« Excellences, Mesdames, Messieurs,
Je voudrais exprimer mes félicitations aux l’Emirats Arabes Unis pour l’organisation de cette dix-huitième édition de la conférence générale de l’ONUDI et remercier l’Emir et le Prince héritier pour l’accueil et l’hospitalité réservés à ma délégation.
Je voudrais aussi saisir cette occasion pour remercier Monsieur Li Yong, Directeur Général de l’ONUDI, pour son dévouement au service de notre organisation et pour l’appui technique que l’ONUDI ne cesse d’apporter à mon pays, ce qui m’a incité à accepter d’être Champion de la Troisième Décennie du Développement Industriel pour l’Afrique (IDDA3). Il s’agit, est-il besoin de le rappeler, d’aider l’ONUDI, par la sensibilisation et le conseil, à promouvoir le développement industriel inclusif et durable dans le cadre d’IDDA III.
Le thème de vos assises “ L’industrie à l’horizon 2030 – Innover. Relier. Transformer notre avenir ” répond parfaitement à l’engagement pris par l’ONUDI, celui de soutenir la réduction du nombre de pays les moins avancés dans le cadre de son mandat pour un développement industriel inclusif et durable. Il est aussi conforme à l’engagement pris par la communauté internationale à l’occasion du Sommet des Nations-Unis de 2015 sur le Développement Durable tel qu’il ressort notamment dans l’ODD n°9 de «Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ».
Mesdames et Messieurs,
La 3ème décennie du développement industriel pour l’Afrique coïncide avec le 1er plan décennal 2013-2023 de l’agenda 2063 de l’Union Africaine.Les études empiriques indiquent qu’aucun pays ne s’est développé sans industrialisation. L’industrialisation génère une croissance forte, inclusive et solide. Elle crée des emplois, procure des revenus, renforce la classe moyenne, engendre la consommation, encourage le développement humain et la recherche scientifique. L’industrie a donc beaucoup de vertus qui justifient son rôle prépondérant dans le développement économique et social d’un pays.
Trente-trois pays des 47 pays considérés comme PMA se trouvent en Afrique. Il est donc indéniable que les pays africains ont tout intérêt à se tourner résolument vers l’industrialisation.
Pour y parvenir ils doivent cependant affronter de nombreux défis : faible productivité du capital humain, insuffisance des infrastructures, faible productivité agricole, extraversion des économies et fragmentation des marchés, insuffisance des financements, insécurité.
Le premier défi est celui du capital humain. L’Industrie exige une main d’œuvre qualifiée. L’Afrique dispose d’une population jeune mais très peu qualifiée. Pour assurer à l’industrie une main d’œuvre qualifiée, il faut développer la formation professionnelle et technique et encourager les jeunes à s’orienter vers les établissements de formation technique et professionnelle à tous les niveaux.
En Afrique chaque année, 7 à 10 millions de jeunes arrivent sur le marché de travail. Ils seront 30 millions en 2040. Ce flux de main d’œuvre ne peut être absorbé que par l’industrialisation ou par la migration.
Avec la globalisation de l’économie mondiale, le concurrent n’est pas seulement le pays voisin, mais n’importe quel autre pays du monde capable de produire et de distribuer le même produit à moindre coût. L’avantage comparatif doit donc s’analyser à une échelle beaucoup plus large. Dans ces conditions, c’est le capital humain, plus précisément la qualification professionnelle, qui permet de transformer un avantage comparatif en compétitivité. Cela est d’autant plus vrai que les nouvelles technologies de l’information et la biotechnologie ont érodé les avantages comparatifs.
Le deuxième défi est celui des infrastructures. Comment peut-on s’industrialiser dans un contexte d’insuffisance ou d’inexistence d’infrastructures ? Les couts élevés de transport et de l’énergie constituent une barrière aux exportations. Pour certains pays les couts de transport représentent plus de 40% de la valeur du produit. S’agissant de l’énergie, le coût moyen du Kw/hr en Asie est plus de 3 fois inférieur au cout moyen du Kw/Hr sur le continent africain.
Le programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA) de l’Union Africaine vise à lever cette contrainte. En effet l’Afrique a un manque sérieux d’infrastructures. Vingt pour cent (20%) seulement des routes sont pavées ou goudronnées. Les quelques rares chemins de fer conduisent seulement aux ports sans totalement désenclaver l’intérieur des pays ou relier les pays entre eux.
Le troisième défi auquel les Pays africains sont confrontés est celui de devoir accélérer leur industrialisation alors que leur agriculture est encore à un stade peu développé. En effet le processus traditionnel de l’industrialisation consiste à développer la productivité du secteur agricole à un point de saturation de telle sorte qu’elle puisse libérer la main d’œuvre et les capitaux pour le secteur industriel où le potentiel de productivité est plus fort. Le Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA) de l’Union Africaine recommande aux Etats membres d’investir au moins 15% de leur budget dans l’Agriculture et de viser un objectif de croissance annuel de 6% pour le secteur agricole. L’augmentation de la productivité agricole est un facteur essentiel de la croissance économique et de l’amélioration des revenus des agriculteurs. L’augmentation des revenus dans l’agriculture augmente la demande effective des produits manufacturés, ce qui permet l’intégration de l’agriculture et de l’industrie.
