Plante aux vertus multiples et dont toutes les parties, des racines aux fleurs sont utilisées, le moringa est de nos jours, une nouvelle ressource pour beaucoup de personnes. Parmi elles, Rabi Mamane, présidente des productrices de moringa à Djirataoua (région de Maradi). Du fin fond de son Djirataoua natal, cette dame d’une quarantaine d’années produit, transforme et vend le moringa appelé zogala dans la zone. C’est son activité principale et favorite. Du lever au coucher du soleil, Rabi Mamane est sur le périmètre de Djirataoua pour superviser ses activités autour du moringa. Cet arbre qu’elle aime et qu’elle appelle affectueusement ‘’Gindin-baba-maï-albarka’’. Baba, c’est cet arbre très recherché, très rentable dans le temps.
Tout ce que Rabi aime, c’est parler de zogala. Nantie de 17 ans d’expérience dans la pratique de cette activité, elle peut parler de zogala en longueur de journée. Elle est toujours prête et disponible pour parler du moringa. A l’arrivée de l’équipe de l’ONEP sur le périmètre de Djirataoua, Rabi qui séchait du moringa précuit sur de vastes terrasses conçues à cet effet, s’est beaucoup réjouie de la visite. Recouverte d’un voile qu’elle tente difficilement de maintenir sur la tête, Rabi en vraie croyante, commence par une invocation en faveur de l’équipe avant de demander encore à Allah (SWT) de lui (Rabi) donner les bienfaits et une entière satisfaction dans son activité.
Après l’invocation, il était devenu pratiquement difficile de l’arrêter dans son récit sur le moringa qui la passionne beaucoup. Cette activité dit-elle « c’est avec l’aide d’Allah que nous la pratiquons et c’est lui que nous avons mis devant pour sa réussite. Nous produisons, nous commercialisons et nous faisons aussi l’élevage ». Puis, elle s’arrête à des moments pour invoquer en faveur de tous les projets qui aident les producteurs au Niger. La production du Zogala renferme beaucoup d’avantages selon Rabi convaincue qu’il n’y a pas de commerce sans risques. «Un bon commerçant est censé le savoir» dit-elle avant de clamer haut et fort :« Alhamdoulilahi, Zogala aichi né, itché né, Gundnn baba né maï albarka, itché né maï albarka ». Littéralement traduit, zogala est un arbre, un vrai arbre qui donne beaucoup de profits. « Vraiment dans la production de zogala, nous avons tiré beaucoup de profits », lâche-t-elle. Et elle poursuit :
« Grâce au Zogala, nous sommes parvenues à satisfaire beaucoup de nos besoins. Et c’est dans les revenus que nous nourrissons nos enfants, nous payons leurs frais de scolarité, nous achetons les tenues scolaires, bref, nous faisons face à toutes leurs charges pour leur permettre d’étudier. Quand mon enfant a échoué deux fois au BEPC, j’ai décidé de l’aider à poursuivre ses études. Alors, je versais chaque année, 85.000 FCFA dans une école privée à Maradi pendant quatre années consécutives pour lui permettre d’avoir ce diplôme. Je lui ai acheté une moto à 200.000FCFA. Et tous les matins, je lui donne 1000FCFA quand il va à son école à Maradi. Au bout de la quatrième année, il a encore échoué. Vous savez tout appartient à Allah. Je lui ai fait un transfert dans une école de Djirataoua où, j’ai versé 65.000 FCFA. Grâce à Allah qui m’a aidé, il a pu obtenir cette année-là le BEPC. Et tout cet argent, c’est dans la production et la vente du Zogala que j’ai pu l’obtenir. J’ai mené toutes sortes d’activité dans ce domaine et le commerce d’une manière générale. En fait, je sais tout faire sauf voler », affirme Rabi en éclatant de rires.
Si l’écoulement des produits maraichers pose des difficultés à des endroits à certains producteurs, ce n’est pas le cas chez Rabi de Djirataoua. C’est en effet sur place sur le périmètre que les clients viennent acheter son moringa. «J’envoie aussi une importante quantité destinée à la vente à Niamey, à Zinder, à Diffa, à Agadez et à Arlit ». Sur le périmètre, on se croit à la bourse de New York. A chaque instant, le smartphone de Rabi dont la couleur délavée en dit long sur le nombre d’années d’usage, sonne: un client s’assure qu’il y a du moringa, passe une commande et supplie Rabi pour garder la quantité demandée. A peine, il raccroche, un autre entre en ligne. Notre entretien avec Rabi a été interrompu au moins trois fois du fait des appels pour commande. « Nos clients sont des simples consommateurs et surtoutdes commerçants de Maradi et Niamey» dit-elle.
