Monsieur le Secrétaire Exécutif, vous avez été élu au poste de Vice-président de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CNULCD) au titre de l’Afrique pour un mandat de deux (2) ans à l’issue de sa 14ème session qui s’est tenue du 2 au 13 septembre 2019 à New Dehli en Inde ; quelle est concrètement la mission qui vous a été assignée ?
Je tiens d’abord à vous féliciter du travail d’éducation et de sensibilisation du grand public que vous faites à travers ce genre d’interview, sur les questions sensibles et de l’heure ainsi que les thématiques pertinentes et émergentes dans la conduite des activités quotidiennes de gestion de notre pays au niveau central et décentralisé.
Pour revenir à votre question, je voudrais préciser que je ne suis pas élu Vice-président de la CNULCD mais plutôt du Bureau de la 14ème session de la CNULCD. A ce sujet, permettez-moi de rappeler que les décisions de la mise en œuvre de la CNULCD sont prises à travers une instance qu’on appelle la Conférence des Parties (CdP). Celle-ci tient ses sessions ordinaires tous les deux ans. A chaque session ordinaire, elle élit un bureau composé d’un Président qui relève du pays hôte et de neuf Vice-présidents. L’élection des Vice-présidents tient dûment compte de la nécessité d’assurer une répartition géographique équitable et une représentation adéquate des pays touchés Parties par la désertification et les sécheresses, en particulier ceux qui se trouvent en Afrique.
C’est dans ce contexte que le Niger, je dis bien le Niger, a été élu, à travers ma modeste personne, Vice-président de la 14ème session de la CNULDC (CdP14) qui s’est tenue du 2 au 13 septembre 2019 à New Dehli en Inde pour un mandat de deux ans et dont la présidence est assurée naturellement par le Ministre en charge de l’Environnement de l’Inde.
S’agissant de ma mission, je la situe dans le cadre général de celle assignée au bureau de la CdP. En plus de superviser la session de la CdP en cours, le bureau joue également un rôle important dans le processus de la Convention en dehors des sessions ; ainsi, il dirige divers aspects du suivi de la CdP, notamment la mise en œuvre des décisions des CdP précédentes et des préparatifs de la prochaine CdP pendant deux ans, c’est-à-dire jusqu’à la CdP15 qui, pour notre cas, se tiendra en 2021. Le bureau est aussi chargé de superviser, lors de plusieurs réunions entre deux CdP, des tâches, des processus ou des questions d’intérêts spécifiques ou majeurs pour les pays Parties à la convention ou les régions, en contentieux ou en suspens. On comprend que la tâche est énorme et nécessite un engagement personnel et un soutien fort, surtout lorsqu’il s’agit de prendre position comme je l’ai dit par rapport à des questions d’intérêts majeurs pour des Parties, régions ou groupe de régions.
Le Niger qui est un pays sahélien au ¾ désertique continue de faire beaucoup d’efforts en matière de lutte contre la désertification et le changement climatique ; quelles ont été les principales actions entreprises par notre pays ces dernières années pour freiner l’avancée du désert et atténuer les effets liés aux variabilités climatiques ?
Effectivement, il est par exemple indiqué au Niger, et le Président de la République SEM ISSOUFOU MAHAMADOU ne cesse de le répéter, que 100 000 hectares de terres se dégradent chaque année. Pour faire face au fléau de la désertification et de la dégradation des terres, le Niger s’est doté depuis 2000 d’un Plan National de l’Environnement pour un Développement Durable (PNEDD), dont un des six programmes prioritaires est le Programme d’Action National de Lutte Contre la Désertification et de Gestion des Ressources Naturelles (PAN/LCD-GRN). Le Niger a donc placé la lutte contre la désertification au cœur de ses priorités nationales de développement et, au fil des années, il a élaboré et mis en œuvre des politiques et stratégies en vue d’inverser la tendance à la dégradation des terres et lutter contre les sécheresses. Déjà en 1984, un débat national sur la lutte contre la désertification a été organisé et a permis d’élaborer et de mettre en œuvre de manière participative un ensemble cohérent de stratégies et de politiques appelé «Engagement de Maradi». Aussi, il est bien connu dans ce cadre, qu’avec la fête de l’indépendance, le 3 août de chaque année est consacré à la plantation de millions d’arbres. Aujourd’hui encore, à l’initiative du Président de la République, SEM ISSOUFOU MAHAMADOU, l’Etat a entrepris d’autres réformes dont entre autres : le Programme de Renaissance II, la Politique nationale en matière de l’environnement et du développement durable, la Contribution déterminée au niveau national (CDN) dans le domaine des changements climatiques, le Programme de développement Economique et Social, l’Initiative 3N «les Nigériens Nourrissent les Nigériens» et le Cadre stratégique de la gestion durable des terres (CS-GDT) et son plan d’investissement, etc. Aussi, au plan régional et international, le Niger a adhéré à plusieurs cadres et accords internationaux qui concourent à la lutte contre ces fléaux. Permettez-moi à ce sujet de citer deux exemples. C’est le cas de l’Initiative Grande Muraille Verte (GMV) au Sahara et au Sahel qui permettra dans les Etats membres de lutter contre les effets néfastes des changements climatiques et de la désertification ainsi que la perte de biodiversité, afin d’engendrer des impacts socio-économiques hautement positifs sur les populations et d’assurer la gestion durable des ressources naturelles et le développement intégré des zones arides ciblées. C’est également le cas de l’Initiative africaine de restauration des paysages forestiers. Ces programmes permettront à terme de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées à l’horizon 2030 avec un objectif annuel de 213 000 hectares pour inverser effectivement la tendance. Pour finir sur cette question, je voudrais souligner que l’effet de toutes ces actions, est que nombre de zones de notre pays sont entrain de reverdir aujourd’hui pour ne pas dire qu’elles sont vertes.
