Pratique qui consiste pour un homme d’avoir plusieurs épouses, la polygamie existe aussi bien au Niger que dans plusieurs sociétés africaines. En effet, il est illusoire de bien comprendre la polygamie sans évoquer le mariage qui est l’institution et le fondement de la famille. Il est l’union sacrée à travers laquelle la société reconnait que deux personnes de sexe opposé fondent un foyer, un couple, une famille. Pour les musulmans, la polygamie est une pratique tolérée par leur religion qu’est l’islam.
Pour le socio-anthropologue Sani Jandjouna, la légitimation de la polygamie dans les sociétés musulmanes part sans doute du postulat selon lequel les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans toutes les sociétés humaines. De ce point de vue, la polygamie est perçue comme une proposition, une alternative pour permettre aux autres femmes d’avoir une vie conjugale. Selon M. Sani Jandjouna, l’homme n’étant pas fondamentalement un simple animal. Il est un être qui réfléchit, qui a une religion, ce qui l’amène à configurer sa vie dans le sens où on a le profane et le sacré. Il y’a ce qui lui est permis et ce qui lui est interdit. Tous ces éléments le classent dans un registre social. Ainsi, la règlementation sociale a fait en sorte qu’on ne se marie pas avec n’importe qui. Donc à l’origine de la polygamie, c’est le mariage qui est accepté par la société et c’est selon des cas puisque dans certaines sociétés, c’est la polyandrie qui est pratiquée.
Le socio-anthropologue explique que cette conception de la vie existe dans nos traditions africaines bien avant même l’avènement de l’Islam. Mieux, les sociétés africaines sont reconnues comme étant à l’origine de la polygamie. Et ce n’est que plus tard que l’islam est venu encore conforter les gens dans leur position.
Sani Jandjouna relève que c’est le contrôle de la sexualité qui est à l’origine de la polygamie. «Il y’a ce principe lié à l’âge, c’est-à-dire quand un homme épouse une femme, même avec deux ans, trois ans de différence en termes d’âge, la femme va vieillir plus vite que l’homme. Cette vieillesse et la maternité qu’elle aura à connaitre peuvent l’amener à éprouver des désires sexuels de moins en moins que l’homme», soutient-il. Ainsi, poursuit-il «l’homme vieillit assez plus lentement que la femme, par conséquent, il va se trouver dans une situation où il a encore besoin de la femme. Ce qui va le pousser à prendre une autre femme, parce que la société lui interdit formellement d’aller entretenir des relations hors mariage surtout qu’il y a une certaine forme d’offre en termes de présence humaine dans la société». En effet, les statistiques démographiques actuelles relèvent qu’il y a actuellement plus de femmes que d’hommes dans nos sociétés.
Le plus souvent, l’homme dispose de suffisamment de moyens à vouloir prendre une autre épouse. En outre, «le fait d’avoir deux ou trois épouses est perçu comme un prestige social dans nos sociétés», fait remarquer le socio-anthropologue, soulignant que de par sa nature, l’homme est égoïste. «C’est cette essence de l’homme qui fait qu’il ne veut nullement partager quelque chose avec quelqu’un», explique-t-il. Toutefois, le socio-anthropologue, rappelle que le mariage est une recommandation et non une obligation. «Lorsque l’homme décide de se marier, celui-ci peut aller au-delà d’une seule femme à condition qu’il soit juste envers ses épouses. Il doit avoir la capacité de les prendre en charge en assurant pleinement les dépenses de souveraineté conjugale, il doit être en mesure d’assumer ses charges conjugales, sexuellement, mutuellement, et du point de vue alimentaire etc.,», affirme-t-il.
Malheureusement, on assiste de nos jours à des problèmes en termes de jalousie entre les co-épouses. A ce niveau, le socio-anthropologue pointe du doigt l’éducation. «Lorsqu’on éduque une fille à accepter la polygamie, ou si elle a grandi dans une famille polygame, elle est plus encline à accepter un mari polygame. Mais lorsqu’on doit éduquer la fille à ne pas accepter la polygamie, celle-ci a tendance à ne pas partager son homme avec une autre», explique le socio anthropologue.
Les avantages de la polygamie sont multiples. «Par exemple, lorsqu’un enfant est issu d’une famille polygame, celui-ci bénéficie selon Sani Jandjouna plus d’un apport éducationnel, d’un point de vue social parce qu’il a beaucoup de frères et sœurs pour parfaire sa capacité à affronter les difficultés de la vie et à comprendre la coopération sociale parce qu’on ne peut pas réussir seul», explique le socio anthropologue, qui estime aussi que la polygamie est une réponse qui convient a beaucoup de problèmes dans notre société. M. Sani d’ajouter qu’elle ‘’permet aux hommes de se respecter, cela voudrait dire de ne pas aller dans l’adultère et la fornication, pour se contenter exclusivement des préceptes de notre coutume et de notre religion’’.
La polygamie a certes quelques avantages avérés. Elle permet à titre illustratif, d’éviter bien des problèmes liés à l’infidélité tels que les enfants nés hors mariage, les maladies sexuellement transmissibles, etc. Cependant, lorsqu’elle tourne mal, cette pratique crée une situation cauchemardesque au sein des foyers et peut aller au drame.
Haoua Atta(Onep)