6 m³ de matière organique.

La différence entre le compost et l’engrais chimique réside dans son caractère naturel. D’après le Professeur Amadou, le compost est organique et sans conséquence nocive. Il est composé d’une chaîne carbonique de différentes formes avec des amines. L’intérêt recherché, précise-t-il, est de charger le compost négativement pour piéger les cations dont les plantes ont besoin.
Ce projet de compostage, véritable laboratoire à ciel ouvert, encourage les étudiants à mettre en pratique les concepts théoriques appris en classe. « Ils acquièrent ainsi une compréhension approfondie des cycles naturels et des techniques de compostage, tout en développant un sens aigu de la responsabilité environnementale », affirme le professeur environnementaliste. De plus, ce projet participe à l’hygiène et à la sécurité de l’environnement. « Par la gestion des déchets, il contribue significativement à la salubrité de la faculté en réduisant les déchets générés par les arbres, ce qui maintient un environnement propre et sain », indique-t-il.
Un engagement communautaire des étudiants, en faveur des producteurs
L’initiative dépasse les frontières du campus. En tant qu’œuvre sociale, elle vise à apporter une aide précieuse aux agriculteurs locaux en leur fournissant du compost de haute qualité, améliorant ainsi la fertilité de leurs sols. « L’idée de base a été réfléchie avec les étudiants pour voir quelle œuvre sociale nous pouvions initier et comment apporter notre soutien aux jardiniers de la faculté et de la rive du fleuve. C’est ce qui a abouti à cette compostière destinée à ces derniers à la fin du processus », explique le Professeur Abdourahmane Touré Amadou. « Elle favorise l’engagement communautaire en fournissant un soutien tangible aux jardiniers de l’université et aux agriculteurs locaux », ajoute-t-il.
Les jardiniers bénéficient du compost pour la pratique de leurs travaux et n’auront pas à recourir aux engrais chimiques, ce qui permettra de réduire les coûts. « Le compost que nous produisons se vend par kilo en ville, mais nous avons décidé de ne pas en faire une activité lucrative», précise le Professeur.
Il a exprimé leur volonté de pérenniser cette activité avec les promotions futures, afin de permettre aux étudiants d’acquérir des compétences pratiques et de développer une idée entrepreneuriale utile après leurs études et continuer d’apporter leur aide pour les agriculteurs.
Bachir Djibo (stagiaire)
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Les revendeurs sont conscients de la toxicité de leurs produits
Les produits phytosanitaires sont disponibles dans les marchés, les grandes artères et autres lieux de rassemblement à Niamey. De nombreux jeunes s’adonnent à la vente de produits. Certains d’entre eux exposent leurs marchandises au bord de la route. C’est le cas de M. Elisé, un jeune vendeur rencontré en face de ces produits aux alentours du CEG 25. Il propose des bouteilles d’insecticide rapide, un produit réputé être efficace contre les cafards, les moustiques, les mouches et d’autres insectes présents dans les jardins, les maisons et d’autres lieux. « L’utilisation de mes produits nécessite une manipulation avec beaucoup d’attention. C’est principalement la population qui en fait l’acquisition et l’utilise dans les foyers ou les jardins et les retours sont positifs parce que ce sont des produits efficaces pour éliminer les insectes et autres ennemis de cultures », précise-t-il.

Mais, selon toujours ce jeune vendeur, ces pesticides ou insecticides peuvent entraver la croissance des végétaux. « Pour l’application de ce produit dans les jardins, il est recommandé aux agriculteurs de le diluer en y ajoutant de l’eau avant de l’utiliser. Sans cette technique de manipulation, utiliser de manière brute ce produit peut détruire complètement la plante », prévient-il. Ces produits lui proviennent du Ghana et ils sont vendus par unité à un prix de 1500 FCFA. « Auparavant, nous arrivions à vendre 10 bouteilles par jour, mais récemment, il est devenu difficile d’en vendre plus de 3 bouteilles », se lamente-t-il, malgré les bons retours sur l’efficacité de ses produits.
En plus de ces vendeurs qui exposent leurs produits, certains individus les transportent sur leur tête. Ils parcourent les marchés et les quartiers à la recherche de clients. Parmi ces jeunes, figure Yaou, un vendeur de pesticides rencontré aux alentours du Petit Marché. Il indique que certains de ses produits lui proviennent du Nigeria et d’autres de Dubaï. Les prix de ses articles varient entre 1.000FCFA, 2.000FCFA et 3.000FCFA. «Nous conseillons toujours nos clients qu’après avoir mis le produit dans leur habitation, de quitter le lieu pour revenir dans 20 à 30 minutes, car ce sont des produits toxiques qui éliminent rapidement les insectes et les moustiques. C’est pourquoi, avant toute utilisation, il est primordial de se protéger. Ma clientèle est diverse, notamment la population, les jardiniers », explique-t-il.
Yacine Hassane (ONEP)