La Ministre du plan, Mme Kané Aichatou Boulama , a représenté hier le Premier Ministre M. Brigi Rafini à la visioconférence de haut niveau du groupe d’amis pour l’élimination des violences à l’égard des femmes et des filles. Les échanges se sont déroulés en présence de plusieurs membres du gouvernement et de la cheffe de la Délégation de l’Union Européenne au Niger. La Présidente de la République d’Estonie, un pays d’Europe du Nord très avancé dans la lutte contre la cybercriminalité contre les femmes et les filles, a aussi participé aux échanges autour du thème « COVID-19 et violences à l’égard des femmes et des filles : qu’est-ce que la communauté internationale a fait pour s’y attaquer ».
Après la lecture du message de M. Brigi Rafini destiné aux panelistes, la Ministre du plan fait des interventions pendant les débats. Interventions au cours desquelles elle a souligné que les violences basées sur le genre peuvent prendre plusieurs formes qui compliquent davantage la lutte. Pour elle, l’engagement des participants doit être ferme en vue de déclencher une synergie d’action à même de promouvoir efficacement la lutte contre le fléau des violences à l’égard des femmes et des filles.
Abondant dans le même sens que le Premier Ministre qui préconise de protéger l’accès à l’éducation, surtout pour les filles, pour accélérer la lutte, Mme Kané Aichatou Boulama demande d’aider les victimes à rompre le silence face aux crimes dont elles sont victimes. « Il faudrait dans le travail que nous allons faire ensemble, qu’on puisse enlever aux victimes de violence basée sur le genre, la muselière et il faut qu’elles-mêmes puissent enlever cette muselière », a-t-elle indiqué.
(Lire ci-dessous le message du Premier Ministre)
Souleymane Yahaya(onep)
«Les violences contre les femmes et les filles sont, quelles que soient les circonstances et leurs motivations, une tragédie ; elles sont tout simplement inacceptables», déclare M. Brigi Rafini
Madame la Présidente,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs,
La pandémie de la COVID 1 9 a été une crise majeure à l’échelle mondiale. C’est une crise qui a été particulièrement dévastatrice pour les femmes et les filles.
Ses conséquences portent malheureusement un visage féminin: ONU Femmes y a enregistré un accroissement croissant de toutes sortes de violences à l’égard des femmes et des filles.
Avec la fermeture des écoles, plusieurs milliers de filles risquent de ne jamais reprendre leurs études. Cette question est d’autant plus préoccupante dans les zones de conflit et d’insécurité où les filles ont moins de chance de retourner à l’école, ce qui les rend plus vulnérables aux mariages forcés et aux mariages précoces.
Il est, de ce fait, essentiel de travailler de manière intersectorielle afin de prendre en compte, dans nos interventions et politiques publiques, la manière dont ces crises multiples exacerbent les vulnérabilités.
Assurer un accès à l’éducation de qualité, notamment aux filles, demeure une de nos priorités comme en témoigne notre engagement sur la question au Conseil de sécurité où, sous la Présidence du Niger, une Déclaration Présidentielle sur les attaques contre les écoles fut adoptée.
Nous nous réjouissons du renforcement des programmes pour l’accès à l’éducation dans le Sahel Central, notamment avec le financement du consortium « Éducation sans délai» pour soutenir les enfants réfugiés ou déplacés internes dans mon pays.
Nous devons protéger l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles : c’est, en effet, un moyen sûr de pallier les causes profondes des violences basées sur le genre, parmi lesquelles la discrimination sexiste et le manque d’opportunités économiques. C’est pourquoi, au Niger, nous avons pris des dispositions pour maintenir les filles le plus longtemps à l’école.
L’accès à l’éducation peut contribuer à combattre de façon durable la pauvreté, à remédier aux inégalités entre les sexes, à donner tout simplement leur dignité aux femmes et aux filles, et à leur permettre de libérer tout leur potentiel et tout leur génie.
Mesdames et Messieurs,
La pandémie de la COVID 19 a eu pour conséquences : la baisse des recettes fiscales, l’accroissement du déficit budgétaire, la perturbation des services sociaux, la montée du chômage et de la pauvreté.
Le secteur informel, composé majoritairement de femmes et de Jeunes, a énormément souffert avec comme conséquence la réduction de leurs revenus.
Les politiques et programmes post-COVID 19 doivent s’appesantir sur comment assurer une protection sociale accrue au secteur informel. Ceci permettra de protéger les femmes
africaines de la précarité économique à laquelle les exposent les chocs multiples.
Dans les pays fragiles, touchés par l’incidence multiple des changements climatiques et des crises sécuritaires, il est essentiel de renforcer le filet social d’autant plus que pour la première fois en vingt ans, la Banque Mondiale prévoit, cette année, une augmentation du nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté à l’échelle mondiale.
