
M. Idrissa Djibo Maïga
Monsieur le Directeur Général, vous êtes depuis quatre mois aux commandes de Niger Télécoms, société publique de télécommunications ; comment se portait cette entreprise à votre prise de fonction ?
Je pense qu’il faut relativiser pour ne pas situer les problèmes de Niger Télécoms à partir d’une gestion récente. De mon point de vue, cette situation tient à plusieurs facteurs qui ont, tout au long d’un parcours, et notamment depuis que le secteur est investi par de nouveaux acteurs, impacté la vie de notre société. À ma prise de fonction, Niger Télécoms faisait face à plusieurs défis qui ne sont que l’aboutissement de situations décrites plus haut, avec aujourd’hui une situation financière fragile, des infrastructures partiellement obsolètes qui ne permettent pas à la société de faire face à la concurrence et de répondre aux besoins immenses d’une clientèle de plus en plus exigeante et nombreuse. Toutefois, sur le plan des ressources humaines, l’entreprise, avec une base technique exploitable, dispose de cadres compétents dont l’expérience reste un atout indéniable qui justifie nos optimismes à remettre Niger Télécoms sur les rails.
Nous avons, pour ce faire, à tirer aujourd’hui les leçons des turbulences traversées, en renforçant la résilience de l’entreprise, tout en confortant les stratégies développées qui ont permis de tenir sur les chemins et en corrigeant les solutions peu adaptées qui avaient été décidées pour faire face à la conjoncture des différentes époques. Nous croyons que les difficultés rencontrées, au lieu de nous affaiblir, nous ont permis de nous construire un certain leadership et surtout de nous aguerrir pour être capables d’ingéniosité et d’adaptabilité à provoquer de nouveaux succès pour notre entreprise. Aujourd’hui, tous les agents de Niger Télécoms sont prêts à s’embarquer pour la belle aventure !
Quelle est votre priorité en tant que nouveau Directeur Général de Niger Télécoms ?
Nous avons l’avantage – et nous y croyons – d’avoir vu cette société évoluer pendant les quatre dernières décennies. Nous avons connu ses temps de gloire et ses moments les plus difficiles. Notre ambition est donc, prenant la mesure des défis auxquels est confrontée l’entreprise, d’en faire une société véritablement nationale et nationaliste pour servir, dans un domaine aussi complexe que celui des télécommunications, d’instrument au service de la souveraineté aujourd’hui portée par les nouvelles autorités du pays. Nous nourrissons donc de grands rêves pour Niger Télécoms pour en faire une entreprise véritablement nationale et le leader du secteur des télécoms dans le pays. Notre priorité est de redynamiser l’entreprise en améliorant la qualité des services, en renforçant la rentabilité et en instaurant une culture de la performance et de la transparence au sein de toutes les équipes que nous aspirons à mettre en confiance en les fédérant autour d’un idéal d’entreprise pour travailler ensemble, en une famille unie et forte, pour aller aux succès que nous ambitionnons et escomptons pour Niger Télécoms. C’est pour cette raison que nous avons, dès notre arrivée, entamé des discussions avec les différents syndicats de l’entreprise pour les convaincre à aller dans une unité syndicale qui préserve notre environnement professionnel d’émiettements qui nous fragilisent alors que, dans les moments que nous vivons, nous gagnerons plus à regarder ensemble dans la même direction pour faire émerger notre société surtout quand on sait que nous avons les compétences nécessaires au sein de nos équipes pour réussir ces mutations. Notre dernière mission dans les régions nous avait d’ailleurs permis de prendre la mesure des défis. Mais, face aux défis à relever, nous avons été rassurés de voir, ici et là, dans toutes les régions, des agents motivés, prêts à s’impliquer dans la nouvelle dynamique. Et, c’est ensemble que nous allions réussir.
Avec la création du Syndicat Unique des télécommunications le 17 avril dernier, peut-on dire que votre vœu pour l’unité syndicale au sein de l’entreprise Niger Télécoms s’est réalisé ?
Je dois d’abord vous dire que j’ai deux parcours au sein de notre entreprise : un parcours professionnel qui m’a permis, le long de près de quatre décennies, de vivre les différentes péripéties que la société nationale des télécommunications a connues pour savoir apprécier les différents défis auxquels elle fait face aujourd’hui. Dans le même temps, j’ai également connu un parcours syndical qui m’a permis d’apprécier les relations entre employés et employeurs mais aussi de connaître les vertus du dialogue dans un tel environnement. Ces différentes positions m’ont permis de comprendre, depuis que l’on a assisté à une floraison de syndicats dans notre environnement, les difficultés à accorder les violons dans la diversité des opinions souvent peu réconciliables du fait d’adversités qui, même si d’un point de vue de la démocratie, elles étaient compréhensibles, n’en sont pas moins préjudiciables à un climat de travail serein au sein de l’entreprise. Face aux défis énormes, face à une volonté partagée de sauver l’entreprise et d’en faire la plus en vue sur l’écosystème de la téléphonie au Niger, j’ai cru qu’il était impérieux de taire les divergences, et de ressouder notre grande famille autour des idéaux qui nous font porter aujourd’hui de grandes ambitions pour Niger Télécoms.
