
Dr Gado Moussa
La fasciite nécrosante est une ulcération aigue, c’est-à-dire après une infection cutanée bactérienne liée au streptocoque appelé ‘’l’érysipèle’’. Elle est une des complications de ‘‘l’érysipèle’’, qui se manifeste par une ulcération large généralement au niveau des membres inférieurs. Dans 10% des cas, ça peut être au niveau du visage, dans 2 à 12% des cas au niveau des membres supérieurs, et dans plus de 85% des cas au niveau des membres inférieurs, à savoir les pieds et ou les jambes. Elle se manifeste tout d’abord par une grosse jambe rouge douloureuse et fébrile, qui secondairement va entrainer une augmentation de la taille des ganglions au niveau de l’aine appelée ‘‘adénopathie inguinale’’. Et cette adénopathie est très inflammatoire et très douloureuse.
Dans la pratique de l’automédication devant une grosse jambe inflammatoire, les gens pensent malheureusement à traiter cette situation par des anti-inflammatoires ‘’non stéroïdiens’’. « C’est un geste qu’il ne faut pas faire, parce que c’est cela qui constitue même la gravité et la complication de l’érysipèle en fasciite nécrosante post érysipèle. Il faut nécessairement une porte d’entrée de l’infection. Et cette porte d’entrée peut être juste une piqure d’insecte, ça peut être n’importe quelle érosion au niveau de la peau ou les petites fissures au niveau des plis inter-orteils, c’est-à-dire ce qu’on appelle en dermatologie les intertrigos inter-orteils qui surviennent au niveau du troisième ou quatrième espace inter-orteils », explique Dr Gado Moussa, dermatologue à l’hôpital National de Niamey.
Le streptocoque qui est une bactérie rentre dans ces fissures, poursuit-t-il, ces érosions ou bien dans ces piqures d’insecte pour entrainer une diffusion et, finalement, la jambe va devenir inflammatoire, elle va grossir, elle va devenir œdémateuse. « Et, sur ce placard inflammatoire rouge, douloureux et œdémateux, vous allez constater qu’il y’a quelques phlyctènes (bulles) autour. La méconnaissance de cette maladie va entrainer la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’application des différents cataplasmes traditionnels sur les lésions, et finalement, il va entrainer une diffusion plus importante en profondeur, et le streptocoque, à travers ses toxines sécrétées, va détruire la peau jusqu’au tissu profond qu’on appelle la ‘’fascia’’ qui est une interface entre le tissu cellulaire sous cutané et les muscles. Cette diffusion va entrainer du point de vue du mécanisme un blocage ou l’afflux du sang au niveau de la peau. Cela va entrainer ‘’une ischémie’’ et ou une nécrose après l’ischémie. La peau va se nécroser, et finalement le placard va devenir noirâtre. C’est une carapace de peau morte qu’on retrouve à la place des phlyctènes (bulles) et ou de l’inflammation. D’où le diagnostic de fasciite nécrosante qui survient après l’érysipèle qu’on appelle ‘’fasciite nécrosante post érysipèle’’ », déclare-t-il.
Quand la nécrose survient, ajoute le praticien, d’abord la précocité du diagnostic de l’érysipèle permet d’arrêter la progression en fasciite. Et toute personne qui connait l’érysipèle va éviter surtout les anti-inflammatoires. « En évitant les anti inflammatoires, la personne ne va pas arriver au stade d’érysipèle sauf si c’est un autre terrain débilité, c’est-à-dire un diabétique, ou un terrain de dénutrition sévère, ou toute autre tare qui pourrait contribuer comme facteur aggravant ou entrainant la fasciite.», indique Dr Gado.
S’agissant des facteurs de risque, selon le dermatologue, c’est par exemple un terrain particulier comme le diabète. C’est un terrain d’hyperglycémie, un terrain favorisant. « Vous avez l’utilisation des produits traditionnels au cours de l’érysipèle que l’on prend comme des antalgiques, des anti-douleurs ou des anti-inflammatoires. Ces produits traditionnels peuvent jouer le même rôle que les anti-inflammatoires modernes qui sont pris également pour calmer les douleurs et inflammations », précise-t-il, avant d’ajouter que « ce sont ces facteurs qui peuvent entrainer la fasciite nécrosante ‘’post érysipèle’’. Elle a aussi d’autres facteurs tels que l’existence d’une porte d’entrée cutanée. Quand il y’a une blessure d’intertrigo, quelques lésions, une piqure d’insecte sur une zone accessible à la pénétration du streptocoque, du microbe. Voilà au préalable les facteurs qu’il faudrait retenir pour la survenue de la fasciite nécrosante post érysipèle », insiste-t-il.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens proscrits
Pour ce qui est du diagnostic et le traitement de la fasciite, selon lui, il faut d’abord faire la prévention première et secondaire. Il faut traiter rapidement le cas d’érysipèle, traiter toute écorchure, tout microtraumatisme et les différents intertrigos, les piqures d’insecte qui peuvent être à une zone exposée à la pénétration du microbe, c’est une prévention primaire. « Pour la prévention ou le traitement, la prise en charge de la fasciite est à double composante. Il faut d’abord traiter la cause avec des médicaments, tous les antibiotiques qui sont efficaces sur le streptocoque, il faut les mettre. Il faut proscrire les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Donner des antalgiques purs, tels que le paracétamol pour calmer les douleurs et non de ‘’l’ibuprofène’’ ou de ‘’diclofénac’’ et autres. », dit-t-il.
