Les habitués des films de Djingarey Abdoulaye Maïga reconnaitront vite la marque du doyen des cinéastes nigériens (83 ans), dès le titre de son nouveau film, «La fille noire du président». Cette comédie dramatique de 103 mn produite par DAM Productions a en effet d’abord le «noir» en commun avec les dix précédents films de ce prolifique cinéaste. Récit riche en émotions, La fille noire du président, onzième long métrage de Djingarey Maïga dont la sortie officielle est pour bientôt, inscrit davantage le cinéaste dans la constance, aussi bien concernant sa démarche que ses thèmes de prédilection.
Cette nouvelle fiction de Djingarey Maïga évoque la vie d’un couple présidentiel avec au centre leur unique fille. Mais, bien loin de ce qu’on pourrait imaginer, la trame du film est nouée autour des sentiments de culpabilité, de remord, de nostalgie, liés à la rupture et à l’éloignement avec un être cher.
Nayé, la fille effectivement «noire» du président, dont le teint contraste avec celui de sa maman, ce que font remarquer les gros plans du réalisateur sur le visage du personnage, est l’actrice principale de cette fiction. La jeune fille est incarnée par Farida Nabara Maïguizo qui joue pour la première fois dans les films de Djingarey Maïga, contrairement au comédien professionnel Saleh Ado, dans le rôle du président, et Balkissa Issaka Maïga, (Zazey) dans le rôle de la première dame que l’on retrouve dans ses précédentes réalisations.
Rongée par le remord et la nostalgie de n’avoir pas cherché à revoir depuis 30 ans celle qui l’a mise au monde, la première Dame s’ouvrit à sa fille Nayé, qui disparut après cette causerie. En effet, au sortir des cours le dernier jour de l’année scolaire, la jeune fille ne revint pas au palais. Sans nouvelle de leur unique fille, injoignable au téléphone, le couple présidentiel va passer une semaine d’affolement, posant des scénarii les uns plus sombres que les autres sur les causes de la disparition de Nayé, après avoir mobilisé en vain tous les moyens pour la retrouver.
Réalisateur de l’Étoile noire (1976) ; Aube noire (1983) ; Nuages Noirs (1979) ; Miroir noir (1994) ; Vendredi Noir (1999) ; la Quatrième nuit noire (2009) ; Au plus loin dans le noir (2014) ; Cerveau Noir (2016) ; Un coin du ciel noir (2018) ; La Femme Noire du Village (2020), Djingarey Maïga reste presque invariable jusqu’à ce onzième long métrage. Sa démarche mais aussi son inspiration sont généralement basées sur l’observation de sa société dont il renvoie les facettes à travers une esthétique qui lui est propre. Dans La fille du président on perçoit bien ce message : rien ne peut justifier la rupture des liens sacrés de parenté. La leçon est assenée par Nayé, qui a réussi en même temps à rétablir la relation entre sa maman et sa grand-mère. « Ma disparition pour huit jours t’a énormément bouleversée alors que ça fait trente ans que ta mère ne t’a pas vue », a-t-elle répliqué face à sa maman qui lui reprochait d’être partie sans informer personne. Vérité crue certes, mais digérable surtout venant de l’enfant qui aura eu le mérite de renouer un lien rompu…
Faisant de son public le témoin des angoisses et de la joie de ses personnages, Djingarey Maïga valorise dans ce film des valeurs chères à la société traditionnelle : l’authenticité, le respect des liens sacrés de parenté ; la diversité, la tolérance,…Il y évoque aussi certaines préoccupations de sa société, comme dans presque tous ses films.
Évidemment, cette fiction n’est pas une grosse production cinématographique. Mais le récit est agrémenté par de belles images de Niamey filmées souvent de nuit comme dans La femme noire du village. Une riche diversité musicale ponctue également les scènes du film. Parmi les titres musicaux, il y a la découverte, coup de cœur de Nayé au village de Yaboni, «Guiwa» un ancien chant chantonné sous la musique traditionnelle de Saley Zarmaganda. Des mélodies à faire fondre un cœur de pierre, sur lesquelles sont célébrées les retrouvailles ayant mis fin à l’angoissante disparition de Nayé.
Par Souley Moutari (onep)