Le Médiateur de la République a effectué, du 17 au 20 novembre dernier, une visite de travail dans la région de Diffa. Me Ali Sirfi Maiga, a mené, au cours de son séjour dans la capitale du Manga, plusieurs activités notamment l’installation officielle de son délégué régional et la tenue des sessions de dialogue communautaire sur les violences faites aux enfants.
Arrivé mercredi dernier à Diffa, où il a été accueilli à sa descente d’avion par le Gouverneur de la région, M. Issa lamine, en compagnie du Ministre des Industries en mission d’évaluation de la campagne agro sylvo pastorale dans la région, le Médiateur de la République, Me Ali Sirfi Maiga, s’est rendu directement au centre des œuvres universitaires de Diffa. Le Médiateur de la République est allé s’enquérir des conditions d’études et d’hébergement des étudiants de l’Université de Diffa où il a été reçu par le Recteur, Pr Ali Mahamane entouré de ses principaux collaborateurs. Créé par la loi n° 2014-40 du 19 aout 2014, l’Université de Diffa a pour thématique de base Ecologie et Environnement et est composée d’une faculté des sciences agronomiques (FSA), d’un institut supérieur en environnement et écologie (IS2E), et d’un centre des œuvres universitaires.
L’effectif des étudiants est passé d’une centaine à sa création à 850 à la rentrée académique 2019-2020. Les étudiants sont encadrés par 33 agents dont 18 enseignants, ce qui fait que l’Université fait souvent recours à des vacataires selon le Pr Ali Mahamane dans sa présentation. Le Recteur a indiqué que malgré l’insuffisance en ressources humaines, l’Université de Diffa a formé à cette date, 41 étudiants en Master et 42 en licences qui ont tous trouvé du travail avec les ONG humanitaires. Le Professeur Ali Mahamane a aussi indiqué que dans le cadre de la recherche de la paix dans cette région souvent sous menaces d’attaques de terroristes de la secte de Boko Harem, l’Université de Diffa a contribué à travers l’organisation de plusieurs réflexions de haut niveau, notamment un colloque international sur la culture de la paix dans le Bassin du Lac Tchad, un symposium international sur la sécurité dans le Bassin du Lac Tchad, un symposium international sur la déradicalisation des jeunes et la réinsertion des repentis de Boko Haram et un forum international sur la gestion des ressources naturelles.
Le Médiateur de la République a ensuite écouté le Secrétaire général de l’Association des Etudiants de l’Université de Diffa qui l’a remercié d’avoir fait le déplacement pour venir s’enquérir de leur bien-être. Une visite guidée a permis au Médiateur de la République d’apprécier les dortoirs, le réfectoire et le magasin de stock de vivres. Satisfait de cette visite qui a pris fin avec des échanges de documents de travail entre les deux institutions, le Médiateur de la République, s’est rendu à l’hôtel de ville où il a procédé à l’installation officielle du délégué régional du Médiateur de la République au titre de la région de Diffa. C’est ainsi que monsieur Gambo Douna, ancien cadre de l’information a été officiellement investi dans sa mission de délégué régional en présence du Gouverneur de la Région, des autorités administratives, coutumières et religieuses, des représentants des partenaires au développement intervenant dans la région et de plusieurs membres de sa famille.
Dans son discours d’installation officielle de son représentant dans la région de Diffa, le Médiateur de la République a indiqué que l’installation du Délégué Régional marque le début d’une véritable déconcentration de l’institution. Il s’agit de rapprocher cette importante institution des populations qu’elle est censée défendre et servir. Ainsi les populations de la région de Diffa n’auront plus besoin de faire le déplacement jusqu’à Niamey pour exprimer leurs reproches, leurs préoccupations et leurs requêtes. L’actualité marquée par les nombreuses crises que connait le pays en général et la Région de Diffa en particulier montre clairement l’importance de l’installation d’un Délégué régional du Médiateur à Diffa pour prévenir, conseiller, gérer au plus près des populations, les conflits potentiels ou ouverts afin de préserver la paix, la cohésion sociale, le vivre ensemble qui sont les facteurs sine qua non de tout développement socioéconomique.
« M. le Gouverneur, autorités administratives, élus locaux, chefs traditionnels, chef religieux, ONG, vous bénéficiez désormais d’un nouvel acteur institutionnel de règlement des conflits à Diffa », a déclaré Ainsi, a poursuivi Me Ali Sirfi. Ce nouvel acteur appelé Délégué Régional est le Sieur Gambo Douna, qui n’est plus à présenter étant un fils du terroir et un homme de terrain. Cadre de l’information ayant longuement servi, il a, de par son parcours professionnel, une aptitude à l’écoute, au dialogue et surtout doté d’une grande humilité et modestie, valeurs cardinales pour un Médiateur. Le délégué régional, faut-il le rappeler, représente le Médiateur au niveau régional. Ainsi, il accomplit toutes les tâches qui incombent au Médiateur au niveau central à savoir la recevabilité des plaintes, leur traitement et les conseils appropriés aux parties en conflit.
