Le 2 juin est un jour important pour l’Italie. Chaque année, cette date rappelle le referendum historique de 1946 où, pour la première fois, les italiennes et les italiens de plus de 21 ans (la majorité d’alors) ont été appelés à s’exprimer au suffrage universel sur le futur du Pays. La majorité, 54,3% des électeurs, a choisi d’abandonner la Monarchie au profit de la République.
L’Italie fut ainsi proclamé une République parlementaire et depuis, tous les ans, les Italiens célèbrent avec le déposition par le Président de la République d’une couronne au soldat inconnu à Piazza Venezia, à Rome, en hommage aux morts pour la Patrie, avec dix «fléches tricolores» (les avions de l’escadron de voltige aérienne national) qui survolent la capitale tandis qu’aux Forums Impériaux se déroule le défilé de toutes les Forces Armées italiennes.
A l’époque du référendum, l’Italie était encore un Pays avec beaucoup de différences, après quatre-vingt-cinq années d’unité territoriale qui n’avaient pas encore effacé un long passé de fractionnement en royaumes, duchés, grand duchés, principautés, états.
Mais c’était bien avant l’unité de la Péninsule, en 1861, puis depuis 1870 avec la conquête de la ville de Rome qui en est devenue la capitale, que les autorités italiennes ont dû travailler pour réduire l’écart dans beaucoup de secteurs afin de rapprocher des populations aux traditions et cultures diverses. Beaucoup ont été les défis que le nouveau peuple italien a dû surmonter, comme celui de l’industrialisation mais aussi celui de la sécurité intérieure, menacée par des forces hostiles.
Quand on pense au passé de l’Italie, on peut facilement trouver des similitudes avec le Niger, du passé et d’aujourd’hui. Le Niger a toujours été un Pays composé de différents peuples et depuis l’indépendance, ces différences sont apparues dans toute leur évidence. Pourtant, pendant les années, le Niger a su assurer une cohabitation pacifique des ethnies diverses, mais d’autres défis se sont présentés, des défis globaux comme le terrorisme et les migrations. Des défis qui ont profondément liés tous les Pays du monde entier, et surtout le Nord et le Sud, l’Europe et l’Afrique, l’Italie et le Niger.
Les complémentarités Italie-Niger et la proposition de Rome 2030
Même d’un point de vue économique, Italie et Niger sont complémentaires. L’Italie est structurellement composée de petites et moyennes entreprises très dynamiques et projetées vers l’exportation.
C’est justement une structure économique basée sur les petites et moyennes entreprises, qui est souvent évoquée comme objectif par les autorités nigériennes. Nous souhaitons au Niger de réussir, vu les importantes traditions du savoir-faire ancestral des populations au Niger, car c’est une forme de développement aux semblances humaines et attentive à l’environnement.
Pour ce qui concerne l’Italie, justement, le chemin du développement du Pays s’est déployé sur son traditionnel focus: l’attention aux populations et aux territoires.
C’est pour cela que l’Italie, tout en étant une économie très avancée technologiquement, membre du G7, est la seule par rapport aux candidats concurrents à avoir intitulé la candidature de Rome à accueillir l’Exposition Universelle 2030 à la philosophie « Personnes et territoires: régénération, inclusion et innovation », avec un paquet d’accompagnement total pour les Pays qui visent le même modèle socio-économique d’avancement, de proximité et d’humanisme, comme le Niger.
Quelques données économiques
L’Italie est une République parlementaire, avec un territoire qui fait le quart de celui du Niger, mais avec une très forte densité de population, qui fait plus de dix fois celle du Niger. Elle est divisée en 20 Régions, dont certaines ont une autonomie particulière. 13 langues sont parlées en Italie, en particulier le français dans la Région autonome de la Vallée d’Aoste et l’allemand dans la Région autonome du Trentin Alto Adige.
L’Italie, peut-être que tout le monde ne le sait pas, avec 2.300 milliards d’euro de PIB, est un des Pays du G7, tout en étant formée en grande majorité par de petites et moyennes entreprises, souvent familiales.
Même avec cette structure à dimension humaine ancrée aux territoires, la force économique de l’Italie est l’exportation: en particulier, cela peut être surprenant, grâce au secteur de la machinerie de précision (l’Italie est le 5ème exportateur du monde, avec 80 milliards d’euros de valeur dans les composants d’ingénierie, et avec 5.000 compagnies pour la robotique).
Dans l’aérospatiale, elle est leader européenne pour l’observation terrestre et troisième, derrière les Etats Unis et la Chine, pour les technologies spatiales. Dans l’industrie de l’automobile, l’Italie compte 5.700 entreprises et 250.000 employés.
