La drépanocytose reste encore largement méconnue des populations. Au Niger, on combat bien souvent seul ce mal qui fait des ravages dans les familles. La maladie fait souffrir financièrement, physiquement et psychologiquement. Elle est extrêmement douloureuse et invalidante et demande des moyens consistants. Les patients et les parents d’enfants souffrant de cette maladie plaident pour une subvention vu que le traitement est long et coûteux.
Etant une maladie génétique, invisible et méconnue, la drépanocytose est difficilement prise en considération dans notre société. Isolement, insultes, pleurs, difficulté d’exercer son commerce, telles sont entre autres les caractéristiques de la vie des patients. Salamatou Mayaki, une jeune femme drépanocytaire âgée de 35 ans rencontrée au CNRD raconte le quotidien d’une personne souffrant de la maladie en retenant à peine ses larmes. A travers l’expression de son visage on peut tout de suite comprendre toute la peine et la souffrance qu’elle vit au quotidien. N’ayant pas les moyens pour la prise en charge de sa maladie, elle essaye tant bien que mal d’exercer son petit commerce. Elle rapporte que la maladie s’est manifestée (d’après ses parents) lorsqu’elle avait 6 mois. Elle a eu une enfance plutôt difficile car toujours entre les centres hospitaliers et la maison.
«Les gens ne comprennent pas, ils disent même parfois que tu fais semblant. Alors que la maladie te met dans un état de fatigue permanent qui peut te restreindre, tu sors moins», a-t-elle expliqué. Lorsque la crise survient, Salamatou peut, en une journée, dépenser 10.000 FCFA à plus, chose qu’elle n’arrive plus à assurer car son état ne lui permet plus de continuer son petit commerce. «Je suis tout le temps malade, je ne peux rien faire qui nécessite de la force physique, les personnes qui m’aidaient sont fatiguées de le faire, parfois c’est le service social du CNRD qui nous donne des produits lorsqu’ils sont disponibles et ce n’est pas toujours», a précisé Mlle Salamatou. D’où son appel à l’Etat, et aux bonnes volontés pour un appui dans la prise en charge de cette maladie. «On oublie cette maladie parce qu’elle n’est pas contagieuse. Ce n’est pas une maladie comme le sida ou la Covid 19. Nous ne pouvons certes pas avoir une gratuité totale, mais on plaide pour une réduction des coûts de la prise en charge sur des consultations, les examens et les hospitalisations qui sont presque hors de portée. Je demande aux autorités d’accorder plus d’attention à cette maladie qui tue énormément, qui fait des ravages», tel est son cri de cœur.
Mme Zeynabou Abdoul Karim est une mère au chevet de sa fille Fatouma âgée de 10 ans, hospitalisée au centre. Elle confie que sa fille avait 3 ans quand elle a été diagnostiquée drépanocytaire avec la forme SS car elle n’arrivait pas à marcher. Mme Zeynabou Abdoul Karim, classée dans les cas sociaux du CNRD manque de moyen pour assurer la prise en charge et le suivi de sa fille. «Parfois c’est tellement pénible et dure que même de quoi payer le transport pour se rendre au centre nous manque», dit-elle la tête baissée, ajoutant que chez la petite Fatouma, les crises sont répétitives avec parfois un mois d’intervalle.
Infirmière de son état et mère de drépanocytaire, Mme Halima Hama connaît bien la peine que vivent les parents des enfants malades. «Quand on a un enfant drépanocytaire on est toujours fréquent au centre. Quand tu es fréquent, même si tu es une personne nantie il va arriver des jours où tu n’as même pas un franc. D’où la nécessité d’avoir une prise en charge de l’Etat», a-t-elle estimé. «Personne ne te soutient, même les maris nous oublient, parfois tu ne vois même pas le mari qui est le père de l’enfant à plus forte raison un membre de la famille», a déploré Mme Halima.
M. Mahamadou, fonctionnaire de l’Etat, père de deux jeunes filles drépanocytaires de la forme SS et SC affirme que depuis que la maladie a été détectée, mis à part les traitements qu’elles reçoivent au centre, chaque jour elles doivent prendre deux médicaments prescrits par le médecin qui les suit. Ce sont des médicaments qui coûtent cher. «Nous payons un paquet de chaque médicament par semaine ce qui fait 4 paquets par mois. Les deux paquets font dans les 5000F. Souvent il faut payer en blocs pour qu’il n’y ait pas de rupture», a-t-il précisé. Au moment, des crises elles sont amenées directement au centre de référence et on paye les soins d’urgence.
Selon M. Mahamadou, souvent on parle de prise en charge mais elle n’est pas effective pour les drépanocytaires. «A des rares occasions nous bénéficions gratuitement des médicaments c’est à dire quand les associations font des dons au centre des drépanocytaires et c’est surtout si vous êtes enregistrés là-bas, s’il n’y a pas de disponibilité il y a une pharmacie où il faut acheter ou aller en ville chercher», a-t-il notifié. En cas d’hospitalisation, avec ses deux filles, c’est au minimum entre 50.000 et 260.000 FCFA qu’il dépense. «Si un seul enfant tombe malade vous avez au minimum entre 20.000 et 100.000 à dépenser même si c’est une semaine ou trois jours d’hospitalisation», confie M. Mahamadou qui plaide pour une subvention de l’Etat qui diminuera certaines charges liées à la maladie.
Par Aminatou Seydou Harouna(onep)