Le monde a célébré, le mercredi 25 mai dernier, la Journée de l’Afrique. Les festivités de cette année se sont déroulées dans des conditions particulières. Alors que le continent et le monde se préparent à sortir de deux ans de pandémie due à la crise planétaire du COVID-19, le Coordonnateur du CELHTO-UA, M. Komi N’Kégbé Fogâ, revient sur la portée historique de cette journée et dresse un tableau optimiste sur la fin des conflits en Afrique. Dans cet entretien qu’il a accordé a l’hebdomadaire Sahel Dimanche, cet imminent diplomate et homme de culture explique aussi les mécanismes par lesquels le Centre d’études linguistiques et historiques par tradition orale de l’Union Africaine dont il a la charge, peut contribuer à la fin des violents conflits sur le continent africain grâce à ses recherches sur des mécanismes typiquement africains de prévention et gestion des crises et leur vulgarisation à l’échelle.
Monsieur le Coordonnateur, Chef de Mission de l’Union Africaine, L’Afrique célèbre ce 25 mai 2022, la journée mondiale qui lui est dédiée. Dites-nous, le contexte global dans lequel se tiennent les festivités ?
Le 25 mai est la date de création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’Union Africaine. Il est donc de tradition de célébrer à cette date, l’anniversaire de l’OUA, de célébrer l’Afrique. Au départ, cette Journée de l’Afrique était une célébration assez restreinte et politique qui se résumait aux bureaux de l’OUA/UA et aux représentations diplomatiques. Mais depuis quelques années, elle a pris plus d’ampleur et est devenue plus connue avec des manifestations populaires organisées un peu partout sur le continent et ailleurs pour célébrer l’Afrique et ses valeurs. On ne peut que s’en réjouir.
Le Continent vit encore des zones de tensions et d’insécurité malgré les différentes initiatives de l’Union Africaine pour faire taire les armes en Afrique conformément à l’Agenda 2063. Est-il encore permis d’espérer que les armes vont « se taire » sur le continent dans un avenir proche ?
Votre question renvoie sûrement à l’initiative « Faire taire les armes en Afrique » à l’horizon 2020 de l’Union Africaine. En organisant la Retraite sur les mesures pratiques pour faire taire les armes en Afrique d’ici 2020, qui a élaboré la Feuille de route principale de l’Union africaine sur les mesures pratiques pour faire taire les armes en Afrique à l’horizon 2020, le Conseil de Paix et de Sécurité a été inspiré et guidé par l’appel de la Déclaration solennelle du 50ème anniversaire de l’OUA/UA adoptée par les Chefs d’État et de gouvernement de l’UA à Addis-Abeba le 25 mai 2013, dans laquelle ils ont, entre autres aspects, exprimé leur « détermination à atteindre l’objectif d’une Afrique exempte de conflits, à faire de la paix une réalité pour tous nos peuples et à débarrasser le continent des guerres, des conflits civils, des violations des droits de l’homme, des catastrophes humanitaires et des conflits violents, et à prévenir le génocide et le colonialisme. Nous nous engageons à ne pas léguer le fardeau des conflits à la prochaine génération d’africains et nous nous engageons à mettre fin à toutes les guerres en Afrique d’ici 2020 ».
Cette initiative visait à parvenir à une Afrique sans conflits, à prévenir le génocide, à faire de la paix une réalité pour tous et à débarrasser le continent des guerres, des violents conflits, des violations des droits de l’homme et des catastrophes humanitaires. Les dirigeants espéraient réduire au silence toutes les armes avant 2020.