Le luxe fait de l’Italie le 2ème exportateur du monde, avec 5.000 entreprises ne serait-ce que dans le secteur des chaussures et 80.000 employés. Dans ce secteur, ce sont l’excellence, les finitions et la créativité qui en font sa force. Bien plus connue, l’agro-industrie italienne fait de l’Italie un champion dans le monde, mais elle est peut-être moins connue comme étant le 2eme exportateur de vins avec 74 variétés DOCG. Enfin, l’Italie est leader mondiale dans des secteurs très divers, tels que la lunetterie et l’optique de précision, mais aussi dans l’exportation de carrelages, dans le savoir-faire en design.
L’Italie est très engagée dans la green economy, pour laquelle elle est championne européenne: grâce à la récupération des déchets, elle est leader dans l’économie circulaire, avec un taux de recyclage de quasiment 50%. Dans l’énergie, surtout renouvelable, elle produit aujourd’hui 1/3 de l’électricité nationale avec, en premier lieu, le photovoltaïque, qui pourrait être très intéressant pour le Niger, puis l’hydroélectrique, le biofuel, l’éolien et le géothermique. En effet, la compagnie d’électricité ENEL est le plus grand opérateur mondial en énergie verte, avec 53,4 Gigawatts de capacité.
L’Italie a aussi quelques grandes industries, qui correspondent à des multinationales très appréciées dans le monde entier. En particulier, une force importante, est l’Aerospace en Italie. C’était en 1930 Corradino D’Ascanio celui qui inventa en premier le modèle moderne d’hélicoptère. Enrico Fermi, à la même époque, inventait la radio transmission et jetait les fondements de la physique quantique, à la base de l’ordinateur de demain.
Dans le domaine de la culture, l’Italie est déjà connue comme étant le Pays avec la majorité de sites classés UNESCO dans le monde entier. C’est pour cela qu’un projet italien a accompagné la merveilleuse ville ancienne d’Agadez pour son inscription bien méritée.
En Italie, les universités et les grandes écoles sont de plus en plus renommées et de longue tradition, dont 36 figurent parmi les 1.000 les plus prestigieuses du monde entier. Nous enseignons aussi en anglais, qui est maintenant un «must» et, actuellement, il y a beaucoup d’opportunités de bourses ouvertes pour les étudiants nigériens qui souhaiteraient se lancer dans l’expérience. Les délais sont pourtant assez proches ! (https://www.esteri.it/en/opportunita/borse-di-studio/per-cittadini-stranieri/borsestudio_stranieri/)
La coopération militaire et civilo-militaire
La Mission Italienne de Soutien à la Republique du Niger (MISIN) est née en 2018 à la suite des Accords de Coopération entre le Gouvernement de la République italienne et le Gouvernement de la République du Niger. La devise de la Mission «Non nobis solum» signifie «Nous sommes là pour vous, pas seulement pour nous.» Le contingent italien est composé du commandement de la mission, des unités de soutien logistique et opérationnel, des « équipes mobiles de formation » et de l’unité de coopération civilo-militaire.
Les tâches de la MISIN sont de soutenir le développement des capacités des forces armées et des forces de sécurité du Niger, dans le cadre d’un effort conjoint visant à stabiliser la zone et à renforcer les capacités de contrôle du territoire par les autorités du Niger et les Pays du Sahel. Cet effort est axé sur des activités de formation, d’entrainement et de conseil aux Forces de Défense et de Sécurité, comme convenu avec les institutions du Niger afin de lutter contre les trafics et les phénomènes migratoires illicites, les menaces à la sécurité et les menaces terroristes.
Soutenir la population et les institutions civiles à travers des projets de coopération civilo-militaire, identifiés, convenus et planifiés avec des échéances à court et moyen terme, est aussi un important but de la coopération militaire italienne.
Depuis le début de ses activités, en 2018, la Mission italienne de soutien à la République du Niger a formé plus de 8.900 unités, afin de renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées et de Sécurité nigériennes engagées respectivement dans la défense nationale et la gestion de l’ordre public. Parmi celles-ci, environ 3.500 appartiennent à la Gendarmerie Nationale, à la Garde Nationale et à la Police Nationale du Niger. L’offre de formation prévoit l’exécution d’environ 60 types de cours, diversifiés et adaptés aux exigences formatives de la Force Armée ou Force de l’Ordre bénéficiaire et développés sur plusieurs sessions annuelles.
La coopération italienne
Avec une présence historique de la Coopération italienne depuis les années 1980, le Niger fait partie des Pays prioritaires d’Afrique de l’Ouest pour la politique étrangère italienne.
Pour mettre en œuvre sa mission, l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS) qui a ouvert son bureau à Niamey depuis février 2023, travaille à travers des financements bilatéraux sous forme de dons aux partenaires ministériels, de projets promus par les ONG italiennes actives dans le Pays, d’initiatives multilatérales réalisées par des Agences des Nations Unies; ainsi que par un prêt concessionnel dans le domaine des infrastructures rurales et le financement des interventions d’assistance humanitaire (à travers des financements bilatéraux et multilatéraux). La valeur totale du portefeuille des projets actifs est d’environ 75 millions d’Euros.
