De prime abord, il conviendrait de savoir qu’une réforme scolaire est un processus de transformation totale, positive et féconde du système scolaire. A l’issue d’une réforme véritable, certaine et concrète, il faut que le changement soit perceptible de manière significative.
Concernant l’histoire nationale du Niger ; pour ce qui était des tentatives d’améliorations du système éducatif nigérien de 1960 à 2012, il eut les réformes scolaires suivantes.
De 1960 à 1964, il eut la réforme partielle du système éducatif nigérien. C’était ainsi que, concernant l’enseignement du Français, on dégagea les textes métropolitains (de France), pour faire valoir les écrits des auteurs africains. On introduisit le principe de l’Etude du Milieu en cumulant : la Science, la Géographie et l’Histoire. On eut à concevoir de nouveaux manuels didactiques de Français comme : Le Voyage d’Oumarou. On avait eu à concevoir de nouveaux manuels d’Histoire comme : Les Récits Historiques pour le niveau CE ; L’Histoire du Niger, l’Afrique et le Monde pour le niveau CM. On avait eu également à concevoir ; Un nouveau livre de Géographie pour le niveau CM, intitulé : Le Niger ; un nouveau manuel de Vocabulaire intitulé : Trente Leçons de Vocabulaire pour le niveau CM. Mais de changements de fond en comble pour tout le système éducatif ; cela ne fut pas fait à l’accession du Niger à l’indépendance. Alors même que c’était cela qu’il eût fallu faire pour pouvoir avoir une école authentiquement nigérienne, prenant en compte les problèmes de développement qui se posent avec acuité.
De 1964 à 1979, il eut l’expérimentation de l’Enseignement Télévisuel dans trois régions administratives du Niger ; à savoir : Niamey, Dosso et Tillabéry. Cette expérimentation avait concerné deux cohortes allant du CI au CM2. Par manque de crédits financiers, ladite expérimentation télévisuelle fut arrêtée ; alors le Général Seyni Kountché en 1979, transforma la Télévision Scolaire en Télévision Nationale.
En 1968, la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture dans les Cours Préparatoires (1ère année et 2ème année) fut abandonnée. On lui substitua la méthode globale d’apprentissage de la lecture valorisée par les ouvrages de la Collection Henri Tranchart ; dont le livre phare avait été : La Famille Boda. La Collection Mamadou et Bineta usitée depuis les temps coloniaux fut carrément abandonnée. Ce fut une erreur grotesque et monumentale. Il eut fallu garder la méthode syllabique ; laquelle favorise véritablement l’apprentissage de la lecture dans les Cours Préparatoires.
Au niveau de l’école primaire, 70% des élèves n’arrivent pas à lire couramment ; en tout cas, sans « trébucher » ; alors si c’est ce problème de Dyslexie qui est résolu, cela serait mieux qu’autre chose de virtuel et sans conteste d’évanescent.
De 1970 à 1975, il eut l’expérimentation de la formation des « Maitres UNESCO » à l’Ecole Normale de Zinder. C’était une formation qui était financée essentiellement par l’UNESCO et accessoirement avec l’appui de l’UNICEF. C’étaient des élèves maitres formés de façon polyvalente et destinés pour le milieu rural, en vue de l’encadrement des populations paysannes. Malheureusement cette expérimentation très positive, fut détournée de ses objectifs premiers ; et l’on préféra la formation des Professeurs de CEG.
En 1971, le Président de la République de l’époque : Diori Hamani fit une tournée générale dans la région administrative de Zinder. A l’issue de ladite tournée, une Conférence des Cadres fut organisée. Les responsables régionaux eurent alors à parler des problèmes de développement qui se posaient à la région de Zinder. L’Inspecteur d’Académie : Marcel Inné qui avait toute la région de Zinder en charge sur le plan éducatif, profita de l’opportunité à lui offerte, pour mettre la puce à l’oreille du Président Diori Hamani ; c’est-à-dire pour avertir le Président Diori Hamani sur le fait que jusqu’en 1971, le Niger n’avait pas sa propre école à lui. Et que c’était toujours l’école coloniale qu’il continuait à utiliser. Il suggéra la mise en place d’une nouvelle école nigérienne.
Perméable aux bonnes propositions de changement, une fois rentré à Niamey, le Président Diori Hamani, lors du Message à la Nation du 3 août 1972, annonça ceci : « L’enseignement primaire, il faut le repenser entièrement, quant à ses méthodes, quant à ses structures, quant à son contenu, quant à ses finalités ; les uns et les autres étant d’ailleurs liés ».
Alors par le Décret n° 72-45/PRN/ MEN du 09 mai 1972, le Président Diori Hamani, fit mettre en place une Commission Nationale de Réforme de l’Enseignement avec Plan de Scolarisation (CNRE/PS). La commission nationale de réforme fut placée sous les auspices de l’Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré : Mamane Ada. La commission nationale de réforme, s’attela très vite au travail. Elle fit créer les toutes premières écoles bilingues (Français/Haoussa) à Zinder en 1973 et (Français/Sonraï-Zarma) à Tillabéry en 1976. Elle élabora les premiers programmes d’enseignement du premier degré authentiquement nigériens. Ces premiers programmes furent adoptés par l’arrêté n°37/ MEN/FP/SG du 17 mars 1988. Et depuis ce temps-là, ils sont toujours en vigueur dans les écoles primaires. Ils n’ont juste fait que l’objet de quelques modifications. Alors même que normalement tous les dix ans, les programmes d’enseignement doivent être changés. On mesure alors le travail véritable qui aurait pu préoccuper le Ministère de l’Education Nationale.