La dernière activité menée par le Médiateur de la République dans la capitale du Manga est la croisade contre le mariage des enfants et la nécessité du maintien de la jeune fille à l’école. Me Ali Sirfi Maiga est allé solliciter l’implication des leaders d’opinions de cette région, (qui présente hélas le plus fort taux de mariage précoce au Niger soit plus de 89%) dans la lutte contre le phénomène et l’application stricte du décret portant le maintien de la jeune fille à l’école jusqu’à sa maturité.
C’est ainsi que le Médiateur de la République, Me Ali Sirfi Maiga, a procédé mardi 19 novembre dernier, au centre culturel Chétima Ganga, au lancement officiel des sessions de dialogue communautaire au titre de la région de Diffa contre le mariage précoce et le maintien de la jeune fille à l’école. L’objectif visé est d’amener les leaders d’opinions à évaluer les risques dans le cadre des mariages des enfants afin de bien mener la médiation dans l’internet des personnes victimes de ce fléau. La stratégie adoptée est de mener des échanges avec les leaders d’opinions sur l’existence du phénomène du mariage précoce des enfants, son ampleur, les causes, les conséquences, les solutions locales pour y remédier et l’engagement des autorités régionales.
Dans son discours d’ouverture de la session, Me Ali Sirfi a indiqué que c’est avec un plaisir immense que l’institution du Médiateur de la République qui, de par la loi, est l’institution chargée de la protection des droits de l’enfant et des personnes vulnérables, associée à d’autres structures, notamment le Ministère de la Promotion de la Femme et la protection de l’Enfant, et certains partenaires comme PLAN INTERNATIONAL NIGER, sont déterminés à accompagner les efforts du Gouvernent pour éradiquer le phénomène du mariage précoce à travers une croisade qu’ils mènent depuis deux années déjà.
Pour le Médiateur de la République, le mariage est une bénédiction bénéficiant de la protection divine d’inspiration religieuse. Il est encadré par le pouvoir temporel qui se doit de consacrer textuellement sa sacralité. Et si le mariage est sacré, les formes et modalités de son accomplissement doivent aussi correspondre à cette sacralité. Pourquoi une telle affirmation ? Selon Me Sirfi, Le mariage est une union légitime entre l’homme et la femme et non entre l’homme et la fillette. D’ailleurs, sur le plan religieux, il est exigé des conditions de fond et de forme, dont le consentement, mais aussi des indications comme l’aptitude physique, le discernement, et la maturité. Pourquoi le mariage de la jeune fille avant une certaine maturité est cauchemardesque pour l’Etat ?
« La réponse est qu’il y’a des statistiques qui parlent et des conséquences qui doivent nous interpeller », a poursuivi Me Sirfi. En effet, selon une étude de l’UNICEF datant de 2016, 75% de filles sont mariées avant leurs dix-huitième année, 28% d’entre elles sont même devenues épouses avant l’âge de 16 ans. Les taux les plus élevés sont observés dans la bande sud du pays, notamment à Diffa (89%), à Zinder (88%), à Maradi (87%), contre une moyenne sous régionale de l’Afrique subsaharienne qui est de 37%. Les causes de cette pratique sont multiples. « Nous avons entre autres, les normes sociales qui confinent la femme dans un rôle d’épouse et de mère dépendante d’un époux chef de famille, le phénomène de la déscolarisation qui résulte lui-même de l’insuffisance et la mauvaise qualité des services éducatifs, l’ineffectivité de la législation nationale en ce qui concerne la protection de l’enfance ce qui favorise la permanence de certaines croyances qui en principe doivent être révolues… », a précisé Me Sirfi.
Autant les causes sont multiples, autant les conséquences sont innombrables, a expliqué le Médiateur de la République. D’abord, sur le plan éducatif, le mariage précoce est une source de déscolarisation précoce qui prive la société d’un mérite celui d’avoir une femme instruite, éduquée, formée et diplômée mais surtout une femme apte à contribuer intellectuellement et professionnellement au développement du pays. Du point de vue de la santé, le mariage précoce peut, sans aucun doute, mettre à mal la santé de la reproduction. Le phénomène peut aussi entrainer d’autres conséquences désastreuses sur le plan économique, social et culturel. En somme, a conclu le Médiateur de la République, le mariage des enfants bafoue les textes de la République, mais aussi les instruments juridiques régionaux et internationaux de protection et de promotion des droits humains souscrits par notre pays. Le mariage des enfants est une atteinte flagrante du droit de l’enfant, qui doit donc être protégé contre les abus en tous genres.
Un film illustratif sur le mariage des enfants et la déscolarisation de la jeune fille fut projeté afin d’édifier l’assistance sur le phénomène avant d’ouvrir le débat qui a permis aux uns et aux autres de se prononcer et d’apporter des solutions pour mettre fin à cette mauvaise pratique. A noter qu’avant l’étape de Diffa, une équipe des collaborateurs du Médiateur de la République s’est rendue à Mainé Soroa où elle a animé une session similaire.
Amadou Alain Davies, CT/MR