Rappelons que, malgré les difficultés auxquelles fait face le Niger, le taux d’incidence de la pauvreté a été réduit de 480/0 à 40% et les indicateurs en termes de développement humain pour la mortalité maternelle se sont fortement améliorés.
On ne le dira jamais assez: toute avancée dans l’éradication de la pauvreté est une victoire collective mais encore plus pour les femmes car au Niger, la pauvreté a un visage à la fois rural et féminin.
Mesdames et Messieurs,
Les violences contre les femmes et les filles sont, quelles que soient les circonstances et leurs motivations, une tragédie. Elles sont tout simplement inacceptables. Pourtant, nous disposons des moyens pour arrêter cette tragédie qui porte gravement atteinte à la dignité de la femme.
Ces violences constituent également un frein à la .réalisation des objectifs de paix, de développement durable et de promotion des droits humains.
C’est pourquoi, mon pays a pris des mesures législatives, juridiques, institutionnelles et administratives pour y remédier. Ainsi, le Niger a adopté l’ordonnance relative à la lutte contre la Traite des personnes et en particulier celle des femmes et des enfants, de même qu’une Politique et une Stratégie Nationale de Prévention et de Réponse aux violences basées sur le genre.
C’est là une étape décisive dans la mise en œuvre du plan d’action national sur la résolution 1325 et l’agenda « Femmes, Paix et Sécurité »,
L’initiative Spotlight, conjointement avec l’Union Européenne, vient renforcer les mesures juridiques et institutionnelles ainsi que la mise en œuvre de programmes multisectoriels sur la question.
Nous sommes conscients de la nécessité d’une pise en charge holistique des survivantes des violences basées sur le genre dans les zones les plus touchées par la crise sécuritaire. A cet effet, nous avons créé des centres dans les régions de Diffa et de Tillabéry.
Les personnes en situation de déplacement forcé, qui sont en majorité des femmes et des enfants, ont souvent moins de possibilités d’accès aux services de base. Ce qui les expose à différentes formes de violences basées sur le genre.
Des Centres de Prévention, de Promotion et de Protection de l’Enfant ont été créés. Ces Centres mènent des activités préventives notamment la communication pour un changement
de comportement, et assurent la prise en charge des victimes.
Dans le même esprit, nous sommes entrain de procéder à la mise en œuvre du plan d’action de la Stratégie Nationale de l’Autonomisation Économique de la Femme et du Plan national stratégique, condition essentielle pour mettre fin aux mariages des enfants.
Mesdames et Messieurs,
La reconstruction post-COVID 19, pour être durable, doit être axée sur les plus vulnérables dont les filles et les femmes, avec des actions de proximité dans le cadre des programmes
nationaux.
Cette pandémie a démontré la nécessité de mobiliser divers acteurs dans la recherche de solutions mais aussi, dans la mise en œuvre des programmes, notamment les acteurs de la société civile, les organisations féminines, les chefs traditionnels et leaders religieux, dont je salue la contribution.
Le Niger reconnait le rôle crucial joué par les femmes, notamment au niveau local dans la prévention mais aussi dans la réponse rapide.
La mise en œuvre de la politique du genre et la loi sur les quotas ont permis la nomination de femmes à des postes décisionnels importants, et cela a eu un impact positif sur la mise en œuvre des programmes de développement.
Bientôt, le Niger mettra en place un groupe d’amis des femmes du Sahel qui sera un cadre de réflexion et d’action afin d’optimiser la contribution des Sahéliennes aux politiques nationales, régionales et globales de développement.
Mesdames et Messieurs,
Mon pays, le Niger, réitère son engagement à combattre les violences basées sur le genre, sous toutes leurs formes, à travers l’amélioration des opportunités pour les femmes.
Dans l’annonce du Prix Mo Ibrahim pour l’excellence que j’ai eu l’honneur de recevoir, il y a seulement quelques jours, le comité de sélection a pris en compte, entre autres, le fait que le Niger figure parmi les dix pays africains qui ont le plus progressé, en matière de renforcement des opportunités socio-économiques pour les femmes.
Le Sahel, région déjà exposée aux graves effets du changement climatique et du fléau du terrorisme, enregistre aussi les conséquences désastreuses de la pandémie de COVID 19.
C’est une situation inacceptable, que seuls notre sursaut collectif et notre engagement solidaire permettront de corriger.
En particulier, concernant la lutte contre la COVID 19, le vaccin doit être vu comme un bien public mondial c’est-à-dire non soumis aux lois du marché. Aujourd’hui est le temps de l’action, une action porteuse qui permettra de protéger les femmes et les filles et mettre fin aux violences basées sur le genre.
Je vous remercie.