Le sac de zogala précuit se vend à 28.000FCFA. Le Zogala cru est vendu à 6.500FCFA le sac. «Nous faisons aussi la farine de Zogala. A l’occasion des foires par exemple, je peux amener 100Kg à Niamey et parvenir à tout vendre. Cette farine est conditionnée dans des sachets vendus à 1000, 2000 et 5000FCFA», affirme Rabi.
La vente du moringa s’effectue dans une organisation parfaite à Djirataoua.« Nous avons 3 groupements composés de 100 membres. Je suis la présidente et les 3 groupements se sont organisés pour former aujourd’hui l’union Marhaba. Dans chaque groupement, il y a 33 femmes. Les trois groupements sont : Anfani Zogala, Djin dadin Zogala et Alhéri Sabo. Chaque groupement a son agrément, sa caisse et tout ce qu’il faut. L’importance du groupement est l’entente et la persévérance. Si un groupement n’évolue pas c’est un problème. Nous travaillons en symbiose dans la compréhension totale »,précise Rabi Mamane.
«Les ennemis du moringa et de Rabi»
Si, sur le plan commercial, tout marche comme sur des roulettes, Rabi et les membres des différents groupements ont, une grande préoccupation. Le moringa sur lequel repose tout leur espoir est souvent attaqué par des insectes et autres ennemis des cultures.« Il y a une maladie qui nous préoccupe beaucoup, seul Allah connait son médicament. Les techniciens ont fait des recherches sur ça…mais rien. Cette maladie n’arrive que pendant la saison des pluies. Et en un rien de temps, ça dévore toutes les feuilles de Zogala, en les rougissant et en les desséchant avant de les faire tomber », affirme Rabi. Pire, ajoute –t-elle, « il y a un autre insecte qui nous pique dès qu’on se rend sur le périmètre le matin au lever du soleil. Cet insecte est trop nuisible en ce sens qu’il attaque à deux niveaux : il nous pique et se rabat ensuite sur les feuilles de Zogala pour les détruire. Le danger est que tu te fais piquer par un insecte et tu ne sais même pas quelle maladie cela va t’engendrer», se lamente Rabi qui demande aux différents services de l’agriculture de faire des recherches pour savoir de quoi il s’agit et de les aider dans ce sens.« Certes, ils nous aident beaucoup, mais nous demandons encore un peu plus », affirme la présidente des productrices de moringa à Djirataoua. Rabi a par exemple bénéficié de plusieurs formations, au Niger et au Canada. Ce qui lui permet de repérer, de reconnaitre et d’analyser à l’œil nu tout insecte qui s’abat sur ses feuilles de Zogala qu’elle surveille minutieusement. Avec des détails, elle te cite les différents insectes et leur particularité, leur couleur et même leur degré de nuisibilité sur le Zogala qu’elle apprécie tant du fait des profits qu’elle en tire. Cette plante « Alhamdoulilahi, nous remercions Allah Soubahanahouwataala qui nous a apporté cette plante »,dit Rabi qui revient encore sur les avantages de la culture du moringa.« Cette année par exemple, tout le monde sait que suite à la campagne agricole précédente, le mil n’a pas parfaitement donné, nous, nous ne savons pas faire l’exode, nous sommes là et avec le moringa qu’Allah nous a donné, Alhamdoulilahi. Au lieu de faire l’exode, d’aller chez d’autres personnes, ce sont elles qui viennent vers nous. Nous mangeons, nous buvons et nous faisons face à toutes nos dépenses dans les activités du moringa, nous payons même la redevance dedans. Grâce à cette activité, j’ai acheté des champs de cultures, j’ai acheté des vaches pour faire l’élevage, j’ai marié trois enfants Alhamdoulilahi, je remercie Allah», ajoute Rabi Mamane.
Celles qui n’ont pas pensé à ce genre d’activités, doivent songer à le faire selon Rabi. « On parle beaucoup des hommes certes, mais, sur ce périmètre, nous, nous avons dépassé les hommes. Ils sont là-bas en train de jouer aux cartes et nous, nous sommes sur le périmètre pour travailler et amasser de l’argent», dit-elle en riant.
L’autre préoccupation de Rabi et des autres membres de son union, c’est la redevance. « Au cours des années précédentes, nous payons au titre de la redevance 10.000F pour 3 ha ; mais cette année, sur les 12 ha, j’ai payé 101.000FCFA. Et pour les 6 ha, j’ai payé 50.500FCFA. Vraiment cette année, par rapport au prix de l’eau, il faut aller très doucement, c’est chère », affirme Rabi qui n’entend pas baisser les bras. Elle est même entrain de diversifier sa production en s’adonnant à la culture des épices et des légumes. Dynamisme quand tu nous tiens…
Par Fatouma Idé, Envoyée Spéciale(onep)