Le Président de la République, Chef de l’Etat SE. Issoufou Mahamadou a pris part, hier après-midi, à la levée des corps de M. Sidi Maliki (de son vivant en service au Commissariat chargé de l’organisation du Hadj et de la Oumra -COHO-) et de Amadou Ousmane, journaliste et écrivain décédé le 16 octobre dernier à Niamey. Plusieurs autres hautes personnalités parmi lesquelles le président de l’Assemblée nationale, SE. Ousseini Tinni ; des présidents de plusieurs autres institutions de la République ; des membres du gouvernement ainsi que les familles, amis et proches des défunts étaient aux côtés du Chef de l’Etat. Avec la décès de Amadou Ousmane, c’est une grande plume qui se range définitivement laissant un grand vide non seulement pour sa famille, mais aussi pour la grande famille de la presse et celle des écrivains nigériens. Au cours de cette cérémonie funéraire, une oraison funèbre à été prononcée par M. Idimama Kotoudi à travers laquelle, il a rappelé le parcours et les qualités de Amadou Ousmane. Peu après la prière rituelle, les corps des deux illustres disparus ont été accompagnés puis inhumés au cimetière musulman de Yantala. (Lire ci-dessous l’oraison funèbre de Amadou Ousmane).
«Monsieur Amadou Ousmane,
Cher Collègue,Cher Grand frère,
J’ai redouté cet instant de toutes mes forces, mais il est arrivé. Car nul ne peut rien contre la volonté de Dieu. J’ai donc la lourde responsabilité, aujourd’hui, d’évoquer votre passage ici-bas. Et parler de vous, c’est devoir parler en peu de mots d’un homme exceptionnel, un journaliste et écrivain émérite, dont le parcours et les multiples expériences ont peu d’égal dans nos carrières. Parler de vous, c’est d’abord révéler le cheminement atypique d’un élève de l’ENA tombé dans le journalisme et devenu amoureux de l’écriture.
Le journalisme et la communication, vous en avez fait vos métiers pendant 50 ans, et vous les avez aimés, ces métiers. Qui eux-mêmes vous l’ont bien rendu car, dans l’administration des medias, vous avez gravi tous les échelons, passant de chef de desk à rédacteur en chef du quotidien national, puis directeur de de la presse écrite et des publications et directeur général de l’ANP. Vous avez également été l’attaché de presse du Président Kountché, Conseiller en communication de plusieurs gouvernements de la République et Directeur de cabinet adjoint du Président Baré. Vous avez, enfin, mené une expérience de travail international, au sein du NDI et des Nations unies. Ce parcours a été sanctionné par plusieurs distinctions nationales et internationales, qui n’en finissent pas de pleuvoir d’ailleurs, puisque cette année encore, précisément le 15
janvier 2018, le Président de la République a signé un décret vous nommant au grade de Commandeur dans l’Ordre national, à titre exceptionnel. Les Autorités nationales ont décidé dans le même temps de vous rendre un Hommage appuyé pendant la célébration de la Fête du 18 décembre 2018.
Mr Amadou Ousmane,
Cher Collègue, Cher Grand frère,
De votre riche carrière, nous journalistes, retiendrons surtout l’image du reporter intransigeant sur l’éthique et la déontologie, qui a installé les faits de société dans les contenus des medias publics, et qui a promu les reportages de terrain, entre une interview du légendaire BaouraBawa de Bagagi et un focus sur les orpailleurs de Komabangou, les féticheurs de Wanzerbé ou encore les rites pratiqués dans les cours des sultans du Damagaram ou de l’Aïr.
Vous avez été ce journaliste fécond en idées, qui a lancé la Revue Nigerama et l’hebdomadaire Sahel Dimanche, et qui a été le premier Directeur général de l’Agence nigérienne de presse ; l’on retiendra aussi que c’est depuis votre passage dans ces lieux que la communication présidentielle est chapeautée par le Directeur de cabinet adjoint du Président de la République.
