Cette voix est en train d’imprimer ses marques dans la musique tradi moderne nigérienne ces dernières années. Mais, c’est depuis 2005, que Fati Issaka ou Batou Béri par son nom d’artiste a commencé ce métier. Aujourd’hui, la quarantaine révolue, et malgré son poids physique, elle chante et danse avec la même énergie, la même détermination de donner le meilleur d’elle-même sur scène afin de faire partager à ses fans sa voix et ses pas de danse inspirés de ‘’ Bitty Harey’’, la danse populaire du Zarmaganda.
Fati Issaka a commencé à chanter lors des activités politiques avec des groupes musicaux du quartier yantala Bas. Il y’a treize ans, elle était choriste pour appuyer les candidats au prix Dan Gourmou. Trop attachée à la culture nigérienne, elle a voulu évoluer traditionnellement. « J’aime la culture, j’aime défendre nos valeurs et principes musicaux, on doit éviter de trop copier les produits qui nous viennent de l’étranger. Batou Béri est un groupe dont je suis l’une des membres fondateurs. Apres 12 ans avec ce groupe de Ali Malika, j’ai senti à un moment la nécessité de voler de mes propres ailes en créant mon groupe. C’est ainsi que ‘’Djow Bouda’’ a été créé il y’a un an. J’ai à mon actif cinq sons qui cartonnent bien » se réjouit-elle.
«Nos thématiques tournent autour de l’unité nationale, la cohésion sociale, la paix, la force de notre groupe c’est l’union, l’entente, entre les membres, le travail en équipe » a déclaré Fati promotrice du groupe ‘’ Djow Bouda’’ un remake d’une célèbre chanson du terroir. Elle participe à des concerts, des rencontres culturelles et des festivals du pays. Fati dit avoir reporté des concerts dans certaines zones de Tillaberi à cause de la situation sécuritaire. Selon elle sans la paix, il n’y a pas de développement et pour faire la promotion de la culture, il faut d’abord faire la promotion de la paix. «Nous voulons, à notre niveau, même modestement, apaiser ce monde, ne serait-ce qu’avec nos chansons. Remplacer le son de détresse par des moments de joie et de gloire par la force de la musique »
« Nous chantons en langues notamment en zarma, en haoussa pour mieux passer le message, et presque à chaque fois quand nous sortons, nous essayons d’attirer le regard du public par l’accoutrement. Le chant permet à l’auteur d’évoquer tous les sujets de son vécu quotidien. La musique soulage aide quand on ne se sent pas bien et redonne confiance et rassure quand on doute » affirme Fati.
« La culture ne nourrit pas son homme au Niger, il faut que les autorités appuient ce secteur ».
A l’image de plusieurs pays, le Niger fait face à des mutations rapides induisant des pertes de repères, notamment les formes du changement des coutumes, des habitudes et des routines de la plus grande partie des Nigériens. «Aussi, ce qui est déplorable, nous faisons face à des problèmes de mentalité et de comportements importants» a dit l’artiste avant de souhaiter qu’il y ait un cadre privilégié où tous les acteurs privés, associatifs et décideurs pourront mettre en place des synergies et de nouvelles dynamiques pour le secteur. C’est aussi, selon elle, le moyen adéquat d’apporter des solutions concrètes aux problèmes soulevés. Il est essentiel de saisir le formidable levier que représente la culture pour le développement des hommes et des sociétés.
La culture, explique notre interlocutrice avec insistance, s’appuie sur les valeurs issues de nos us et coutumes, la diversité culturelle est là pour preuve, et les valeurs qui offrent un modèle de comportement exemplaire pour le citoyen nigérien. D’où l’envie de toucher partout les créations d’antan pour composer de nouvelles chansons. Les chansons des années 70, 80, 90 nous enseignent et nous devons les copier et les modeler à notre façon. Et c’est ici que nous les chanteurs et promoteurs culturels, devons jouer notre partition » affirme-t-elle tout en précisant que les chants, les sketchs, les pièces théâtrales sont les vecteurs principaux de diffusion de ces valeurs.
Des petits problèmes, mais l’artiste essaie d’aller de l’avant
Fati Issaka souligne principalement des problèmes de financement, le manque de coordination et l’insuffisance de la prise en compte de la propriété intellectuelle. On copie ici sans respect. Avant de copier une chanson déplace toi,pour demander l’avis du propriétaire et au besoin paie le si le produit marche bien. Aujourd’hui la culture, souffre d’un problème de financement, les acteurs se plaignent du faible soutien du ministère de tutelle. Son groupe fonctionne tant bien que mal, mais elle sollicite le soutien des autres et au-delà du ministère. Aujourd’hui, le groupe est un peu connu à travers des spectacles culturels. Fati recevait des invitations par ci par là à travers son groupe qui lui permet de gagner moyennement. Et tout ira pour le mieux, le groupe a commencé avec l’objectif de faire revivre et maintenir les autres aspects de la culture nigérienne. «J’ai tiré assez de bénéfices, j’ai tout eu à travers la musique, j’ai eu à tisser d’excellentes relations, j’ai des amis presque un peu partout. Il faut être fier de nos traditions, de nos cultures, lors de mes sorties, je mets en avant les accoutrements culturels, je puise toute mon inspiration à travers nos us et coutumes. Nous devons mettre en avant nos tenues traditionnelles. C’est vrai étant Djerma, j’ai utilisé beaucoup d’articles de cette culture et bientôt je compte toucher partout, les tenues touarègues, haoussas, gourmantchés, kanuries et peuhles. Je vais prendre les sons des autres artistes les modeler à ma façon et surtout les artistes qui ont connu des moments de gloire au temps de Seyni kountché. Au niveau des moyens techniques, le groupe se sert des instruments des autres pour parfaire leurs productions, il les loue auprès d’autres artistes. ‘’Djow Bouda’’ est composé de deux chanteuses, des batteurs, des guitaristes, formant ainsi un groupe de dix personnes.
Pour le moment, Fati précise qu’elle n’a pas tellement voyagé à travers sa musique, mais pas question pour elle de s’arrêter en si bon chemin. «C’est vrai j’ai fait un tour dans certaines zones pour des soirées culturelles. Je ne me décourage point, je sais qu’avec la patience et la persévérance, tout ira pour le mieux » espère-t-elle.
Aïssa Abdoulaye Alfary et Abdoul Aziz Ibrahim(onep)