Jadis considérée comme incontournable, l’activité du tisserand, le tissage, peine aujourd’hui à retrouver sa place dans la société. Grace à son savoir-faire, le tisserand est l’homme qui habillait du chef jusqu’au simple subalterne. Avec le changement des habitudes vestimentaires, ce travail est délaissé progressivement. Aujourd’hui, rares sont les couples qui commandent de couvertures traditionnelles dites ‘’Téra-Téra’’ lors de leur mariage. La ‘’Sakala’’, une sorte de tissu servant de cache mur est abandonnée, surtout dans les villes. Les principales consommatrices qui sont les femmes se sont tournées vers le made in Doubaï au détriment de la production locale qui peine à résister à la folle concurrence des articles importés.
Aujourd’hui, la réalité est là, mais les étoffes produites par nos artisans ne sont guère utilisées. Les consommateurs ont une préférence pour ce qui vient d’ailleurs, plus moderne et plus à la mode. Les tissus fabriqués par les tisserands qui marquent notre trait culturel seront peut-être un jour, un simple souvenir. Ils ne sont utilisés pour décoration qu’à des endroits très symboliques comme à la Présidence de la République, l’Assemblée nationale, chez certains privilégiés ou d’autres gardiens de notre culture comme le Musée nationale où ils sont exposés au rarissime visiteurs. D’un autre côté, les ateliers sont désertés. Par manque d’engouement. Les artisans sont visiblement las et ont du mal à vivre de leur activité.
Dans ses explications, le directeur général du Musée National, Boubou Hama, M. Haladou Mamane a rappelé que le tissage fut une activité qui est au cœur de la vie quotidienne, c’est-à-dire observable lors de nos cérémonies de réjouissance, comme de compassion. Dans une démarche de perpétuation de cet héritage ou pour permettre aux autres d’apprécier les étoffes nigériennes, le Musée national a réservé une place aux tisserands. Aujourd’hui, après près 50 ans, la situation est pitoyable. Selon lui, cette régression s’explique par le fait que les femmes qui étaient les grandes consommatrices de nos étoffes ont aujourd’hui complètement abandonné l’utilisation de la production locale au profit de celle venant des autres pays. En plus, ce n’est plus le moment où chaque famille a son tisserand ; ce dernier est rare et le métier n’arrive plus à nourrir son homme qui peut passer plusieurs mois sur une seule étoffe. D’après le directeur général du Musée National, ils sont nombreux à se convertir à d’autres activités plus rentables. Malgré cette situation économique peu favorable, certain continuent qu’à même à exercer cette fonction dans notre pays.
Des mesures atténuantes
Dans une démarche de sauvegarde de cette marque ou de ce trait culturel, le Musée national a très tôt introduit l’insertion des tissus de tissage dans diverses productions comme au niveau des sacs à cuir, les portefeuilles, les chaussures, et même les habits. Selon M. Haladou Mamane, l’objectif est de revaloriser cette production afin de combler le manque de consommation. Toutefois, M. Haladou Mamane a fait remarquer que dans certains pays, la consommation de ces articles est rendue obligatoire. Un geste encourageant permettant aux producteurs de développer leur savoir-faire.
Une autre mesure non moins importante encouragé par le directeur général du Musée National est aussi le développement de partenariats entre les musées. Cela facilite le partage d’expériences et la mise à jour. C’est aussi une occasion de s’entre aider surtout dans le travail de collection et de conservation. Il a souligné la nécessité pour chacun de participer à cet effort de conservation et de revalorisation. «Aujourd’hui, ce qui inquiète le plus c’est que même les enfants des tisserands ne veulent pas se spécialiser dans le tissage et le peu de chose que nous disposons certaines usines les copient pour nous revendre les produits finis plus cher » dit-il.
Les défis
De nombreuses difficultés assaillent le secteur, parmi lesquelles on peut noter la situation économique catastrophique due au manque de clientèle. A cet effet, M. Abdoul-Wahid Goumar, l’un des tisserands travaillant au Musée national, a témoigné qu’à l’époque, il était connu de tous. Les parents lançaient plusieurs commandes afin de mieux se préparer pour les mariages de leurs enfants à travers des commandes pendant plusieurs années. Aujourd’hui, sur une centaine de mariage, il y aura moins de 5% qui pensent au tisserand. A cela s’ajoute les difficultés d’approvisionnement en files qui viennent généralement des pays voisins, Nigéria, Mali ou Burkina-Faso. La fermeture de l’ENITEX est aussi un autre facteur aggravant car celle-ci peut reprendre certains modèles pour les reproduire en quantité au lieu que les autres usines les copient pour nous les revendre plus chers. C’est pourquoi, il a sollicité la création par les bonnes volontés ou par l’Etat d’ateliers à même de permettre à l’artisan d’exécrer son travail dans les conditions optimales sans s’inquiéter des intempéries comme la pluie. En attendant une relance ou une disparition du secteur, les quelques rares artisans qui exercent ce métier continuent d’endurer le coup de la concurrence des vraies industries de textiles qui inondent aujourd’hui le monde avec leur production.
Mamane Abdoulaye(onep)