
Médecin-Colonel Marie Djika
Administratrice Déléguée de la Commune 1 de Niamey depuis le 4 avril 2024, Médecin-Colonel Marie Djika est également la Présidente du Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger (RéFAL), qui regroupe toutes les femmes administratrices déléguées du pays. Mis en place récemment, le bureau exécutif de cette structure s’attelle déjà à mettre en œuvre son plan de travail. Dans cet entretien, Médecin-Colonel Marie Djika évoque la vision du RéFAL Niger en lien avec l’objectif du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique ; les questions d’autonomisation des femmes et de l’amélioration de leurs conditions de vie, notamment en milieu rural ; l’importance de l’accès à l’éducation pour la jeune fille, etc.
Mme la Présidente, quel est le lien entre le Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger (RéFAL) et le Réseau des Femmes Elues Locales du Niger mis en place en 2014 et qui représente le Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA) ?
Le Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger (RéFAL) découle du Réseau des Femmes Élues Locales du Niger qui représente, au niveau national, le Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA international). Cette structure a été créée en mars 2011 à Tanger, sous l’impulsion de l’Organisation Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU Afrique) avec l’appui du Royaume du Maroc. Le REFELA rassemble, au niveau continental africain, les Femmes maires et élues locales ou exerçant une fonction similaire au sein des collectivités locales. Ce réseau constitue leur porte-voix pour la promotion de la gouvernance locale sensible au genre.
Dans le contexte actuel au Niger, quelle perception avez-vous au niveau du Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger (RéFAL) de la vision du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique qui a pour objectif une Afrique locale paritaire, inclusive et sensible au genre ?
Le RéFAL est une structure qui regroupe toutes les femmes administratrices déléguées du Niger. Le bureau exécutif mis en place il y a deux mois comprend douze (12) membres, deux (2) conseillères et une (1) commissaire aux comptes. Toutes ces membres ont été placées aux différents postes dans le bureau exécutif après une élection.
Notre perception au niveau du RéFAL de la vision du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA) est d’assurer une représentation équitable et une égalité de chances dans tous les domaines, notamment au travail, en politique et dans l’éducation, de créer un environnement où chaque femme est valorisée et a les mêmes opportunités ; bien sûr en tenant compte de nos réalités culturelles et religieuses. De manière générale, on se complète, je veux dire homme et femme ; la diversité est fondamentale pour le succès de toute organisation.
Mme la Présidente, quelles sont les actions à mettre à l’actif du Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger depuis votre arrivée à la tête de cette structure ?
Nous sommes une nouvelle structure, au stade embryonnaire si je peux le dire. Le bureau a été mis en place il y a deux mois. Depuis son installation, nous avons accompagné l’Association des Municipalités du Niger à la rencontre de Zinder et, tout dernièrement, nous étions à Gazaoua dans la région de Maradi pour la rédaction du plan d’actions annuel pour le temps qui reste avant de boucler l’année.
Quelles sont, Mme la Présidente, actuellement, les priorités pour le bureau du Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger ?
La priorité pour le bureau du Réseau des femmes, c’est bien sûr de nous faire connaître au niveau national et au-delà ensuite. Et nous allons nous atteler à mettre en œuvre le PAA (Plan d’Actions Annuel) que nous avons récemment élaboré.
Au niveau du Réseau des Femmes Élues Locales d’Afrique, l’accès au foncier par les femmes est considéré comme un des moyens pouvant permettre l’amélioration de leurs droits pour l’atteinte de l’égalité du genre. Mme la Présidente, y-a-t-il dans ce sens des actions au niveau du Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger ?
Cela va sans dire que le développement socio-économique ne peut pas se faire sans la femme. Pour permettre à la femme d’accéder à la propriété foncière, on doit se départir de certains préjugés et stéréotypes. La propriété foncière est un sujet complexe marqué par des disparités entre le droit formel et les coutumes. Selon le droit islamique les femmes ont le droit d’hériter de la terre, le Code Rural reconnaît aussi les droits des femmes à la terre. Malheureusement, certaines pratiques limitent ou excluent les femmes de l’héritage foncier par crainte de voir cette terre reçue en héritage passer dans une autre famille en cas de mariage. L’héritage est la principale voie d’acquisition de la terre par la femme, puisque pour pouvoir en acheter, il faut être indépendante financièrement. Ceci est très difficile pour la femme rurale. Il est grand temps pour que les choses changent. Si vous prenez l’exemple de Niamey, les producteurs maraîchers ce ne sont que des femmes pratiquement. On le sait aujourd’hui, et particulièrement en milieu rural, ce sont les femmes qui ont la charge de la gestion de leurs familles. Donc l’accès à la terre pourra leur permettre de se nourrir et de s’autosuffire.
Il est important qu’il y ait une sensibilisation sur l’accès des femmes au droit foncier. Il reste encore beaucoup à faire pour garantir une égalité totale en matière de droit foncier au Niger.
Mme la Présidente, quel programme prévoit le Réseau des Femmes Autorités Locales du Niger pour l’amélioration des conditions de vie des femmes nigériennes, surtout celles du milieu rural qui font déjà montre d’une remarquable résilience ?
Pour s’épanouir, une femme a besoin d’évoluer dans un cadre de vie sain. Pour cela, il faut lutter contre la violence basée sur le genre, par des sensibilisations pour un changement de comportement surtout à l’endroit des hommes, renforcer la protection de la femme contre les violences et faciliter l’accès à la justice.
Au-delà de la femme, la violence au sein d’un foyer peut entrainer de graves conséquences chez les enfants, ce sont des victimes oubliées alors que ce sont eux les premiers témoins de la violence dont la mère est victime
En général, quand on parle de violence basée sur le genre, on ne voit que la violence physique, malheureusement il n’y a pas que cela. Il y’a la violence psychologique; la violence sexuelle, etc.
Concernant précisément la santé, il faut que la femme ait accès aux soins de santé notamment maternelle et la planification familiale. Plus les naissances sont espacées, mieux la femme se porte. Et nous avons dans ce sens prévu d’aller à la rencontre des femmes surtout rurales pour débattre de certains points sexospécifiques.
Aussi, il est important de promouvoir l’autonomisation économique par la facilitation de l’accès de la femme rurale à la terre, aux intrants agricoles et au financement pour assurer et améliorer la sécurité alimentaire et renforcer la participation de la femme dans la vie rurale.
Il y a également un troisième élément à prendre en compte : il s’agit de la question de l’accès à l’éducation de la jeune fille. Même si des progrès énormes ont été faits, il reste beaucoup à faire. Certaines, bien qu’ayant de bons résultats à l’école sont obligées d’arrêter leur scolarité pour différentes raisons. Par exemple après l’obtention du CFEPD, l’éloignement du collège par rapport au lieu d’habitation, donc par manque de tuteur, ou le mariage précoce qui est toujours d’actualité dans certaines régions de notre pays.
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)