LI AICS au Niger assure également la réalisation d’une initiative financée par l’Union Européenne sous forme de coopération déléguée: le programme en voie de conclusion D.E.S.E.R.T., d’une valeur de 13.790.000 Euros, grâce au cadre partenarial établi entre l’AlCS et quatre ONG italiennes (Terre Solidali, COOPI, CISP et COSPE), a permis d’améliorer les conditions de vie de milliers de personnes dans les régions d’Agadez et de Tahoua, avec un impact durable dans les territoires grâces à des actions dans la gestion des ressources naturelles, dans la création d’emploi et dans la contribution aux défis d’urbanisation de la ville d’Agadez.
Forte d’une expérience de longue durée dans le développement rural, commencée avec le succès du grand projet Keita, encore gravée dans la mémoire collective nigérienne, la coopération italienne continue d’intervenir – avec diverses initiatives visant à cibler les causes profondes de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle à travers la promotion de modèles d’intensification agricole, l’augmentation de compétences dans le domaine agro-sylvo-pastoral, le développement des chaînes de valeur porteuses et la gestion durable des ressources naturelles. A cet égard, le programme d’accessibilité en milieu rural PAMIRTA — financé avec un prêt concessionnel de 20.000.000 d’euros sous l’égide du Ministère de l’Agriculture, a permis de réhabiliter ou de construire environ 200 km de pistes rurales ainsi que de réaliser des infrastructures (8 centres de récolte et 4 marchés de demi-gros) qui permettront d’améliorer l’accès aux marchés et aux intrants pour les producteurs de bassins agropastoraux des quatre départements de la Région de Tahoua. L’action de I’AICS dans le secteur du développement rural se base principalement sur l’amélioration des pratiques agricoles pour permettre l’utilisation durable des terres et éviter leur dégradation. Dans cette optique, I’AlCS soutient des initiatives de formation visant à favoriser la diffusion de concepts et pratiques durables dans les activités économiques et dans la gestion des terres et des ressources. En matière de lutte contre le changement climatique, l’AlCS supporte le renforcement des capacités nationales dans le domaine de l’évaluation, de la réduction des risques, de l’adaptation au climat par des applications spécifiques pour les inondations et la sécheresse et dans le soutien à la collaboration entre les services techniques centraux et locaux.
La création d’emploi est également une priorité pour la coopération italienne, en réponse au taux de chômage élevé, et s’inscrit aussi dans une logique d’action globale et concertée pour contraster le phénomène de la migration irrégulière, en contribuant à mettre en place les conditions pour que les jeunes ne soient pas forcés de quitter leur communauté. Les interventions de la coopération italienne visent à promouvoir l’auto-emploi et l’insertion professionnelle, notamment des jeunes et des femmes, ainsi qu’à financer et renforcer les capacités des micros et petites entreprises, en appuyant le développement des compétences techniques et entrepreneuriales et en facilitant l’accès au crédit, afin de soutenir le développement des chaînes de valeurs agro-alimentaires porteuses. A titre d’exemple, les deux phases du projet IDEE réalisé par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a obtenu les résultats suivants: plus de 1.500 emplois (stables et temporaires) créés; plus de 600.000 euros d’apports sous forme de micro-crédits et d’équipements au profit de 196 jeunes Nigériens; lancement d’une plateforme en ligne pour la promotion commerciale de l’artisanat nigérien (AGAD’ART); organisation de foires de promotion de l’emploi à Tahoua et Agadez; plus de 15.000 jeunes sensibilisés à l’auto-emploi et aux risques de la migration irrégulière.
Une attention particulière est dédiée à assurer l’inclusion économique et sociale des personnes ayant des besoins spécifiques, et aux programmes sanitaires pour atteindre les objectifs définis par le Gouvernement du Niger dans les Programmes de Développement Socio-Sanitaire: les priorités de la coopération italienne sont axées sur la prévention et le traitement de la malnutrition infantile, la santé maternelle et infantile, le traitement des maladies non-transmissibles et la santé mentale.
Compte tenu de l’aggravation progressive de la situation humanitaire, la Coopération italienne maintient son engagement dans le domaine humanitaire, en soutenant les instances internationales et les organisations de la société civile (ONG), en intervenant en ce sens par le biais d’initiatives multilatérales ou à gestion directe, notamment dans les domaines de la protection des réfugiés et des déplacés internes, de la santé, de la sécurité alimentaire et de l’accès à l’eau. L’intervention de l’AICS au Niger se focalise sur l’assistance humanitaire et les interventions de early recovery nécessaires pour répondre aux besoins croissants de la population, tout en soutenant l’intégration des interventions d’urgence aux actions de développement et de cohésion sociale.