« SE Excellence Cyril Ramaphosa Président de la République Sud-Africaine, Président en exercice de la conférence des chefs d’État et de Gouvernement,
Messieurs les chefs d’État et de Gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission de l’UA,
Mesdames et Messieurs,
J’exprime mes sincères condoléances au peuple Burundais suite au décès du président du Burundi, Pierre N’Kurunziza. Je salue et félicite le Président Cyril Ramaphosa pour son leadership notamment pour la convocation de cette deuxième visioconférence exclusivement consacrée à la crise sanitaire du COVID 19, après celle tenue le 29 Avril 2020.
Je salue tous les chefs d’Etat qui participent à la présente visioconférence. Je salue la désignation des cinq envoyés spéciaux chargés de la mobilisation des ressources pour faire face à l’impact du COVID. Je les remercie de notre entretien du 9 Juin dernier.
La pandémie de la Covid-19 aura de graves conséquences socio-économiques sur notre continent. Au niveau de la CEDEAO le taux de croissance initialement prévu à 3,3% baissera à 2% si la pandémie prenait fin en juin 2020 et à -2,1% si elle persistait au-delà du second semestre de 2020, induisant notamment une baisse des recettes fiscales et un accroissement du chômage et de la pauvreté.
Pour faire face à la situation, les Chefs d’Etat de la CEDEAO ont adopté les mesures que j’ai eu à évoquer à l’occasion de la précédente visioconférence.
Au niveau de l’UEMOA, nous avons pris notamment les mesures suivantes : l’instauration, dans le cadre communautaire, d’une plus grande coordination dans la prise des mesures sanitaires relatives à la gestion des frontières intérieures et extérieures de l’Union ; l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan régional de renforcement des capacités des systèmes sanitaires pour la gestion des épidémies ; la suspension temporaire de l’application du pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité.
Mesdames, Messieurs,
Nous saluons les annonces notamment du G20 et du Secrétaire Général des Nations Unies relatives a un moratoire sur la dette des Etats les plus fragiles. Le ratio du service de la dette sur les exportations dans les pays de la CEDEAO, sera fortement impacté en 2019 par la COVID-19, du fait notamment de la baisse des recettes d’exportations (pétrole, cacao, coton, fer), de la baisse des revenus du tourisme et de celle des transferts privés, le service de la dette devrait connaître une forte hausse qui pourrait devenir insoutenable pour la plupart des pays.
En outre, la baisse de l’activité économique dans les pays de la CEDEAO aura un impact sur la mobilisation des ressources intérieures, dans un contexte d’accroissement des dépenses de santé pour faire face à la COVID-19 et de soutien à l’économie, ce qui devrait compliquer davantage la gestion de la dette. Les pays membres de la CEDEAO ont donc des besoins financiers pressants.
L’ampleur de la crise économique qu’ils connaitront nécessite un soutien financier qui va au-delà d’un simple moratoire. Un moratoire, c’est-à-dire une simple suspension des remboursements jusqu’à la fin de l’année me semble insuffisant. Il faut totalement désendetter nos pays, et leur fournir, en plus, des ressources fraîches. Vu que le désendettement par l’inflation, procédé utilisé par les pays riches pour se débarrasser de leur dettes au lendemain de la seconde guerre mondiale n’est pas envisageable, il faut procéder a une annulation de la dette en dépit des inégalités qu’elle va générer entre pays bénéficiaires. Ainsi, pour citer des exemples, une annulation de la dette, correspond à un allègement de $59 par habitant pour la République Démocratique du Congo, $981 par habitant pour la République du Congo, $53 par habitant pour le Burundi, $439 par habitant pour le Rwanda, $145 par habitant pour le Niger et $1185 par habitant pour la Mauritanie. C’est dire que les pays atteints par la pandémie et qui ne sont pas endettés subiront une double peine.
L’annulation de la dette elle-même n’est pas suffisante. En effet, l’Afrique a l’ambition de réaliser les objectifs de développement durable et ceux de l’agenda 2063. L’Afrique a donc besoin de ressources fraîches non seulement pour faire face à la pandémie mais aussi pour relancer l’économie à travers la mise en œuvre de projets structurants de l’agenda 2063, notamment la Zone de Libre Échange Continentale Africaine, le plan de developpement des infrastructures, le plan du développement industriel et le plan de développement agricole. Concernant la ZLECAf, je voudrais saisir cette occasion pour suggérer la tenue d’un sommet virtuel, avec pour objectif d’accélérer sa mise en œuvre. J’avais évoqué toutes ces questions avec la Task Force en visioconférence le 9 Juin 2020.
J’apprécie la pertinence des propositions que ses membres ont faites:
– un moratoire de un à deux ans pour le remboursement du principal et des intérêts de la dette des Etats les plus fragiles
– l’utilisation des droits de tirage spéciaux DTS du Fonds Monétaire International
– le renforcement de l’appui de la Banque Mondiale via l’IDA
– le reprofilage de la dette privée des Etats via des mécanismes appropriés sans dégradation de leur cotation.
J’avais indiqué à la Task Force que pour financer les investissements dont l’Afrique a besoin, il sera certainement nécessaire de concevoir des financements innovants publics et privés. Il faut un plan Marshall ambitieux pour l’Afrique. Je rappelle que le plan Marshall en faveur de la reconstruction de l’Europe a coûté 4% du RNB des USA pendant cinq ans. C’est l’occasion pour la communauté internationale de concrétiser l’objectif de 0,7% du PIB à consacrer à l’aide publique au développement. Nos pays doivent bien sur mobiliser davantage de ressources internes. Des conditions doivent être aussi créées pour qu’ils reçoivent davantage d’investissements directs étrangers.
Pour ce faire, il est impératif de mettre en place un nouveau paradigme, une nouvelle gouvernance politique et économique mondiale, gouvernance qui sera davantage fondée sur la solidarité, l’égalité, la justice et la dignité. Le symbole du vieux monde qu’il faut changer et qui viole constamment ces valeurs est l’assassinat le 25 Mai 2020 aux États-Unis, de George Floyd. Notre conférence doit condamner sans réserve cet acte odieux.
Je vous remercie. ».
ONEP