D’après lui, le deuxième volet du traitement, c’est la chirurgie. « Quand vous constatez ce placard noirâtre adhérant au niveau de la peau, qui est de la peau morte, vous ne pouvez pas tout de suite enlever. Il faut soit d’embler mettre le malade dans un bloc opératoire et pouvoir faire le ‘’décapage’’. Le parage chirurgical qui va consister à enlever ces débris nécrotiques de la peau pour pouvoir entamer le processus de cicatrisation dirigée », a souligné Dr Gado. Parfois, déplore-t-il, le processus de décapage peut faire défaut. « C’est-à-dire, vous ne disposez pas de bloc d’opération surtout au niveau périphérique. Et dans notre expérience, nous passerons par ‘’la détention chimique’’ qui est des pansements qu’on peut utiliser pour aller au décapage mécanique avec les simples ciseaux et pinces. Dans mon expérience, j’utilisais un produit qu’on appelle la flammazine ou la biafine qui sont des crèmes qu’on peut mettre en dessous de la carapace nécrotique pour pouvoir en quelques pansements ramollir. Et une fois ramollis, en un ou deux jours, la personne peut passer aisément pour faire le décapage mécanique quel que soit le niveau d’une structure sanitaire, à défaut de disposer d’un bloc opératoire, ce processus est rapide », a fait savoir le praticien.
D’après Dr Gado, une fois arrivé au stade de ‘’boujon charnu’’, pour écourter la maladie, il faut passer par des greffes de peau. C’est une technique très simple, mais il faut disposer de matériel. La greffe de peau est une des indications idéales pour écourter les séjours en hospitalisation des malades. « La fasciite nécrosante n’est pas une petite ulcération, c’est une ulcération très large étendue. Elle prend pratiquement tout le pied ou toute la jambe. Il faut poser des greffons sur ses plaies pour pouvoir obtenir en quelques semaines une cicatrisation complète. Au lieu de passer trois mois à faire des pansements, la personne va passer une semaine à obtenir l’adhésion de la greffe. C’est une technique qu’il faut envisager, la disponibilité de la greffe de peau à tous les niveaux », suggère-t-il.
Les septicémies et les abcès, des complications mortelles à éviter
Si la fasciite n’est pas traitée rapidement, ajoute le dermatologue, il y’a d’autres phénomènes qui peuvent survenir tels que ‘’les septicémies’’. La septicémie est une diffusion du germe qui est à la base du problème. « Le streptocoque peut rentrer dans le sang et finalement un malade peut mourir de la septicémie rapidement, si cette septicémie n’est pas prise en compte. Deuxième chose, l’infection peut se diffuser au niveau d’autres organes tels que ‘‘les reins’’, appellée ‘‘la gloméluro néfrit post streptococcie’’. Elle peut se diffuser au niveau de rein. C’est pourquoi, au troisième jour de la survenue d’un érysipèle ou d’une fasciite nécrosante, il faut voir l’état des reins. La troisième complication, c’est une complication régionale, c’est la formation ‘’des abcès’’ tout autour ou des abcès profonds. La complication la plus redoutable, si tous arrivent sur des terrains fragilisés, des terrains débilités, la mort peut survenir dans 30% des cas », déclare-t-il.
Selon le médecin, les difficultés rencontrées dans la prise en charge de cette pathologie sont surtout liées à la sensibilisation. « L’information doit être portée à l’échelle de la population par rapport à l’automédication et par rapport à la nécessité d’éviter ces genres de produits qui sont nécessaires dans certaines conditions, mais qui sont toxiques dans d’autres situations telles que la prise en charge de l’érysipèle de jambe », indique -t-il.
Dr Gado Moussa lance un appel à la population à ne pas négliger toute plaie, toute érosion qui est sur la peau. Le streptocoque est un germe, un microbe qui est banal. « Si le streptocoque est localisé sur la peau, il donne ‘’la lésion d’impétigo’’, mais il y’a un type de streptocoque qui, rentrant dans la peau, va diffuser et donner des toxines, et ses toxines qui sont responsables de l’érysipèle. Une fois que vous prenez avec précaution ces érosions, ou écorchures ou intertrigos qu’on retrouve chez tout le monde, il faut les soigner, il faut couper la porte d’entrée du streptocoque, c’est la première mesure. Il faut apprendre à soigner toute écorchure, toute ouverture cutanée pour ne pas laisser la porte aux infections. Le deuxième appel, c’est surtout l’automédication qui est le deuxième facteur de l’existence d’une porte d’entrée. Il faut éviter les anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’automédication n’est pas seulement l’apanage de la population, mais également l’usage des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans les infections cutanées bactériennes », a-t-il conclu.
Farida. A. Ibrahim (ONEP)