
La première promotion de l’INAC
L’Institut National des Arts et de la Culture (INAC), unique établissement public de formation artistique au Niger, vient de franchir une étape décisive de son histoire. L’institution a célébré, il y a quelques jours, la sortie de sa toute première promotion d’étudiants en animation culturelle. Baptisée «Promotion Oumarou Hadary», du nom d’un ancien ministre de la Culture et grand homme de culture, cette cuvée inaugurale marque le début concret d’un ambitieux projet éducatif et culturel porté par l’État qui vise à structurer et professionnaliser le secteur artistique nigérien.
Les 18 élèves de cette première cohorte ont suivi une formation généraliste de trois années axée exclusivement sur l’animation culturelle. Cette orientation unique n’est toutefois qu’une étape transitoire dans le projet pédagogique de l’INAC. Dès l’année prochaine, l’institut adoptera un système de spécialisation progressive : les étudiants de deuxième année choisiront des filières précises selon leurs talents et aspirations, notamment le théâtre, la musique, la danse, les arts visuels ou la médiation culturelle. « Cette première promotion a permis de poser les bases. Elle servira de référence pour calibrer les formations futures et ajuster notre approche pédagogique », explique le directeur général de l’INAC, M. Souleymane Ibrahim.

L’un des faits marquants de cette promotion tient à la provenance de ses membres. En effet, une grande partie des étudiants vient de l’intérieur du pays, issus de départements reculés ou de petites communes souvent sous-représentées dans l’enseignement supérieur. C’est l’un des piliers du projet de l’INAC : offrir aux jeunes talents artistiques des zones périphériques une opportunité d’expression et de formation professionnelle.
Cette ouverture a été rendue possible grâce à plusieurs mécanismes d’orientation mis en place par l’État. L’institut accueille principalement deux profils d’élèves : d’un côté, ceux orientés directement après le BEPC et, de l’autre, les meilleurs éléments des EFAC (Écoles de Formation Artistique et Culturelle), structures destinées aux élèves qui n’ont pas les moyens de poursuivre dans le circuit général. Ces EFAC offrent un cycle de quatre ans, à l’issue duquel les trois meilleurs élèves de chacune des neuf écoles à l’échelle nationale sont automatiquement admis à l’INAC avec une bourse d’études. Ce dispositif favorise à la fois l’excellence et l’inclusion.
Une formation professionnalisante aux débouchés concrets
L’INAC ambitionne de produire une génération de professionnels capables de s’insérer directement dans le tissu culturel national. À la fin de leur formation, les diplômés peuvent soit intégrer la vie active, soit poursuivre des études supérieures grâce à un système d’équivalence reconnu. « Notre objectif est clair : former des jeunes capables de créer leurs propres emplois, de gérer des centres culturels, d’animer des événements ou encore de porter des projets artistiques innovants dans leurs localités », souligne le directeur général.
L’employabilité est donc au cœur du projet éducatif. À terme, ces professionnels pourraient également répondre aux besoins en recrutement des Ministères ou des collectivités territoriales. Par ailleurs, des discussions sont en cours avec le Ministère de la Culture et d’autres partenaires pour octroyer des bourses aux trois meilleurs de cette première promotion, afin qu’ils puissent poursuivre leurs études à l’étranger.
L’ambition de l’INAC ne se limite pas aux élèves fraîchement sortis du collège. L’institut veut aussi être un lieu de professionnalisation pour les artistes déjà actifs. Trop souvent, ces derniers exercent sans réelle formation, malgré leur talent. Cette lacune empêche plusieurs d’entre eux de rivaliser avec leurs homologues africains sur la scène internationale.
« L’art, ce n’est pas uniquement une question de don. C’est aussi un métier qui s’apprend, se structure et se perfectionne. Le public mérite de voir des œuvres abouties portées par des artistes formés, qui maîtrisent les codes et les exigences de leur discipline », explique M. Souleymane Ibrahim.
Deux parcours coexistent donc à l’INAC : une formation diplômante pour les jeunes, et une formation continue pour les artistes confirmés ou les cadres du Ministère en quête de renforcement de capacités.
L’INAC, un levier de transformation culturelle au Niger
En tant que seul institut public dédié aux arts au Niger, l’INAC occupe une position stratégique. Il est appelé à jouer un rôle majeur dans la structuration du secteur culturel national et dans la formation des futurs administrateurs de la culture.
Toutefois, les défis restent nombreux. L’infrastructure, les équipements pédagogiques, les espaces de création, les supports de formation manquent cruellement. Pour transformer l’ambition en réalité, l’INAC a besoin d’un appui renforcé de l’État, des collectivités, des partenaires internationaux et du secteur privé.
« Nous lançons un appel à tous ceux qui croient en la culture comme moteur de développement. Il est temps d’investir dans cette jeunesse créative, de soutenir ce jeune institut qui a une vision mais manque de moyens concrets pour la mettre en œuvre », a plaidé M. Souleymane Ibrahim. Des discussions sont d’ores et déjà engagées pour établir des partenariats avec des institutions de la sous-région, afin de favoriser les échanges de programmes, les mobilités d’étudiants et le partage de compétences.
La sortie de la première promotion ne représente pas seulement l’aboutissement d’un cycle de formation, elle symbolise surtout un espoir nouveau pour le secteur culturel nigérien. Derrière les visages de ces jeunes diplômés se cache un potentiel immense, qui ne demande qu’à être valorisé.
À travers l’INAC, le Niger pose ainsi les jalons d’un projet national de structuration culturelle qui mise sur la jeunesse, l’inclusion sociale et la professionnalisation pour faire des arts un vecteur de développement et d’identité socio-culturelle rayonnante.
Aïchatou H. Wakasso (ONEP)