Le quatrième défi est celui de l’extraversion de l’économie. Comment l’Afrique peut-elle s’industrialiser alors que pendant des années son économie a été orientée vers la production des matières premières destinées aux marchés extérieurs ? Comment peut-on s’industrialiser dans un contexte de 55 petits marchés cloisonnés par 84 000 Km de frontières ? L’Industrie Africaine peut se baser sur l’établissement de relations en aval et en amont pour promouvoir une industrialisation fondée sur l’exploitation des ressources naturelles. Ceci est d’autant plus possible que l’Afrique s’est engagée dans un processus d’intégration des économies du continent avec notamment la mise en place d’une Zone de Libre Echange Continentale dont le lancement vient d’avoir lieu à Niamey au mois de juillet dernier. L’Afrique peut également saisir les opportunités offertes par les nouvelles technologies de l’information, promouvoir des start-ups dans ce domaine et créer des entreprises à même de soutenir la concurrence des autres régions du monde que ce soit en hardware ou en software.
Le cinquième défi est celui du financement. L’industrialisation ne peut se faire dans un contexte de rareté de financement.
Pour atteindre les ODD en 2030 l’Afrique doit réaliser un taux de croissance moyen annuel de 7% ce qui nécessite un financement estimé à 600 milliards de $ par an. Or, pour avoir une croissance stable autour de 7%, il faut que le taux d’investissements par rapport au PIB soit supérieur à 25%.
Les tendances actuelles indiquent que nous sommes loin du compte. En effet, le taux de croissance annuel peine à atteindre 4%, le taux des investissementspar rapport au PIB est inférieur à 20%,ce qui rend la croissance fragile. Il faut à la fois attirer les investissements directs étrangers et renforcer la mobilisation des ressources internes. L’aide publique au développement peut être un levier pour la mobilisation des IDE. Pour ce qui concerne les ressources internes, l’OCDE indique qu’il faut un taux de pression fiscale minimum de 24% du PIB au niveau des Etats. En 2017 le montant de l’aide publique au développement est estimé à 61 milliards de dollars, celui des IDE 63 milliards et celui des transferts des migrants 60 milliards. Certes sur ce point on observe une tendance positive car pour la première fois le montant des IDE dépasse celui des APD.
Le sixième défi est celui de la sécurité. L’insécurité apparait ces dernières années comme un défi crucial en Afrique. La nécessité de prendre en compte la sécurité, entrave fortement les capacités de nos états à s’engager sur la voie d’une industrialisation du fait d’une part des ressources mobilisées pour financer la sécurité et d’autre part du fait de la perception d’une augmentation du risque à investir qui pourrait freiner les IDE. L’agenda 2063 s’est fixé comme objectif dans l’un de ses programmes de faire taire les armes en Afrique pour assurer la paix et la sécurité.
Mesdames et Messieurs ;
Notre continent est donc décidé à relever tous les défis que je viens de citer. En plus des programmes déjà cités il a conçu le plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique, plan qui comporte 16 programmes et 49 projets. La stratégie industrielle y est déclinée en 7 modules à savoir : élaboration de politiques industrielles et orientations stratégiques; renforcement des capacités productives et commerciales; développement des infrastructures et de l’énergie pour la transformation industrielle;
développement des compétences techniques et industrielles;
développement des systèmes d’innovation industrielle, de la recherche-développement et de la technologie; financement et mobilisation des ressources; et développement durable.
Pour réussir l’industrialisation, le leadership de l’Etat et l’attachement du gouvernement au développement industriel sont indispensables, notamment s’agissant de la réalisation des infrastructures et de la nécessité de créer un bon climat des affaires. Pour conduire cette politique d’industrialisation, les pays les moins avancés notamment ceux de l’Afrique ont besoin de l’accompagnement des organisations comme l’ONUDI. Il faut poursuivre davantage les réflexions face aux défis énumérés.
Mesdames et Messieurs,
Lors de la quatrième conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés, qui s’est tenue à Istanbul en mai 2011, les Nations unies ont adopté le programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA pour la période 2011-2021. Ce programme a pour objectif de régler les nombreux problèmes de développement socioéconomique que rencontre au sein de la communauté internationale, le groupe des pays les plus pauvres et les plus faibles, en définissant des objectifs précis à atteindre d’ici à 2020, ainsi qu’un certain nombre de domaines d’action prioritaires pour les pays les moins avancés et leurs partenaires au développement.
Grace à l’appui de l’ONUDI plusieurs PMA ont accompli des progrès notables dans la réalisation de ses objectifs cibles. Toutefois, leurs résultats d’ensemble laissent présager que des mesures supplémentaires doivent être prises pour l’atteinte des objectifs initialement fixés. C’est pourquoi, au regard de toutes ces questions et défis liés à l’industrialisation, l’organisation d’un sommet sur l’industrialisation de l’Afrique me parait d’une grande pertinence. Je lance un appel solennel au Secrétaire Général des Nations Unies en vue de l’organisation d’un tel sommet.
Je vous remercie ».