Dynamique, employant de milliers de personnes, le secteur des arts plastiques contribue indéniablement à la promotion de la culture nigérienne. Avec un vivier d’artistes talentueux, les œuvres d’art des artistes nigériens sont très prisées à travers le monde. Toutefois, depuis un certain temps, ces artistes sont dans une totale perplexité. En effet, suite aux évènements du 26 juillet et les sanctions illégales imposées au Niger ainsi que la menace d’intervention militaire provoquant le départ de milliers d’expatriés constituant l’essentiel de la clientèle des plasticiens, le secteur se trouve dans une situation difficile et les artistes aussi.
Les arts plastiques sont l’ensemble des techniques artistiques qui permettent de créer des formes et des images en utilisant des matériaux qui peuvent être modelés et remodelés par des mains expertes. Il englobe différentes formes d’expression artistique telle que la sculpture, la peinture, la photographie, la céramique et bien d’autres. Les artistes nigériens utilisent ces moyens pour explorer une variété de thèmes, allant de la culture à l’histoire du pays à des questions contemporaines telles que l’identité, la politique et l’environnement. Ces chefs-d’œuvre sont généralement exposés au musée national, dans les galeries d’art ou à l’occasion des festivals artistiques. Ils s’arrachent comme des petits pains et sont particulièrement très appréciés des expatriés.
Cependant, la situation économique difficile qui a suivi les évènements a également affecté le secteur des arts plastiques. Les galeries d’art ont connu une baisse de fréquentation et les ventes d’œuvres ont diminué. Ainsi, les artistes plasticiens se trouvent à la croisée des chemins.
Au niveau de l’Association Professionnelle des Artistes Peintres (APEP), qui regroupe une centaine de membres, plusieurs œuvres sont exposées. Créée dans les années 1970, l’association œuvre pour la promotion des arts au Niger, elle organise fréquemment des ateliers d’initiation aux arts plastiques et des expositions dans tout le pays. Néanmoins, l’ambiance n’est pas du tout au rendez-vous ces derniers temps. Les clients se font extrêmement rares, comme en témoigne le président de l’association M Ali Garba : « depuis que les expatriés sont partis, nous ne voyons plus personne. La situation politique a créé un climat d’incertitude et les artistes ont du mal à obtenir des subventions et des soutiens financiers pour leurs œuvres. Très peu de Nigériens achètent nos produits. Beaucoup d’artistes vivent de leur métier et ça fait plusieurs mois que nous n’avons rien vendu. Il faut nécessairement impulser une nouvelle dynamique, promouvoir la consommation des œuvres d’art localement », estime-t-il.
Malgré tout, les artistes plasticiens restent positifs. « Nous avons confiance aux autorités du CNSP, nous avons apporté notre modeste contribution en réalisant le portrait du général Abdourahamane Tchiani, nous avons été reçus par le CNSP et avons fait plusieurs propositions. Par exemple, l’octroi et la mise en exécution de 1 % de la décoration des bâtiments publiques. En encourageant la créativité et l’expression artistique, nous contribuons à enrichir la culture et la société nigérienne », déclare-t-il.
Moctar Hama, gérant de la galerie de l’association se dit particulièrement préoccupé par le manque de la clientèle. « On fait des jours sans voir personne, et il y’a des œuvres qui sont exposées depuis plusieurs années. La situation est vraiment alarmante. Il est important de sensibiliser le public sur l’importance de l’art et de l’exprimer librement. Cela peut se faire à travers l’organisation d’expositions d’arts, de galeries, de foires d’art ou de festivals artistiques. Ces événements offrent aux artistes l’opportunité de présenter leur travail et d’interagir avec le public. Dans tous les cas, il faut faire quelque chose », indique-t-il.
Au Musée National de Niamey, Hamani Moussa est un sculpteur depuis une dizaine d’années. Très habile avec les mains, il sculpte des chefs-d’œuvre extraordinaires en bois. « Depuis un certain temps, les clients se font extrêmement rares, déjà les expatriés sont partis et les quelques femmes qui achètent souvent nos produits se font rares également. Pourtant nos produits sont accessibles à tous. Nous sommes confrontés à un problème de mévente. Il est difficile de vivre de son métier d’artiste au Niger actuellement », a-t-il confié avant d’étaler certaines difficultés auxquelles les artisans font face. « Les artistes nigériens sont confrontés à plusieurs problèmes dont le manque patent de clients dû à une consommation très faible de nos produits par les Nigériens. Le manque de financement et de soutien institutionnel limite les opportunités pour les artistes de produire et de promouvoir leur travail. L’absence d’infrastructures culturelles adéquates, telles que des galeries d’art et des centres d’exposition rend difficiles la diffusion et la visibilité des œuvres d’art. De plus, la plupart de nos produits sont confisqués par les douaniers aux postes frontières. Du coup, cela dissuade nos clients d’acheter de nouveau les œuvres d’art nigériennes ».
Moussa Camara un client rencontré sur place est un habitué des lieux. « Je viens ici acheter des petits objets sculptés en bois pour la décoration de la maison ainsi que de notre bureau. On y trouve des choses originales et magnifiques. Il est vrai que les arts sont pratiquement méconnus. Néanmoins le secteur regorge de talents », a-t-il dit.
En dépit de ces difficultés, les artistes plasticiens n’ont pas cessé de créer et de s’engager. Certains ont trouvé des moyens alternatifs pour présenter leur travail, tels que les réseaux sociaux et les expositions virtuelles. Cette résilience et cette capacité d’adaptation démontrent la force et la détermination de la communauté artistique nigérienne face à l’adversité. C’est le cas notamment de Diaz, artiste-peintre et promoteur de la galerie Taweydo. La galerie a été créée en 2007 dans le but de promouvoir les arts plastiques au Niger, non sans soucis. « Les difficultés que nous subissons nous poussent à devenir résilients et à innover. Ainsi, à travers le numérique nous touchons beaucoup de clients partout dans le monde. Nous interagissons généralement avec les collectionneurs qui apprécient vraiment nos produits. Les prix de nos tableaux varient de 100.000 à 500.000 FCFA » nous apprend-t-il.
Le plus grand problème de l’art au Niger est que la population ne s’intéresse pas du tout à ce domaine. L’Etat doit faire la promotion des arts au Niger et favoriser la consommation locale pour sauver le secteur. Malgré les défis auxquels le secteur fait face, il regorge d’une créativité et d’un talent exceptionnels qui méritent d’être soutenus et valorisés.
Nazir Ousmane Stagiaire