A ce jour, environ 8000 dossiers de patients suivis sont enregistrés au Centre National de Référence de la Drépanocytose (CNRD). Pourtant, il y’a quelques années, le nombre de ces dossiers était de 3000 à 4000. Comme on le voit, le Niger fait partie des pays où la drépanocytose constitue un problème majeur de santé publique du fait de sa prévalence élevée, estimée à 23,2%.
La drépanocytose est une maladie héréditaire qui se manifeste par la diminution des globules rouges, ou l’anémie, qui est le manque de sang. Une autre particularité de cette maladie est que les globules rouges prennent la forme d’une banane, ce qui empêche le sang de circuler normalement dans les vaisseaux. Le blocage ainsi créé provoque des douleurs essentiellement au niveau des os, voire de tous les organes.
La température actuelle est défavorable pour les malades de la drépanocytose du fait de la fréquence de leur crise qui augmente pendant cette saison froide. Cela suscite l’inquiétude chez les personnes souffrant de cette maladie génétique douloureuse, invisible et méconnue. Celles-ci étant de plus en plus exposées aux maladies courantes telles que les infections des voies respiratoires, le paludisme, la fièvre typhoïde etc.
Selon Docteur Hamidou Tahirou Hannatou, médecin au Centre National de Référence de la Drépanocytose (CNRD) il y’a plusieurs formes de drépanocytose, il y’a d’abord la drépanocytose hétérozygote qui n’est pas symptomatique le plus souvent. Ce sont les formes AS, c’est-à-dire, le sujet est porteur du gène, il transmet le gène mais ne développe pas la maladie. Il y’a aussi les formes majeures qui contiennent trois grandes formes notamment la forme SS, la forme SC et les formes Bêta thalassémique. Selon Dr Hannatou, les globules rouges du drépanocytaire sont très sensibles aux variations de température. «Ce n’est pas seulement le froid, même s’il fait très chaud, ou en saison pluvieuse le patient peut faire une crise», indique-t-elle.
Le médecin précise que les manifestations cliniques de la drépanocytose dépendent de l’âge de l’enfant. Premièrement, entre 0 et 05 mois, les enfants présentent ce qu’on appelle le syndrome pieds mains ; c’est une tuméfaction. A cette période, dit le médecin les enfants ont les membres qui leur font mal notamment la paume des mains et les dos des pieds qui s’enflent. Cette manifestation apparaît le plus souvent vers l’âge de 6 mois. Le bébé commence à être pleurnichard et progressivement la maman remarque les mains et les pieds qui s’enflent. Par la suite, après 5 ans, la symptomatologie commence à changer. Entre 5 et 10 ans, l’enfant présente parfois des infections récurrentes surtout les infections ORL, les infections pulmonaires, les infections digestives et le infections osseuses. C’est le moment où l’enfant fait le plus d’infection, précise le médecin Hannatou.
Parfois les enfants font également ce qu’on appelle le syndrome thoracique aiguë. C’est d’ailleurs, prévient-elle, la complication la plus redoutée. Le drépanocytaire présente une douleur thoracique, avec des difficultés respiratoires parfois associées à une symptomatologie infectieuse.
Après l’âge de 10 ans, a-t-elle poursuivi, apparaissent ce qu’on appelle les complications dégénératives. «Comme toute maladie chronique, elle peut attaquer les yeux. On peut avoir des complications osseuses, des complications cardiaques, et des complications rénales qu’on appelle la néphropathie drépanocytaire. Elle apparaît le plus souvent vers l’âge de 10 ans. On peut avoir également des priapismes, c’est l’âge où les complications apparaissent parfois au niveau du cœur, des reins, des yeux et même du cerveau parfois», explique le médecin.
