
Malgré la disponibilité des génériques dans les pharmacies ...
L’achat de médicaments de la rue se banalise malheureusement au Niger, dans un contexte marqué par des conditions économiques difficiles pour les populations qui font face aux effets des sanctions iniques, inhumaines et illégales prises par la CEDEAO et l’UEMOA à l’encontre du pays. Les vendeurs développent ce business informel et très lucratif au vu et au su des services compétents censés l’encadrer, à défaut de pouvoir l’interdire. Pour ne rien arranger, le manque d’une communication adéquate à même de faire fléchir les adeptes de l’automédication au Niger se fait sentir.
Depuis des années, on assiste impuissamment au recours à l’automédication par la population suivie d’une forte consommation des médicaments qui ne sont pas sans conséquences sur la santé. Cette automédication est pratiquée par toutes les couches de la société, y compris ceux qu’on peut appeler les « lettrés ». La vente de médicaments de la rue dont le conditionnement, le stockage et la distribution se font dans des conditions douteuses progresse chaque année un peu plus jusqu’à concurrencer les pharmacies légalement constituées.
M. Massaoudou Issoufou est un jeune vendeur ambulant âgé de 27 ans. Il s’exprime sur l’activité qu’il vient de commencer il y a de cela quelques mois : « Je me suis lancé dans cette activité il y a peu de temps. J’étais venu du village. N’ayant pas trouvé de travail et ne sachant pas faire d’autres travaux, un frère m’a suggéré de me lancer dans la vente de médicaments, des cigarettes et la kola. Une suggestion qui m’a vite attirée. Je n’ai jamais mis pied dans une cour d’école, à plus forte raison savoir lire ou écrire. Je me rends au grand marché où se trouve toute une rangée de vendeurs grossistes et détaillants pour acheter les produits. Je paie les comprimés par boîte et les revends par plaquette ou par comprimé. Par exemple, la boîte de paracétamol coûte 500fr, mixa gripe à 15000 Fr », confie le jeune commerçant ambulant.

Ce vendeur ambulant trouve son compte dans cette activité apparemment lucrative. « Je me lève tôt pour faire le tour de la ville et des marchés à la recherche des clients. Je m’attarde souvent au niveau des carrefours la nuit dans l’espoir d’avoir d’autres clients », poursuit-il. Le jeune vendeur raconte comment il procède à la « transaction » avec sa clientèle. « Quand les clients m’arrêtent et me disent le type de produit qu’ils veulent, au cas où je n’arrive pas à le reconnaître par son nom, je leur demande de me l’indiquer directement parmi ceux de mon stock. Des fois, les images qui figurent sur le produit me servant d’indicateur pour savoir si tel ou tel produit est utilisé pour calmer les maux de tête, le rhume, la fatigue ou les maux de ventre », explique-t-il.
Abdoul Fataou, un tablier du quartier âgé de 34 ans est aussi un revendeur de produits pharmaceutiques qui, comme Massaoudou Issoufou, n’a jamais été à l’école. « Je vends des produits pharmaceutiques de première nécessité tels que le cloxaciline, le paracétamol, l’Efferalgan, l’ibuprofène. Je vends surtout des médicaments contre le rhume, la fièvre et les douleurs », dit-il, ajoutant qu’il s’approvisionne aussi au grand marché. « Parfois, j’attends que les vendeurs grossistes ambulants passent à la devanture de ma boutique pour me ravitailler. Je ne peux pas aller à la pharmacie payer les produits car, ce n’est pas rentable. Par exemple, à la pharmacie la plaquette de paracétamol coûte 100F et on la revend à 125F, ou 25F les deux comprimés. Si je paie les produits au grand marché, je peux avoir 50F de bénéfice sur une plaquette de paracétamol. Nos médicaments, ils sont à la portée de tous les clients », a-t-il indiqué.
Yayé Oumarou, âgé de 22 ans, exerce également ce commerce certes lucratif, mais dangereux pour la santé. « Ça fait 3 ans que j’exerce le métier de revendeur de produits pharmaceutiques. Je me ravitaille au grand marché, chez les grossistes qui ont des dépôts de produits pharmaceutiques. Je vends en détail les comprimés en moyenne à 25F et 500F la plaquette en fonction du produit. C’est à l’achat que le grossiste en personne m’explique le temps que chaque produit payé doit faire avant d’expirer. Pour reconnaître ou distinguer les produits, je me réfère aux images imprimées sur les emballages. Dieu merci, je n’ai jamais eu de clients qui sont venus se plaindre d’un des produits achetés auprès de moi car, bien que n’ayant pas étudié, je prends des précautions », confie Yayé. Il explique que son chiffre d’affaires dépend des périodes. Par exemple, pendant la saison froide précise-t-il, les gens paient plus de produits contre le rhume. Et durant la saison des pluies, ce sont des produits contre le paludisme et la fièvre qui sont le plus demandés.

Salifou Moussa, fait partie des Nigériens qui se contentent des produits pharmaceutiques en vente un peu partout dans les quartiers et marchés de la ville de Niamey. Certes, il a étudié et il est en mesure de comprendre les dangers auxquels il faut s’attendre lorsqu’on utilise les médicaments « parterre ». « Dans la vie, il faut toujours agir en fonction des moyens dont on dispose. C’est pourquoi, je n’ai aucunement de gêne lorsque je me rends chez le tablier du quartier en cas de besoin. En général, les produits que j’achète sont contre les douleurs gastriques, les anti-inflammatoires, contre la fièvre ou le rhume. À la pharmacie, on ne vend pas en détail et les produits ne sont pas à la portée de toutes les bourses tandis que chez le tablier, chacun y trouve son compte. Les prix sont raisonnables et accessibles à toutes les bourses. Lorsque je ne me sens pas bien, je cherche rapidement les vendeurs ambulants ou le tablier du quartier. Mon objectif est de recouvrer la santé le plus rapidement possible afin de vaquer à mes occupations. Les histoires de lire la notice ne m’ont jamais intéressé », précise-t-il sans ambages.
Une autre dame, la cinquantaine bien sonnée vient s’adresser au tablier du quartier. Elle demande des comprimés contre les douleurs des membres inférieurs et du corps. « Quand je ressens des douleurs au niveau de mes membres ou du corps j’envoie les enfants chez le tablier ou bien j’attends le passage des vendeurs ambulants pour me procurer les produits à un prix accessible », souligne -t-elle.
Moumouni Idrissa Abdoul Aziz (Stagiaire)