Et il faut reconnaitre que depuis 2014, notre continent a fait des progrès dans sa quête de paix et de sécurité, principalement en renforçant les cadres et les institutions du continent chargés d’intervenir, ainsi qu’en collaborant avec l’ONU et d’autres organisations sur le terrain. Ces initiatives ont porté leurs fruits et au cours des deux dernières décennies, les armes à feu ont été réduites au silence dans des points chauds comme l’Angola, la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone, comme l’écrit Zipporah Musau. Même s’il faut aussi reconnaitre qu’il existe encore des zones de tension en Libye, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, dans l’est de la République démocratique du Congo et dans le bassin du lac Tchad (Tchad , Nigéria, Niger et Cameroun), au Burkina Faso, dans certaines parties de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique orientale, il est encore permis d’espérer que les armes se taisent sur notre contient. Car, au-delà de l’année 2020 dont le thème a été « Faire taire les armes », les efforts continuent d’être déployés dans le cadre de l’Agenda 2063, notamment pour son Aspiration4.
Pouvez-vous nous dire ce que le CELHTO fait en tant que Bureau spécialisé de l’Union Africaine pour aider le continent dans cette problématique de prévention et de gestion des conflits ?
Le CELHTO est, de nos jours, une institution de référence pour la collecte et l’exploitation des données de la tradition orale en Afrique. L’une de ses missions est de rechercher et de mettre en œuvre des stratégies spécifiquement africaines de prévention et de résolution des conflits, de maintien de la paix sociale et de la stabilité politique.
Ainsi, face aux situations de crises en Afrique, beaucoup d’interventions internationales sont faites pour y trouver des solutions. Mais pour une paix « pérenne », des solutions africaines pourraient être trouvées aux problèmes africains. Elles consisteraient à puiser dans les traditions du continent dont le patrimoine culturel peut jouer un rôle non négligeable dans le maintien de la paix. En effet, il existe en Afrique, des mécanismes endogènes de prévention, de gestion et de résolution de conflits qui prennent appui sur les autorités traditionnelles et coutumières dans leurs communautés respectives. Même si leur portée n’est pas « nationale », ces systèmes endogènes comportent des mécanismes qu’on peut exploiter pour contribuer à cultiver la paix comme le prévoit l’article 14 de la Charte de la renaissance culturelle Africaine dans son titre III : « Les sages et les leaders traditionnels sont des acteurs culturels à part entière. Leur rôle et leur importance méritent une reconnaissance officielle de sorte à les intégrer dans les mécanismes modernes de résolution des conflits et dans les systèmes de dialogue interculturel ».
Dans le but de mettre à contribution le riche patrimoine culturel africain pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits sur notre continent, le CELHTO mène actuellement sur le contient une étude dont l’objectif est de faire l’inventaire de ces systèmes traditionnels en vue de leurs revitalisation et valorisation. Elle vise à établir une revue de littérature exhaustive sur les travaux scientifiques existant sur les systèmes endogènes de prévention et ou de résolution de conflits en Afrique, élaborer un inventaire clair et détaillé de ces différentes méthodes de prévention, de gestion et de résolution de conflits, procéder à l’étude de chacune de ces méthodes afin de faciliter leur compréhension et leurs liens avec les cultures africaines, faire des recommandations à l’endroit de la Commission de l’UA pour orienter le projet de mise en place d’une stratégie africaine, inspirée des méthodes ainsi mises en lumière, de prévention et de résolution des conflits en Afrique.
En votre qualité de Coordonnateur du CELHTO, pensez-vous que la culture africaine, dans sa diversité, est à mesure de surmonter les crises récentes ?
Oui, je le pense. Puisque, comme je viens de vous le montrer, il existe dans nos cultures africaines, des mécanismes propres qui, bien exploités, nous permettent de juguler et de surmonter les crises que traversent nos sociétés.
Votre mot de la fin ?
Je voudrais d’abord remercier l’Office National d’Edition et de Presse de nous donner la parole durant cette Journée de l’Afrique afin de parler de notre continent et de ses grands défis et aussi du CELHTO qui est le Bureau de Représentation de la Commission de l’Union Africaine au Niger. Ensuite, vous remercier aussi pour votre accompagnement durant nos différentes activités.
Par Souleymane Yahaya(onep)