Quelques mesures de précautions à prendre en saison froide
Pour le drépanocytaire, l’hygiène de vie doit être très importante. Il doit prendre soin de lui, bien se couvrir, se protéger, contre l’agression climatique. Le drépanocytaire doit boire beaucoup d’eau. «En se réhydratant cela évitera l’hyper coagulabilité du sang et assurera la circulation du sang dans les vaisseaux», explique le médecin. Dr Hannatou conseille au drépanocytaire d’être à côté de son médecin. «Après 10 ans si le patient n’est pas suivi des complications peuvent apparaître, petit à petit sans qu’il ne s’en rende compte parce qu’il n’y a pas de douleur et si ça apparaît cliniquement en ce moment-là, ça peut dégénérer», prévient-elle. De ce fait, tout sujet drépanocytaire doit faire l’objet d’un suivi régulier par un médecin. Il devra obligatoirement prendre son traitement tous les jours et ne pas l’interrompre, sans l’accord de son médecin traitant. Cela réduira le risque de complications graves. De nos jours, les drépanocytaires vivent très longtemps tant qu’ils sont bien suivis. Dans le suivi, a notifié le médecin, il y’a ce qu’on appelle le traitement de fond. «Nous mettons des médicaments pour éviter les infections et pour lutter contre l’anémie. Il faut savoir que la drépanocytose se guérit par la thérapie génique ou la greffe de moelle osseuse, qui ne se fait pas au Niger. D’où l’intérêt d’insister sur la prévention, en évitant le mariage entre deux drépanocytaires AS, des unions consanguines. Le dépistage prénuptial doit être aussi systématique», a fait savoir le médecin.
Le nombre de patients suivis par le Centre National de Référence de la Drépanocytose en progression
Ce centre a pour mission la prévention, le dépistage, la prise en charge psycho-médicale et le conseil génétique des malades. Situé auparavant sur le site actuel du centre international de conférences ‘’Mahatma Gandhi’’ de Niamey, le centre siège aujourd’hui au quartier Terminus. Le CNRD est la seule formation sanitaire spécialisée dans la prise en charge des drépanocytaires sur toute l’étendue du territoire nigérien. Là, les patients sont régulièrement suivis et traités sur la base des dossiers qui leur sont ouverts. Cependant, le centre à lui seul n’est pas en mesure d’accueillir tous les patients du fait de la promiscuité des lieux. Malgré la demande élevée des services de soins, le CNRD ne dispose que de trois salles d’hospitalisation avec chacune 9 lits ce qui parait insuffisant au vu du nombre d’hospitalisations par jour.
En cette saison froide, le CNRD accueille environ 60 personnes par jour, du côté des urgences, parmi lesquelles 9 à 10 sont hospitalisées. S’agissant des malades qui sont suivis régulièrement, hors crise, le centre reçoit 40 à 50 patients par jour. Dans la salle pédiatrique (celle des garçons et celle des filles), les patients sont parfois à 2 voire 3 par lit. Selon les informations reçues au CNRD à ce jour, le centre a plus de 8000 dossiers de patients suivis alors qu’il y’a quelques années ils n’y avait que 3000 à 4000 dossiers. Cela prouve que la maladie prend de l’ampleur de jour en jour alors que le centre a perdu beaucoup en termes de capacité depuis le délogement. Le centre possède un service social pour la prise en charge des cas sociaux même si les produits pharmaceutiques ne sont pas toujours disponibles.
Une maladie douloureuse, coûteuse et qui fait des ravages
La conséquence la plus grave de la drépanocytose est qu’elle affaiblie financièrement les patients et ou leurs parents. En effet, les personnes souffrant de cette maladie sont régulièrement hospitalisées et utilisent de ce fait, toutes leurs économies pour s’acheter les produits pharmaceutiques qui permettent de calmer pendant un temps les douleurs. La présidente de l’Association de Lutte contre la Drépanocytose au Niger (ALDN), témoigne de cette situation. Etant parent de deux drépanocytaires, elle a, avec un groupe des parents de drépanocytaires, créé l’ALDN pour garantir une meilleure prise en charge de ces malades. Mme Hima a indiqué que la situation est très pénible à vivre. Pour elle, chaque parent d’enfant drépanocytaire est un cas social. Sans aucune assurance maladie, les frais liés à l’achat de médicaments, aux coûts de l’hospitalisation et des examens médicaux sont le plus souvent hors de portée des patients. Disposant d’un faible revenu, ces personnes n’ont pas toujours les moyens financiers pour y faire face.
