Monsieur le Gouverneur, veuillez nous présenter la Région aux destinées de laquelle vous présidez.
La Région de Zinder est limitée au nord par la Région d’Agadez, à l’ouest par la Région de Maradi, au sud par le Nigeria et à l’est par la Région de Diffa. En 2017, la Région de Zinder avait une population de 4.309.000 habitants soit, trois ans après, 4.700.000 à 4.800.000 habitants. La Région de Zinder comporte dix départements, cinquante Communes, une Ville et cinq Arrondissements communaux.
Le département de Kantché a été longtemps stigmatisé comme zone d’origine de migrants vers l’Algérie : où en est-on ?
Comme vous le dites, le département de Kantché a longtemps défrayé la chronique relativement à ces questions de migrations, notamment des jeunes filles et garçons, en direction de l’Algérie. Il vous souviendra de cette catastrophe au cours laquelle une centaine de nos compatriotes a péri dans le désert. A partir de cela, l’Etat a engagé des actions pour fixer ces jeunes à travers l’initiative 3N parce que, après analyse, nous avons compris que c’est parce que cette frange n’avait rien à faire qu’elle tentait l’aventure, surtout que Kantché est un département très peuplé avec des familles très nombreuses et des champs très petits – donc, elles n’arrivent pas à produire ce qui est nécessaire à la famille. C’est pourquoi, juste après les récoltes, chacun cherche à aller trouver de quoi compléter le déficit; ainsi, même les petites filles sont envoyées en Algérie où elles sont présentées comme des vulnérables afin qu’elles puissent avoir des subsides.
Donc, le Gouvernement a engagé beaucoup d’actions pour stabiliser la situation, notamment à travers irriguée (aménagement de beaucoup de sites de production, distribution de gros et petits ruminants aux femmes et autres kits) ; l’Etat a fait appel aux partenaires qui se sont aussi investis pour stabiliser la situation.
Mais, en dépit de cela, la migration s’est poursuivie parce qu’il s’agit d’un phénomène culturel. C’est pour cela que nous avons criminalisé l’activité des passeurs d’enfants du Niger vers l’Algérie ; cela a permis de réduire significativement le phénomène.
La Région de Zinder a bénéficié sous le magistère du Président Issoufou Mahamadou d’infrastructures culturelles et sportives, commerciales et hôtelières, routières et aéroportuaires de qualité mais leur entretien et/ou leur gestion posent problème. Où se situent les responsabilités, et surtout qu’est-ce qui est fait ou envisagé pour redresser ces torts faits aux populations ainsi qu’à l’Etat du Niger qui y a injecté d’énormes moyens ?
Comme vous venez de le dire, en tant que Gouverneur de la Région de Zinder, je suis tout à fait content de ce que le Président de la République a fait pour la Région de Zinder. Je pense qu’il est même très utile de rappeler quelques actions phares, car citer toutes les actions du Chef de l’Etat serait impossible dans le cadre de cette interview. Je vais donc citer la route la route de Zinder-Mirriah ; pour ceux qui s’en rappellent, avant 2011, pour aller de Zinder à Gouré, il fallait mettre au moins cinq à six heures. Le Président de la République a déboursé huit milliards et demi de francs CFA pour réhabiliter cette route, et aujourd’hui, c’est une heure et demi à deux heures au plus, qu’il faut pour aller de Zinder à Gouré. Il y a la route Zinder-Magaria-Frontière Nigeria : il y a sept ans, c’était un véritable calvaire pour les utilisateurs des transports ; onze milliards de francs ont été utilisés pour réhabiliter cette route afin que la fluidité de nos transactions avec le Nigeria puisse se faire sans problème. Il y a aussi la route Zinder-Tanout qui est aussi un autre calvaire alors que c’est la « Route du Pétrole », si je peux l’appeler ainsi. Et là, trente-deux (32) milliards de francs ont été consentis et la route est en train d’être réalisée en deux lots ; d’ici quelques mois, ce sera une route totalement achevée.
Je ne peux pas parler des réalisations sans parler de l’alimentation en eau potable de la ville de Zinder : c’était le problème sur lequel le Président de la République s’était appesanti dès son arrivée au pouvoir. Ainsi, pour apporter une solution durable au problème de l’approvisionnement en eau potable de la ville de Zinder, ce sont vingt-deux (22) milliards de francs CFA qui ont été mobilisés pour la réalisation de 23 forages et une station de pompage à Ganaram à partir desquels il y a eu des raccordements pour fournir l’eau à Zinder ; à l’époque, aux mois de mars et avril, un tiers du temps des populations était consacré à la recherche de l’eau ; aujourd’hui, c’est de l’histoire. Mais, j’ajoute que sur les 23 forages, seuls 18 ont été mis en marche et avec lesquels on a réglé l’alimentation en eau de Zinder; les cinq sont restés en réserve.
Depuis deux mois, un autre projet de sept milliards de francs CFA a été monté ; il aura trois composantes : la mise en marche des cinq forages qui restent, la création d’un réservoir ou château d’eau de 3.000 M3 d’eau et les branchements sociaux dans les quartiers périphériques. Pourquoi tout cela ? Parce que Ganaram est un projet qui durera 25 ans et qu’il faut donc voir au-delà de ces 25 ans. Dans peu de temps, le réservoir va être disponible, les forages équipés et les raccordements effectifs.
On peut aussi citer la rénovation du marché Dolé qui, auparavant, était une mafia à la limite ; pendant la période hivernale, c’était un marché difficile d’accès et des bandits s’y cachaient sans compter les risques d’incendie ; le Président de la République a estimé qu’il fallait détruire ce marché pour le rénover ; aujourd’hui, c’est un marché moderne où les risques sont écartés.