Nous n’oserons oublier aussi qu’en créateur permanent, vous avez lancé et animé de célèbres rubriques, telles que l’Audience est ouverte, ou encore et surtout, les Propos d’Arbi, dont tous les agents de l’Etat des années 80 se souviennent qu’elle fut, de manière informelle et efficace, une aide précieuse à la prise de décision gouvernementale, et d’un apport significatif au changement du rapport au travail des fonctionnaires nigériens.
Mr Amadou Ousmane,
Cher Collègue,Cher Grand frère,
De journaliste à écrivain, c’est un pas que beaucoup n’ont pas franchi. Mais vous, vous l’avez fait. Devenant, Dieu merci, un écrivain à succès, qui nous laisse un patrimoine littéraire varié, allant du roman aux récits en passant par les autobiographies. Qui ne se souvient du fameux Quinze ans ça suffit, porté au cinéma sous le titre de Pétanqui ? Ou encore du Témoin gênant, de Chronique judiciaire, des portraits de Kountché et de Kérékou, par leurs proches ; ou tout récemment, de la publication en deux tomes des Propos d’Arbi qui, avec le recul, peuvent apparaître comme un appel avant-gardiste à la Renaissance culturelle ? C’est du moins ma conviction lorsque nous en discutions, car vous m’avez fait l’honneur d’être, depuis plusieurs décennies, votre relecteur ; tout comme dans les années 80, vous m’avez fait l’honneur redoutable d’assurer, rarement il est vrai, l’intérim des Propos d’Arbi. Ce qui m’a d’ailleurs causé souvent des problèmes car, si je pouvais prétendre à l’impertinence, je n’avais pas votre finesse de langage, celle qui permettait d’assurer les arrières.
Nous avons toutefois continué à partager cette conviction que le bon journaliste n’est pas celui qui est régulièrement jeté en prison, mais bien celui qui sait utiliser les mots de manière suffisamment adroite pour rester libre et écrire pour son public.
Cela nous paraissait nécessaire, dans un environnement médiatique et politique mouvant, marqué par une terrible
incompréhension de la communication, considérée tantôt comme la source de tous les maux, tantôt comme la clef conduisant à tous les succès. Alors qu’elle n’est rien de tout cela…
- Amadou Ousmane,
En nous quittant ce 16 octobre 2018, vous manquerez d’abord à votre famille, pour laquelle, en bon époux, en père et grand’père, vous étiez le pilier ; vous manquerez à vos amis d’enfance et promotionnaires de l’école primaire de Tibiri tels que Oumarou Djibril et Amadou Zimraou ; vous manquerez à vos collègues de la première grande génération des journalistes nigériens, tels que Harouna Niandou, Ibricheik, Maman Sidikou ; puis à la deuxième, celle des Soumaré Boubacar, Bory Seyni, Adamou Mahaman, Lestenau Ibrahim ; à la troisième, la mienne, celles de Kio Koudizé, Aly Adamou, Omar Tiello ; à la quatrième, celles de Abdoulaye Coulibaly, Fogué Aboubacar, Galy Adam Fadjimata, etc. Vous manquerez encore plus aux nouvelles générations de journalistes, qui n’ont pas su venir boire à votre source, et se sont pour beaucoup jetés dans les bras des politiciens et des commerçants, y perdant leur âme et leur déontologie. Pour votre part, vous vous êtes toujours méfié des milieux politiques, considérant qu’ils ne faisaient pas bon ménage avec l’éthique du métier ; et si par deux fois, des années 90 à maintenant, vous êtes clairement apparu dans des cabinets de hautes personnalités politiques, cela a toujours été pour des raisons d’amitié personnelle. Car, vous ne refusiez rien à ceux que vous considériez comme de vrais amis.
En vous conduisant à votre dernière demeure, ces amis et vos parents sont inconsolables certes, mais ils se soumettent à la loi divine.
Reposez en paix, Amine
Signé : Idimama Kotoudi »