Le département d’Abala, faisant frontière au Nord avec le Mali, couvre une superficie d’environ 115 000 km2 et compte une population estimée à 187 000 habitants. Sur le plan administratif, il compte 155 villages répartis dans 2 communes : Abala et Sanam. Depuis longtemps, cette zone connait une situation d’insécurité très difficile, caractérisée par un banditisme résiduel à travers des vols à main armée et des braquages. La situation sécuritaire s’est dégradée depuis les années 2012 à cause de la situation libyenne et malienne ayant favorisé la naissance de plusieurs groupes armés. Dans cet entretien, le Préfet d’Abala M. Assoumane Alassan présente la situation actuelle.
Monsieur le Préfet comment se présente la situation sécuritaire dans le Département d’Abala ?
Vraiment avant mon arrivée la situation était tellement critique au niveau d’Abala, c’est à dire que, la situation sécuritaire était très préoccupante. Pour preuve, il ne se passe une semaine sans qu’il y’ait deux ou trois braquages souvent avec mort d’homme. Donc la situation était très préoccupante. Les membres de nos communautés d’eleveurs ne peuvaient même plus aller vers le Mali en transhumance où sur les marchés des zones frontalières. C’est devenu presque des conflits intercommunautaires des deux parties de la frontière qui a impacté sur la circulation des biens et des personnes de part et d’autre de la frontière.
Mais, aujourd’hui, grâce à Dieu et à l’implication des autorités de la 7ème République les communautés en conflit se sont reconciliés surtout sur les instructions du Ministre de l’intérieur, nous avons pu regrouper toutes les communautés le 10 janvier 2019. Il y’a eu des échanges directes entre elles. Cette rencontre a permis d’échanger très largement de fond en comble sur tous les aspects liés à la sécurité dans la zone.
La rencontre a, aussi, permis à toutes les communautés de s’entendre. Elles sont parvenues à un accord minimal qui a favorisé la libre circulation des personnes et des biens sur l’un ou l’autre accès des deux frontières (malienne et nigérienne).
A partir de cet instant-là, nos commerçants vont librement au Mali, où ils vendent leurs produits. Ceux du Mali fréquentent les différents marchés d’Abala pour vendre leurs produits. En un mot, l’accord a permis de reprendre les échanges commerciaux dans la zone.
Par exemple, lorsque la frontière a été bloquée en l’espace de deux semaines le carton de pâte alimentaire qui était de 3 500 Fcfa est monté à 12 000 Fcfa. Mais dès qu’on est arrivé à cet accord-là, le commerce a repris, et les coûts de ces produits sont revenus à la baisse, donc à leurs prix initiaux. Pour vous dire que grâce à cet accord, aujourd’hui les communautés en conflit se fréquentent et ont retrouvé des relations normales.
Monsieur le Préfet, le vol de bétail était l’une des principales causes de ces conflits intercommunautaires. Qu’en est-il de cette question dans l’accord trouvé à l’occasion de ce forum?
Par rapport à cette question nous avons réussi à obtenir le principe suivant lequel tous les animaux volés seront restitués à leurs légitimes propriétaires. Nous sommes en train de suivre le respect de cet accord minimal. Aujourd’hui, nous avons des éleveurs peuls qui ont retrouvé leurs animaux. Tous ceux qui ont pris des animaux sont en train de les restituer petit à petit.
Mieux, si nous sommes informés de la présence, sur notre territoire, de voleurs qui ont pris des animaux, nous faisons en sorte que ces individus retournent ces animaux à leurs propriétaires. Nous sommes parvenus à une prise de conscience où maintenant entre les communautés en conflit sur la frontière Niger-Mali il n’y a aucun problème. On ne peut pas dire que le problème est totalement résolu, mais vraiment Dieu merci, l’impact positif de nos actions est là. Il suffit de consolider cet acquis, de sauvegarder cet acquis, de faire en sorte que cette paix soit une paix véritable et durable.
Qu’est-ce qui est entrepris dans ce sens par les autorités justement pour consolider ces acquis?
Nous sommes en train de mener des campagnes de sensibilisation à l’intérieur du département pour faire comprendre aux uns et aux autres la nécessité d’être et de vivre ensemble et en paix. Au cours de ces campagnes, nous détaillons de long en large les avantages de la paix, les avantages de la cohésion sociale, mais aussi les méfaits des situations de conflits avec usage d’armes. Il faudra que les gens arrivent à choisir entre les bienfaits de la paix et les méfaits de la guerre. Dieu merci, partout où nous sommes passés la communauté a compris le sens de nos actions et des messages que nous véhiculons. Il y a même des personnes qui expriment en public leurs regrets. Notre grand défi, c’est le retour des jeunes qui ont été embobinés dans ces conflits armés intercommunautaires. On sentait, à travers la parole donnée aux jeunes, l’envie de sortir de cette situation et contribuer aux tâches de developpement. Mais il faut aider cette jeunesse et surtout l’aider à ne pas y retourner. Parce que quelqu’un qui a l’habitude d’avoir facilement tant, si on le laisse sans alternative, il risque d’y retourner.
Monsieur le Préfet de quoi avez-vous besoin pour aider ces jeunes à revenir ?
Si on arrive à avoir des partenaires qui peuvent nous accompagner sur ces actions, c’est-à-dire aller encore sensibiliser la population, parce que ce n’est pas de trop. Il faut maintenir la communication et la sensibilisation sur ces communautés. Il faut aussi accompagner ces jeunes par des AGR (activités génératrices de revenus) pour la résilience contre la pauvreté.
Si on arrive à réduire la pauvreté dans ces communautés, nos zones vont redevenir un hâvre de paix que nous souhaitons. Donc nous souhaitons que les partenaires au développement accompagnent le Département d’Abala, soutiennent les populations d’Abala et appuient la politique de l’Etat dans sa quête du bien-être de la population. Je suis convaincu que de cette façon nous allons gagner. La sécurité, la paix, et la coexistence pacifique vont revenir. Je suis encore plus optimiste quand je vois l’engagement des autorités de la 7ème République à mettre tous les moyens pour y parvenir.
Propos recueillis par Ali Maman(onep)