En effet, a indiqué Mme Hima, une enquête menée par un médecin de l’hôpital national a relevé en 2009 que seul 9% des parents nigériens sont en mesure de prendre en charge un enfant drépanocytaire. Depuis lors, estime-t-elle, la situation s’est encore dégradée. «Si on refait cette étude, à peine on pourrait avoir 2% qui peuvent assurer la prise en charge de cette maladie», a-t-elle estimé. Selon la présidente de l’ALDN, le coût d’une crise drépanocytaire sans complications est estimé à 20.000 FCFA chez l’enfant, et à 17.000 FCFA chez l’adulte. Le coût d’une hospitalisation pour une crise sans complications est estimé entre 50.000 à 60.000 FCFA. Pour une hospitalisation avec complications, le coût varie entre 200.000 et 3.000.000 de FCFA, alors que le SMIG au Niger est de 30.047 FCFA. Pour Mme Hima, qu’aucun parent, quel qu’en soit son statut ne peut faire face à des crises récurrentes d’un drépanocytaire. Pour la présidente de l’ALDN, la prise en charge de cette maladie est presque inexistante dans la mesure où, les malades continuent d’avoir les mêmes préoccupations. Que ce soit chez les enfants que chez les adultes. Il est très difficile de vivre avec la drépanocytose. Elle est coûteuse et il n’y a pas un soutien considérable sur lequel le patient peut compter. Le patient ne sent pas une diminution du coût des médicaments, de l’hospitalisation qui serait rendue possible par une subvention de l’Etat ou des partenaires. «Au niveau de notre association on soutient beaucoup de cas sociaux et le CNRD également à travers son service social mais à nous seuls on ne peut pas», a-t-elle notifié.
C’est pourquoi, Mme Hima a lancé un appel à l’endroit de l’Etat qui doit intensifier l’aide en médicaments. «L’Etat fait des dons parfois mais nous voulons que ces dons soit intensifiés. Qu’on ait aussi une prise en charge, une sorte de subvention pour les médicaments des drépanocytaires, qui sont des malades à part parce qu’on nait avec la maladie et on meurt avec la maladie. Pendant 50 ans 60 ans vous allez soigner une maladie qui ne peut pas guérir. Nous demandons à l’Etat de revoir le cas des parents des drépanocytaires, de faire une sorte de subvention sur les médicaments au niveau des pharmacies, d’améliorer cette subvention au niveau des examens, et de réduire le cout des examens au niveau du Laboratoire», a conclu Mme Hima Fatchimatou.
Vu les conséquences engendrées par cette maladie aussi bien sur le plan économique que sanitaire, les sensibilisations doivent être orientées de plus en plus dans le sens du dépistage afin de déceler tôt le mal chez les jeunes couples qui préparent le mariage.
Le dépistage ou bilan prénuptial, une mesure pour prévenir les conséquences
Affection héréditaire chronique, handicapante et coûteuse, la drépanocytose provoque quelques fois des drames familiaux. D’où la nécessité de procéder à un dépistage voire un bilan prénuptial pour éviter ou réduire le risque de concevoir des enfants drépanocytaires «SS».
Malheureusement, il y a des personnes qui, dès leur première rencontre, sont parfois aveuglées par l’amour. Elles se marient très vite pour notamment faire des enfants. La majorité d’entre eux le font sans au préalable connaitre leur statut sérologique et hémoglobinique. Cependant de ces unions peuvent naître des enfants drépanocytaires dont certains peuvent même développer une forme grave de la maladie. Ce sont des sujets «SS», des enfants issus de deux parents drépanocytaires et qui à leur tour développent une forme grave de la maladie.
Le dépistage est la seule alternative qui se présente aux couples pour savoir si l’homme ou la femme choisie pour passer le reste de sa vie est le meilleur. Selon les spécialistes de la santé, lorsque l’un des partenaires est d’hémoglobine Aa, il n’y a aucune possibilité que ce couple ait des enfants drépanocytaires. Par contre, si les deux partenaires sont porteurs de trait (As-As), (As-Ss), (Ac-As), (Cs-As), (Sc-Ss), (Ac-Sc), (Ss-Ss), (Ss-Ac), (Sc-Sc), (As-Sc), il y a de forte chance que l’un des enfants ait la maladie.
Par Aminatou Seydou Harouna(onep)