C’est donc pour cette raison que ma première action, avec mes collaborateurs, avait été de travailler avec tous les syndicats pour partager avec eux la nouvelle vision que je nourris pour notre entreprise. Il s’agit de les fédérer aujourd’hui autour d’un idéal de cohésion indispensable à la vitalité de l’entreprise pour booster la production. Je peux me réjouir que tous aient pu comprendre les enjeux de la fusion, tous se départant de quelques égos pour ne regarder que dans la même direction et pour poursuivre le seul combat qui vaille aujourd’hui : l’émergence de Niger Télécoms appelée à reprendre le leadership dans le secteur. Oui, pour répondre à votre question, je peux considérer que mon vœu s’est réalisé mais, je le répète, cela n’aura pas été possible sans l’implication de mes collaborateurs et des différents syndicats qui avaient fait montre de disponibilité, d’écoute, de patriotisme et de civisme pour s’engager, sans rien exiger, le seul objectif visé étant de sortir l’entreprise d’une situation peu reluisante. Je voudrais donc remercier les uns et les autres pour avoir compris et soutenu notre initiative.
Monsieur le Directeur Général, y a-t-il maintenant une stratégie ou démarche en cours de mise en œuvre afin que Niger Télécoms fournisse à ses clients des services de téléphonie fixe et mobile ainsi que d’internet de meilleure qualité à des tarifs compétitifs dans un contexte de concurrence ?
Oui, un plan stratégique est en cours de mise en œuvre. Déjà, les consommateurs peuvent avoir remarqué des progrès réalisés dans la qualité de l’offre internet que nous allions continuer à améliorer jusqu’à pousser – mais en les convainquant – tous les Nigériens à faire de Niger Télécoms leur premier choix. Ces ambitions raisonnées reposent sur la modernisation des infrastructures, l’extension du réseau, l’amélioration du service client et la révision des offres tarifaires pour les adapter à la concurrence tout en assurant la viabilité économique de l’entreprise.
Monsieur le Directeur Général, qu’en est-il précisément de la prise en compte de la préoccupation de la couverture, l’accessibilité des services de Niger Télécoms sur l’étendue du territoire national ?
La couverture nationale est au cœur de notre stratégie. Nous avons lancé, de concert avec la Banque Mondiale, à travers le projet PVI (Projet de Village Intelligent) des projets d’extension du réseau dans les zones rurales et enclavées afin de garantir un accès équitable aux services de télécommunications sur tout le territoire national. Nous nous préoccupons dans cet effort d’extension aussi bien de la communication téléphonique que de la connexion internet sur lesquelles nous entendons miser pour faire la différence. Nous sommes d’ores et déjà en pourparlers avec des partenaires stratégiques pour couvrir l’ensemble du territoire national et permettre ainsi que Niger Télécoms soit près de tous les Nigériens, où qu’ils se trouvent dans le pays, pour bénéficier des différentes offres avec une qualité de service indifférenciée, imbattable, la même dans toutes les parties du pays.
Niger Télécoms dispose-t-elle actuellement de ressources humaines, financières et matérielles nécessaires pour ses ambitions ?
L’entreprise dispose de compétences humaines solides, incontestables. C’est notre atout. C’est notre force. C’est, j’ose dire, notre chance. Toutefois, pour répondre pleinement à nos ambitions, des efforts de renforcement des capacités, de mobilisation de ressources financières en vue de moderniser les équipements pour atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés en prenant la direction de l’entreprise, doivent être déployés, avec notamment le soutien politique précieux de l’Etat.
Pour les perspectives, est-il possible pour l’Etat d’ouvrir le capital de Niger Télécoms ?
L’ouverture du capital, dans le contexte actuel de la refondation, avec en toile de fond la souveraineté revendiquée, ne nous semble pas être à l’ordre du jour. Forts du soutien de l’Etat qui fait aujourd’hui l’option de s’affirmer dans tous les secteurs où la souveraineté l’impose, nous estimons qu’en tant que société nationale, société d’Etat, l’idéal est que l’Etat soit le plus grand actionnaire pour en déterminer la politique selon l’agenda souverainiste du pays qui voudrait que nous ayons une maîtrise du domaine complexe des télécommunications qui ont forcément quelques imbrications dans des domaines sensibles comme ceux de la défense et de la sécurité par exemple. En effet, on ne peut pas laisser d’autres acteurs externes avoir le contrôle de notre système de communication qui reste un domaine hautement stratégique et sensible. Et, nous avons grand espoir de changer quelque chose à Niger Télécoms…
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)