
Des commerçants s’installent durablement à Niamey sur ...
Marchés improvisés, embouteillages chroniques, piétons en danger, dans de nombreuses villes africaines, l’occupation anarchique des voies publiques par les vendeurs ambulants devient une réalité quotidienne. A Niamey, de Katako à Harobanda, en passant par le Grand Marché et les abords de la Corniche, des espaces publics ont été un peu partout grignotés pour laisser place à des étals sauvages avec leurs parasols bariolés et les cris des vendeurs ambulants. Ce qui expose les piétons et les automobilistes à toute sorte de dangers.
Pour beaucoup de vendeurs ambulants, il s’agit d’un choix par défaut dans un contexte de chômage et d’absence de dispositifs de soutien aux activités génératrices de revenus. « Je viens ici tous les jours avec ma table en bois et mes sacs de chaussures. Je vends jusqu’à 20h, parfois plus. C’est ici que passent les clients », explique Abdoul, un jeune vendeur de 27 ans installé à la place Toumo. Comme lui, des milliers de jeunes occupent les espaces publics sans autorisation. La seule et fallacieuse raison qu’ils avancent, c’est que les marchés sont pleins, les boutiques trop chères et les taxes lourdes. « Ici au moins, on vend sans pression », a-t-il affirmé.
Mais, cette débrouillardise n’est pas sans conséquences. Elle favorise l’encombrement des voies de circulation dans la ville, accentue l’insalubrité des rues et exacerbe souvent les tensions entre usagers de l’espace public. Dans certains quartiers comme Zarmagandey, Château 2, Wadata ou Fada, les trottoirs ont totalement disparu. Les piétons sont contraints de marcher sur la chaussée, exposés aux motos, aux taxis, aux véhicules privés et aux tricycles. « Je traverse chaque jour avec mes enfants pour aller à l’école mais, entre les étals et les voitures, c’est devenu un vrai parcours du combattant », se plaint une mère de famille qui fait la traversée chaque jour ouvrable dans la matinée, pour sécuriser ses enfants.
Il n’y a pas si longtemps de cela, l’Hôtel de Ville de Niamey a procédé à plusieurs opérations de déguerpissement pour lutter contre les occupations anarchiques des espaces publics, notamment autour du Grand Marché, de la Corniche et du Boulevard Mali Béro. Mais, ces opérations très souvent ponctuelles et sans mesures d’accompagnement, demeurent peu efficaces au vue de la rapide réinstallation des déguerpies dans les rues et sur les trottoirs. « On les chasse aujourd’hui, ils reviennent demain. Cela rappelle le célèbre dicton qui dit ‘’on chasse le naturel, il revient au galop’’. On manque de marchés bien aménagés et d’une vraie stratégie d’intégration », reconnait un des commerçants qui squattent la rue.

La Ville de Niamey grandit, s’étend, mais son cœur reste tiraillé entre modernisation et survie quotidienne. Tant que l’espace public reste le seul refuge économique pour une majorité de citoyens, l’occupation anarchique continuera, préviennent les observateurs. À moins que la ville ne fasse le pari du dialogue et de l’inclusion économique pour devenir, enfin, un espace partagé et équitable. Face à cette situation, les autorités sont prises entre deux feux : répondre d’une part aux exigences d’ordre urbain, tout en évitant de heurter une population déjà vulnérable, et libérer les espaces publics occupés afin de rendre la ville propre et vivable d’autre part. « Nous avons besoin d’une ville propre et fluide, mais aussi d’une approche humaine. Ces vendeurs ne sont pas des délinquants. Ce sont des citoyens sans solution », plaide un passant.
Depuis plusieurs années, la mairie centrale de Niamey et les arrondissements communaux multiplient les communiqués appelant les vendeurs à libérer volontairement les trottoirs et les espaces publics. Affichés sur les murs, diffusés à la radio, dans les journaux sur les chaînes de télévisions, ou relayés sur les réseaux sociaux, ces messages officiels sont pourtant rarement suivis d’effet. « On lit ces communiqués, mais rien ne change. Ce sont juste des menaces », lance sèchement un vendeur de portables au marché Katako. Pour beaucoup, ces annonces sont perçues comme une routine sans réelle conséquence, ce qui finit par décrédibiliser l’action municipale. Les vendeurs savent que les opérations sont rarement suivies, ou alors très ciblées. L’absence de constance fait que la rue leur appartient désormais plus qu’à la population. Il faut noter que cela est causé par le manque de moyens logistiques, l’absence d’alternatives concrètes pour reloger les commerçants déguerpis, et parfois par les interférences politiques.
Adamou I. Nazirou (Stagiaire)