Au moment où les lampions de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine illuminent notre capitale, Niamey, l’occasion s’y prête pour jeter un regard historique sur le chemin de l’édification de l’unité africaine, une œuvre d’une grande dignité portée, d’abord par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), puis depuis 2002 par l’Union Africaine (UA).
Remontons d’abord à la source jusqu’aux racines profondes de la naissance de l’Organisation de l’Unité africaine. Après les indépendances, des dirigeants africains mus par le souci de sauver les meubles, après la balkanisation du continent en plusieurs Etats, ont décidé de resserrer les rangs des populations africaines en les mobilisant autour de l’idéal du panafricanisme. Pour conduire ce combat, il y avait déjà des noms, et des grandes figures !En plus des précurseurs de la diaspora de la trempe de Marcus Garvey, en Afrique même, on citera, entre autres, des grands pionniers comme Dr Kwame Nkrumah du Ghana, Jomo Kenyatta du Kenya et Nnamdi Azikwé du Nigeria. Incontestablement, Nkrumah demeure l’artisan du Panafricanisme. C’est lui qui organisa les 6ème et 7ème conférences panafricaines, en 1953 à Kumasi et en 1958 à Accra. Cette rencontre d’Accra constitue également la première conférence des Etats indépendants d’Afrique. En plus de revendiquer l’indépendance immédiate de l’Afrique, Kwame Nkrumah a saisi cette opportunité pour prôner la formation d’une identité supranationale : « les Etats-Unis d’Afrique qui permettrait, au continent de devenir l’une des plus grandes forces du monde ».
Au commencement, les pionniers du panafricanisme
Et c’est en toute logique qu’en mars 1963, il participera activement à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, qui est le fruit de l’aspiration vers l’idéal d’unité prôné par les Pères de l’indépendance. Cette aspiration trouvera la voie de son aboutissement lorsque, du 22 au 25 mai 1963, 30 pays africains participaient à Addis Abéba, la capitale éthiopienne, à la conférence constitutive de l’OUA qui marque l’avènement de la première organisation panafricaine. Une Charte en définit les objectifs, principes et institutions.
Comme le souligne un document de la Commission de l’UA, sous le titre « De l’OUA à l’UA », les objectifs principaux assignés à cette organisation panafricaine naissante sont clairs : l’éradication du colonialisme et la lutte contre la discrimination raciale. D’ailleurs ses premières résolutions portaient sur la lutte contre l’apartheid et celle des mouvements de libération. Dès sa création, l’OUA s’est fixée pour missions, entre autres, de « renforcer l’unité et la solidarité entre les Etats africains, de coordonner la coopération pour le développement, de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats membres et de favoriser la coopération internationale dans le cadre des Nations unies ».
De même, poursuit la même source, à travers son Comité de coordination pour la libération de l’Afrique, l’OUA soutient l’émancipation des territoires africains non encore indépendants. L’objectif est atteint en 1990 avec l’accession à l’indépendance de la Namibie. Et quelques années d’après, l’Afrique voit également le couronnement de son combat contre l’apartheid avec la libération de Nelson Mandela, suivie de son élection au poste de Président de l’Afrique du Sud. C’est dans ce contexte que, trente ans après la création de l’OUA, l’Afrique du Sud en devient le 53ème membre lors du sommet de Tunis, en juin 1994.
Un autre point inscrit au titre des priorités de l’OUA depuis sa création, c’était le règlement pacifique des conflits interafricains. A cet effet, une Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage est mise en place. Cependant, les moyens mis à la disposition de cette commission étant limités, l’Organisation est amenée à faire parfois recours à des Conseils de Sages ou comités ad-hoc pour tenter de trouver des solutions aux différends.