Depuis la Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21) qui s’est tenue à Paris en 2015, il a été demandé aux pays signataires de l’accord de Paris sur le Climat l’élaboration d’un document appelé Contribution Nationale Déterminée (CND). Où est-ce que nous en sommes par rapport à cet engagement ?
A l’instar de plusieurs pays parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, le Niger a, conformément aux engagements pris lors de la COP 20 tenue à Lima au Pérou en 2014, élaboré sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN) en 2015. La Décision 1-CP.21 relative à l’adoption de l’Accord de Paris stipulant que tout pays qui communique sa CPDN avant son adhésion à l’Accord de Paris peut considérer qu’il a communiqué sa première Contribution Déterminée au niveau National (CDN) et c’est le cas du Niger car il a communiqué sa CPDN au Secrétariat de la Convention en septembre 2015 et ratifié l’Accord le 21 septembre 2016. Le Niger a donc rempli son engagement et il est même dans le processus de la révision de cette CDN car, selon toujours la même décision, les pays doivent communiquer ou actualiser selon les cas, leurs CDN et le faire ensuite tous les cinq ans conformément au paragraphe 9 de l’Accord de Paris.
Le Conseil National de l’Environnement et de Développement Durable (CNEDD) dispose d’un certain nombre de commissions techniques qui travaillent en étroite collaboration ; quelles sont ces commissions et quelle est la tâche de chacune d’elles ?
Organes techniques, ces commissions ont pour mission d’appuyer le Secrétariat Exécutif du CNEDD dans l’élaboration, la mise en œuvre des programmes prioritaires et de la politique nationale en matière d’environnement et de développement durable ainsi que de leur suivi et évaluation. Les commissions techniques, au nombre de sept (7), sont les suivantes : la Commission Technique Nationale sur les Changements et Variabilité Climatiques, créée par arrêté N° 054P/CNEDD/SE du 21 Juillet 1997 dont la présidence est assurée par le Ministère des Transports et du Tourisme à travers la Direction de la Météorologie Nationale (DMN). Cet arrêté a été modifié et complété par celui n°050 PM/SE/CNEDD du 7 juin 2006 pour prendre en compte certaines structures détentrices des données relatives aux émissions des gaz ainsi que la création des groupes thématiques ; la Commission Technique Energie et Développement Durable créée par arrêté N° 018PM/SE/CNEDD du 25 avril 2002 et présidée par le Ministère des Mines et de l’Energie à travers la Direction des Energies Renouvelables ; la Commission Technique Environnement Urbain et Cadre de Vie, créée par arrêté N° 078/PM/CNEDD du 1er septembre 2003 et présidée par le Ministère en charge de l’Urbanisme à travers la Direction de l’Urbanisme ; la Commission Technique Diversité Biologique, créée par arrêté N° 053/PM/CNEDD du 21 juillet 1997 et présidée par le Ministère en charge de l’Environnement à travers la Direction de la Faune, Pêche et Pisciculture. Cet arrêté a été modifié et complété par l’arrêté N° 46/PM/SE /CNEDD du 23 avril 2004 ; la Commission Technique Lutte Contre la Désertification et Gestion des Ressources Naturelles créée par arrêté N° 066/PM/SE/CNEDD du 22 Août 1997 et présidée par le Ministère en charge de l’Environnement à travers la Direction de l’Environnement ; la Commission Technique Eau et Développement Durable, créée par arrêté N° 0045/PM/CNEDD du 23 Avril 2004 et présidée par le Ministère de l’Eau, de l’Environnement et de la Lutte contre la Désertification à travers la Direction des Ressources en eau et la Commission Technique sur le financement du PNEDD, créée par arrêté N°093/PM/CNEDD du 05 novembre 1997 dont la présidence est assurée par le Ministère de l’Economie et des Finances à travers le Commissariat Chargé du Développement.
Les défis du Niger sur les questions environnementales sont énormes (lutte contre la désertification ; les changements climatiques avec tout un lot de conséquences telles que les inondations, les sécheresses, les migrations, …). Comment se présente notre horizon ? Y a-t-il des raisons d’espérer ?
Permettez-moi de vous répondre par ces mots : «L’angoisse ne conduit jamais à l’action» tirés du Livre de George Marshall, le Syndrome de l’autruche, pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique (Actes Sud, 2017).
Cela pour notifier que depuis la signature de l’Accord de Paris, les choses bougent, bougent, bougent et une dynamique s’opère. On remarque que face aux constats alarmants de toutes parts, les questions émergentes liées à l’environnement et le développement durable, à la lutte contre la désertification, aux changements climatiques et leurs effets néfastes et à l’érosion de la biodiversité, dépassent les frontières d’un pays. Elles mobilisent et unissent aujourd’hui tous les acteurs y compris les non-étatiques. Et, face aux sceptiques, plus de 20 000 études et rapports scientifiques sur l’état de la planète nous poussent aujourd’hui à rester optimistes. Au Niger, cela va de soi car la volonté et l’engagement politique y sont fermes, en témoignent le rôle stratégique et le leadership reconnus du Président de la République SEM ISSOUFOU MAHAMADOU sur ces questions aux niveaux régional et international.
Réalisé par Hassane Daouda(onep)