Jusque-là, Mahamane Ousmane, le challenger de Mohamed Bazoum au second tour de l’élection présidentielle du 21 février 2021, n’avait pas encore franchi le rubicond du ridicule et du grotesque dans la revendication de sa victoire électorale, en inscrivant son combat dans une démarche légaliste pour saisir le juge électoral d’un certain nombre de recours. Il était dans son bon droit, comme on dit souvent, de s’adresser à la Justice pour lui soumettre ses réclamations après la proclamation par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) des résultats globaux provisoires du second tour du scrutin présidentiel du 21 février dernier.
Aucune anomalie, aucun excès de la part du candidat du RDR Tchanjidans cette volonté de faire valoir ses prétentions de victoire électorale tant que le juge électoral ne se sera pas prononcé! Nul n’a le droit de se faire justice à soi-même, proclame-t-on souvent dans un Etat de droit! Car, dans les sociétés modernes et civilisées, la justice privée est proscrite, et le recours au juge impartial devient, du coup, la contrepartie de l’abandon de la vengeance personnelle.
Cependant, le droit peut, parfois, se transformer en un non-droit, lorsque son titulaire en fait un usage abusif, c’est-à-dire lorsque le sujet de ce droit perd toute notion de raison dans la formulation de ses prétentions, soit en procédant à du dilatoire dans l’exercice de ce droit, soit en refusant d’en admettre la sanction judiciaire. S’agissant de Mahamane Ousmane, l’on est bien en présence du second cas de figure, celui du refus d’accepter la sanction judiciaire de ce droit. En effet, l’intéressé était jusque-là présumé être dans ses droits tant que la décision du juge électoral était en suspension; mais, aussitôt cette décision tombée, son attitude nouvelle ne dépendrait plus de son bon vouloir, mais bien de la décision judiciaire intervenue.
Or, le juge électoral vient de se prononcer sur tous les recours introduits par lui et son conseil juridique, par un arrêt qui restera, probablement, comme le plus long de toute l’histoire de la justice constitutionnelle au Niger (pas moins de 55 pages en PDF). La haute juridiction a répondu, point par point, à l’appui d’arguments tirés du Code électoral, de la Constitution et d’autres textes en vigueur au Niger, à tous les moyens soulevés par Mahamane Ousmane et ses divers Conseils juridiques. Mais curieusement, dans un communiqué rendu public, Mahamane Ousmane fit savoir que la Cour n’aurait pas examiné tous ses recours. Pourtant, l’arrêt de la haute juridiction est bien là pour en attester le contraire. En effet, sur tous les points d’annulation demandés à la Cour, que ce soit dans le fonctionnement des bureaux de vote ou dans la composition de leurs membres, la Cour Constitutionnelle a débouté Mahamane Ousmane de toutes ses prétentions.
Le débat semblait donc closdéfinitivement, car les arrêts de la Cour Constitutionnelle sont insusceptibles de recours et s’imposent à tous, autorités civiles comme militaires. Mais quelle ne fut notre surprise de constater, que, en dépit de ce caractère irrévocable de la décision de la haute juridiction, Mahamane Ousmane signe et persiste dans son déni de la réalité.
Dans un premier temps, dans une sorte de fuite en avant, il avait appelé à une ‘’une marche pacifique et fraternelle’’, mais étrangement sans préciser le timing. Dans un second temps, montant en crescendo, le leader du RDR Tchanjivient carrément d’appeler à ‘’une marche citoyenne’’ à partir du mardi 30 mars jusqu’à … ‘’satisfaction totale’’.
En réalité, les masques tombent les uns après les autres aujourd’hui, en dissimulant ce message à l’insurrection populaire, sous des vocables sibyllins et sournois, c’est à une véritable remise en cause du verdict final de la Cour constitutionnelle qu’il invitait implicitement. C’est non seulement très grave et irresponsable, mais vient éclairer d’un jour nouveau sur les prétendues qualités de démocrate et de sage dont Mahamane Ousmane aura été jusque-là affublé au Niger. A 71 ans révolus, le candidat malheureuxnous supplie de mettre à feu et à sang le Niger si jamais on ne lui ‘’donnait’’ pas la présidence de la république! Quand certains verront dans cette attitude négative, voire totalement démentielle de la dégénérescence politique, pour nous autres observateurs, plus circonspects sans doute, y aurons vu, au contraire, le goût immodéré du pouvoir pour le pouvoir chez le personnage.
En fait, c’est à tort qu’on a toujours voulu attribuer ces qualités de bon démocrate à Mahamane Ousmane, car souvenez-vous, au lendemain des législatives anticipées de 1995, il avait déjà refusé la victoire du nouveau tandem MNSD/PNDS, aux motifs que les circonscriptions spéciales auraient été illégales, mais pourtant son parti y avait envoyé des candidats! Pour plaider sa cause, il avait même fait venir au Niger, le célèbre Avocat des causes perdues, Me Jacques Verges!
Malheureusement pour lui, la Cour constitutionnelle de cette époque avait jugé irrecevables les arguments de l’Avocat français et avait confirmé la victoire du duo Hama/Issoufou! Comme on le voit, cela fait bien partie de l’ADN de Mahamane Ousmane de toujours contester, quand cela ne lui est pas favorable, la décision du Juge électoral. Au contraire de Mahamane Ousmane, le Président Issoufou Mahamadou a toujours observé une certaine déférence envers les institutions judiciaires, même lorsque les décisions de celles-ci ne sont pas conformes à ses vœux. C’est là une démarche républicaine et responsable qui justifie, sans doute, la réussite de son engagement politique aujourd’hui.
Pourtant, quoi qu’aient pensé Mahamane Ousmane et ses soutiens politiques de l’actuel processus électoral, celui-ci a été jugé régulier, transparent et équitable par l’ensemble des observateurs présents au Niger. Mieux, l’Ambassade des Etats Unis d’Amérique‘’salue le processus électoral légal du Niger’’ et appelle au respect strict de la décision de la Cour Constitutionnelle qui a validé la brillante élection de Mohamed Bazoum à la présidence de la république. Pour Jo Bidden et ses collaborateurs, le respect de l’ordre constitutionnel au Niger est une exigence non-négociable.
Pour terminer, nous osons espérer que face à l’irréversibilité du processus électoral età l’irrévocabilité des décisions de la Cour Constitutionnelle, les uns et les autres reviendront sur terre, pour plus garder raison afin d’accepter définitivement ce qui s’impose comme la seule voie légale d’accession démocratique au pouvoir. La démocratie, dit-on, n’est pas simplement un mot, mais c’est aussi un comportement. Il savait ce qu’il disait !
Par Zakari Alzouma Coulibaly