Au Sommet du Caire de juin 1993, l’OUA entérine la création d’un mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits africains dont l’organe principal est composé des chefs d’Etats des pays membres du bureau en exercice de la conférence. Auparavant, une Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est adoptée au sommet de 1981, à Nairobi, et conduit à la création en 1986 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
Parallèlement, poursuit le document de l’UA, l’organisation s’implique dans les questions liées au développement et à la coopération économique. « Le Plan d’action de Lagos adopté au sommet d’avril 1980 doit donner un coup de fouet au développement économique et à l’intégration des économies africaines en recommandant notamment les regroupements régionaux et l’autosuffisance alimentaire. En juin 1991, il est remplacé par le Traité d’Abuja instituant la Communauté économique africaine. Ce traité prévoit notamment la création, dans un délai de 30 ans, d’un marché commun africain, un parlement, une banque centrale, un fonds monétaire africains », note le document de la Commission de l’UA.
Sur le plan du processus d’intégration africaine, il est souligné que, malgré des capacités d’action limitées et de faibles moyens financiers, l’intense travail diplomatique accompli par l’OUA a permis de conférer une réalité tangible à l’Afrique unie. « L’organisation continentale a fourni un forum à ses Etats membres pour adopter des positions coordonnées sur des questions communes dans les instances internationales et défendre les intérêts du continent. Ses initiatives ouvriront la voie à la naissance de l’Union africaine. En juillet 1999, lors du sommet extraordinaire de Syrte, l’OUA décide d’établir une nouvelle organisation appelée à la remplacer », précise-t-on. C’est ainsi que, depuis son lancement officiel au Sommet de Durban en 2002, l’UA sera le fer de lance chargé d’accélérer et approfondir le processus d’intégration économique et politique sur le continent. Son Acte constitutif prévoit des organes et institutions inspirés notamment du modèle de l’Union européenne.
Aller plus vite sur le chemin de l’unité
«Bâtir une Afrique intégrée, prospère et en paix, dirigée par ses citoyens et constituant une force dynamique sur la scène mondiale», telle est la vision de l’UA. Comme l’explique le document de l’UA, « il s’agit d’aller plus vite sur le chemin de l’unité ». Il s’agit aussi d’un changement de perspective avec la définition de politiques communes dans des domaines prioritaires: défense, paix et sécurité continentale, intégration des économies africaines, libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, sécurité alimentaire, lutte contre la pauvreté, développement, commerce, environnement, lutte contre les pandémies, etc.
Le règlement pacifique des conflits se retrouve en particulier au centre des préoccupations. En 2004, un Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) est créé. Cette nouvelle institution clé peut, sur autorisation de la conférence des chefs d’Etat, ordonner des interventions militaires dans des circonstances graves (crimes de guerre, génocide, crimes contre l’humanité). C’est le principe de « non-indifférence » qui rompt avec le principe de non-ingérence sans exceptions inscrit dans la charte de l’OUA.En 2007, le Partenariat stratégique entre l’Union africaine et l’Union européenne est lancé.
Cap sur la mise en œuvre de la ZLECAF
Aujourd’hui, soit plus de cinq décennies après la création de l’OUA et 10 ans après celle de l’UA, l’Afrique s’est inscrite dans une dynamique de progrès. En même temps, elle est consciente des défis qui se posent à elle et de l’impératif de donner un nouvel élan à sa mission à travers le panafricanisme et la Renaissance africaine. Il s’agit de libérer les potentialités et mobiliser les énergies qui permettront, à travers des initiatives comme le Programme Afrique 2063, de faire du continent, dans les décennies qui viennent, un pôle d’émergence mondial. Un pari que l’Afrique s’efforce de se donner les moyens appropriés, notamment avec le lancement officiel, ici même à Niamey, de la phase opérationnelle de laZone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF), sous le leadership du Président Issoufou Mahamadou, désigné comme Champion pour conduire le processus.
Car, une fois mise en œuvre, la ZLECAF, qui vise essentiellement l’élimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce intra-africain ouvrira les portes à un marché continental unique et intégré de plus de 1,2 milliard de personnes et un produit intérieur brut supérieur à 2.500 milliards de dollars américains. Vivement l’opérationnalisation de la ZLECAF !
Par Assane Soumana(onep)