En dépit de tout cela, il y a eu le Programme Zinder-Saboua en 2018 ; Zinder a profité d’importantes réalisations à cette occasion : la réhabilitation de l’aéroport, la voirie qui a coûté 29,5 milliards de francs CFA, la Case présidentielle d’un coût de 838 millions de francs, le centre de presse qui a coûté 148 millions de francs, ma résidence et la « Résidence 2 » dont la rénovation a coûté 137 millions ; il y a la rénovation du stade régional pour 242 millions, de la MJC pour 200 millions et la tribune 810 millions de francs CFA.
A présent se pose, comme vous venez de le dire, le problème de l’entretien de ces infrastructures. L’entretien dépend du type d’ouvrage ; pour ce qui est de la voirie ou des routes et des nids de poule que vous y avez constatés, il faut dire qu’avant leur réalisation ou réhabilitation, la SPEN devait déplacer certains de ses réseaux ; cela n’a pas été fait et le temps passant, ces réseaux d’eau ont cédé et il a fallu casser le goudron pour réparer les réseaux. Mais, de toutes les façons, la SATOM a promis de reprendre toutes les parties qui ont été cassées.
Pour l’entretien de la Case présidentielle, cinq agents seront recrutés à la charge du budget national dont un jardinier, un cuisinier, un gardien, etc. ; s’agissant de la tribune officielle, elle n’était pas terminée au moment de la fête du 18 décembre 2018 ; c’était un plan B qu’on avait utilisé ; c’était une tribune de fortune et après les dégâts des intempéries, elle est en train d’être reprise. Pour ce qui concerne l’aéroport, depuis le 1er janvier 2020, il est entre les mains de l’ASECNA qui en assure l’entretien et autres. Bref, s’agissant de l’entretien, nous sommes en train de prendre les choses en main.
La « fête tournante » de la République étant un programme triennal concernant toute la Région, de quoi est-ce que les autres zones de la Région ont-elles bénéficié de 2018 à ce jour ?
Pour le moment, le programme de Zinder Saboua n’a pas encore véritablement touché les départements. Il n’y a que deux palais de chefs de canton – Belbéji et Tanout – qui ont été réhabilités dans ce cadre.
Sur un tout autre registre, nonobstant la construction d’un pipeline entre Agadem et le port de Cotonou pour le transport du pétrole, d’aucuns s’inquiètent de la dégradation à terme des routes à l’image de la Route de l’Uranium dont la réfection peine à se matérialiser au grand dam des usagers : qu’envisagez-vous de faire pour conjurer ce sort ?
En effet, à la faveur de la présence de la société SORAZ, nous avons des citernes et des gros camions qui sillonnent notre région ; les axes sont SORAZ-Tanout-Agadez, SORAZ-Niamey, SORAZ-Kantché- Nigeria, SORAZ-Magaria-Nigeria, SORAZ-Gouré-Diffa. Nous nous réjouissons de savoir que tous ces axes ont été rénovés ; c’est le suivi qui incombe aux services de l’Equipement. Ce sont donc des pistes neuves, qui n’ont pas commencé à se dégrader pour le moment. L’axe Zinder-Tanout est en train d’être réhabilité et il ne restera plus que le tronçon Zinder-Tessaoua ; le Président de la République nous a donné l’assurance qu’il cherche le financement de ce tronçon auprès de l’Union européenne.
La Région de Zinder étant frontalière du Nigeria, quelles sont les conséquences de la fermeture de la frontière nigéro-nigériane sur la vie de vos administrés ? Et, surtout, quelles alternatives offrez-vous aux Zindérois ?
Il faut rappeler que la fermeture de la frontière avec le Nigeria avait été brutale ; ce sont les services des douanes qui ont renseigné de ce que le Nigeria a fermé ses portes : nous n’avons pas trouvé cela amical parce que les autorités du Nigeria devaient quand même informer le Président de la République ; elles ne l’ont pas fait ; ce n’est pas amical. Ce qui fait que, au début, nous étions inquiets parce que, quand même, le Nigeria n’est pas rien pour nous : l’essentiel de nos activités économiques passent par le Nigeria. Mais, comme les activités économiques sont des choses dynamiques, au fil du temps, les opérateurs économiques se adaptés et se sont ajustés ; un certain nombre de trafics se sont reportés du côté du Bénin ; c’est vrai que la fermeture de la frontière a été le printemps de la fraude parce qu’il faut quand même servir la population en produits et il n’y a pas eu vraiment flambée des prix et même les recettes douanières que nous craignions de voir s’effondrer se sont stabilisées avec 70 à 80% des objectifs.
Nombre de Nigériens estiment que cette fermeture de la frontière avec le Nigeria a du bon car elle devrait nous obliger à ne pas tout attendre de pays étrangers, fussent-ils des « frères et amis »…
C’est pourquoi, j’ai parlé tantôt de la nécessité de s’adapter, de s’ajuster. Lorsque l’homme est en difficulté, il cherche toujours les moyens de s’en dégager, de trouver des solutions ; ces gens ont raison de penser qu’on ne peut pas être éternellement dépendant d’un autre pays ; aujourd’hui, avec ce que le Nigeria a fait, nous réalisons que nous ne pouvons continuer à être dans cette situation et c’est pourquoi j’ai dit qu’on s’est adaptés et c’est encore pourquoi on ne souffre pas beaucoup de la fermeture de la frontière avec le Nigeria.
Par notre envoyé spécial Sani Soulé Manzo(onep)