La réforme de 1972, fut en vérité, la seule véritable réforme profonde du système éducatif nigérien.
En 1975 à Mataméyé dans la région administrative de Zinder, un Séminaire-Atelier se tint dans ladite localité. A l’issue dudit Séminaire-Atelier, il fut institué les Activités Pratiques et Productives (APP). Lesdites activités pratiques et productives, valorisaient le travail manuel, selon les activités classiques de développement hérités des ancêtres. Mais par négligence, les activités pratiques et productives furent abandonnées.
En 1977, le Ministre Amadou Madougou ; alors Directeur de l’Enseignement du Premier Degré (DEPD) au Ministère de l’Education Nationale, fit faire la réforme du CEPE et du Concours des Bourses. Il réussissait à cumuler trois examens (le Brevet Sportif, le Concours des Bourses et le CEPE), pour en faire un seul examen de fin d’année pour l’école primaire appelé Certificat de Fin d’Etudes du Premier Degré (CFEPD). Il eut un gain de temps, il eut « dégagement » de tout ce qui était super- fétatoire, il eut économie sur le plan financier concernant les dépenses des examinateurs et des candidats, il eut véritablement changement ; c’est cela une réforme.
Entre 1980 et 1990, il eut la valorisation de la Méthode dite : Méthode des Centres d’intérêt. Celle-ci avait consisté durant toute la journée scolaire à faire cours sur le même contenu. Par exemple concernant l’Eau, parler en lecture de la crue des eaux, en géographie de l’hydrographie du Niger, en sciences parler des états de l’eau, en histoire parler des batailles guerrières qui se fussent développées sur le Fleuve Niger, etc.
En 1990, il eut la mise en valeur de la Pédagogie Par Objectifs (PPO) ; en remplacement de la Pédagogie des Contenus. Il eut également la valorisation du Programme Formation et Information sur l’Environnement (PFIE) ; il eut le Programme d’Education en Matière de Population et d’Economie à la Vie Familiale (EMP/EVF).
Toutes ces innovations pédagogiques précitées avaient apporté un plus au système éducatif nigérien ; d’autant plus qu’elles étaient concrètes et véritablement pragmatiques ; en tout cas, ayant transformé un tant soit peu le système éducatif ; c’est cela la réforme ; mais non autre chose.
En 1998, Madame Hima Adiza Maïlalé alors Secrétaire Générale du Ministère de l’Education Nationale, réussissait l’exploit de doter le Niger pour la première fois d’une loi d’orientation nationale de son système éducatif. Celle-ci adoptée par la Loi 98-12 du 1er juin 1998, fut appelée : Loi d’Orientation du Système Educatif Nigérien (LOSEN). Cela aussi avait été une réforme, même si avec le temps et avec l’avènement au pouvoir suprême des parvenus entre 1991 et 2023, cela fut négligé pour être finalement délaissé.
Entre 2005 et 2010, au niveau du cycle du secondaire, du temps où le Ministre Oumarou Harouna Sidikou avait eu ce cycle en charge en plus du supérieur, la journée du Samedi avait été ajoutée pour pouvoir faire des cours de rattrapage, des cours de remédiation, des cours de renforcement des acquis scolaires. Cela avait permis aux apprenants de « se construire positivement sur le plan pédagogique et sur le plan didactique ».
De 2003 à 2013, il y avait eu la mise en valeur du Programme Décennal de Développement de l’Education (PDDE). Cette mise en œuvre en dépit des hauts et des bas qu’elle avait connus, avait permis de booster un tant soit peu le système scolaire concernant : l’accès, la qualité et le développement institutionnel.
Enfin, en 2012, il fut initié la réforme curriculaire avec l’entrée de toutes les langues nationales du Niger. Et cela sans conteste de la première année à la troisième année, l’enseignement/apprentissage est fait dans la langue maternelle de l’apprenant ; le Français étant une langue seconde. Cette réforme qui devrait aboutir depuis fort longtemps, semble trainer les pattes. Il urge de la dynamiser, afin de pouvoir parvenir d’abord à l’expérimentation dans toutes les langues nationales du Niger avant d’arriver à la généralisation dans toutes les langues nationales du pays et cela selon les spécificités culturelles de chaque région et de chaque communauté. Tant il est vrai que le Général Seyni Kountché avait eu raison de clamer haut et fort : «L’unité dans la diversité ».
Cet inventaire assez exhaustif des réformes scolaires faites au Niger de 1960 à 2012 a été fait pour démontrer que depuis que le Niger est devenu indépendant, c’était seulement à partir de l’année 1972, qu’il y avait eu véritablement réforme du système éducatif nigérien. En dehors donc de ce qui avait été fait en 1972, tout ce qui avait été jusqu’à ce jour, n’est en vérité que « des réformettes ». Il urge alors absolument et nécessairement dans le cadre de la Refondation de l’Ecole Nigérienne, de mettre en place une Commission Nationale assez restreinte de réforme du système éducatif nigérien. Il y va du salut de l’école nigérienne, afin d’arrêter sa descente aux enfers imparable.
Elhadj Moumouni Mahamane Sani, Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré à la retraite.
Cellulaire : 96. 88. 25. 38.
