Le mardi 3 mai est célébrée la Journée mondiale de la liberté de la presse. Comme d’habitude, Reporters Sans Frontière (RSF) a rendu public son classement mondial de la liberté de presse pour cette année 2022. D’après ce classement, le Niger comme en 2021, occupe la 59ème place sur les 180 pays classés, avec un score moyen de 67.80 points. Pour justifier ce rang du Niger, plusieurs raisons sont avancées par RSF, et cela dans divers secteurs. Pour cette année 2022, le thème retenue pour la célébration de cette journée est : ‘‘Le journalisme sous l’emprise du numérique’’. Selon RSF, le choix de ce thème se justifie par la nécessité de mettre en lumière les multiples façons par lesquelles les développements récents en matière surveillance par des acteurs étatiques et non étatiques, ainsi que la collecte du big data et l’intelligence artificielle (IA), qui ont un impact sur le journalisme, la liberté d’expression et la vie privée. Selon le rapport de RSF, 24 journalistes et 1 collaborateur de média ont été tués depuis le 1er janvier 2022 dans le monde. Par ailleurs, 461 journalistes et 19 collaborateurs des médias sont, à ce jour emprisonnés.
Pour le cas du Niger, Reporters Sans Frontière estime que la fin du monopole d’État sur les médias en 1991 a favorisé le développement du paysage médiatique nigérien et permis l’arrivée des premiers hebdomadaires indépendants diffusés dans la capitale, Niamey, comme Haské, Le Républicain ou Le Démocrate. «En 2022, le pays compte 67 radios privées, 15 chaînes de télévision privées et 16 sites de presse en ligne», note RSF. Par rapport au contexte politique, le rapport note que le poids de l’ingérence gouvernementale dans la ligne éditoriale est très important.
Sur le cadre légal, l’adoption d’un code de la presse en 2010 a été une avancée majeure pour la protection des journalistes, ‘‘mettant fin aux peines privatives de liberté pour les délits de presse. «Pour autant, cette loi plus protectrice est régulièrement contournée, et certains journalistes sont encore arrêtés, parfois emprisonnés ou condamnés à des peines de prison pour leurs enquêtes sur des faits de corruption. La loi de 2019 sur la cybercriminalité (NDLR : cette loi a été révisée en avril dernier pour l’harmoniser avec l’ordonnance 2010-035 portant régime de la liberté de presse) est régulièrement utilisée pour faire taire les journalistes qui exercent en ligne, en les exposant à des peines d’emprisonnement et de lourdes amendes», déplore RSF.
Dans son rapport, RSF reconnait que l’environnement économique au Niger favorise les médias publics, qui bénéficient du soutien de l’État alors que les organes privés souffrent d’une grande précarité économique. «Le manque de publicité, les coûts élevés de l’impression et le développement des réseaux sociaux menacent la survie des journaux et nombre d’entre eux disparaissent. Les radios privées n’échappent pas à cette fragilité, et seules les chaînes de télévision arrivent à tirer profit du marché publicitaire. Cette précarité financière fragilise aussi les journalistes, exposés à la corruption», estime RSF.
«L’accès aux informations concernant le terrorisme ou les migrants se révèle très difficile», estime RSF
Concernant le contexte socioculturel, RSF note que la société nigérienne accepte difficilement de débattre dans les médias de l’islam et de certains sujets de sociétés tels que la sexualité, l’accès aux contraceptifs et l’adultère. «L’accès aux informations concernant le terrorisme ou les migrants se révèle très difficile» note le rapport de RSF. Enfin, sur le plan sécuritaire, le Rapport de RSF note que ‘‘les attaques et menaces envers les journalistes ne sont pas rares, surtout au cours des manifestations publiques’’. «En 2021, le domicile du correspondant de RFI, Moussa Kaka, avait été incendié par des jeunes de l’opposition. (…) les sources sont peu protégées», précise le document.
Au niveau régional, à en croire RSF, malgré une baisse encourageante du nombre d’atteintes à la liberté de la presse, le contexte régional marqué par la lutte contre le terrorisme a encore un impact significatif, tant sur la sécurité des journalistes que sur l’accès à l’information de la population. «Dans le Sahel, l’insécurité et l’instabilité politique ont fortement progressé et le journalisme y est, ces derniers temps, attaqué de manière spectaculaire. En 2021, deux journalistes espagnols ont été tués au Burkina Faso (41e), le reporter français Olivier Dubois a été enlevé par un groupe armé au Mali (111e) et plusieurs journalistes ont été expulsés du Bénin (121e), du Mali ou du Burkina Faso», précise le document. Selon RSF, le 3 mai sert à rappeler aux gouvernements la nécessité de respecter leurs engagements en faveur de la liberté de la presse et constitue également une journée de réflexion pour les professionnels des médias sur les questions relatives à la liberté de la presse et à l’éthique professionnelle. Tout aussi importante, la Journée mondiale de la liberté de la presse est une journée de soutien aux médias qui sont des cibles pour la restriction ou l’abolition de la liberté de la presse. C’est aussi une journée de commémoration pour les journalistes qui ont perdu la vie dans la poursuite d’une histoire.
Mahamadou Diallo(onep)