Daouda Karim plus connu sous le nom Don D est un jeune qui fait la promotion de la musique nigérienne. Avec sa trentaine bien sonnée, il est marié et père de trois enfants ; Don D est animateur télé/journaliste, pigiste radio, présentateur et maitre de cérémonie. Parallèlement, il est juriste stagiaire, en année de master en sciences juridiques de l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Avec plusieurs cordes à son arc, il refuse de garder pour lui seul ce que Dieu lui a donné comme don – ce don de semer la joie dans le cœur des mélomanes. Il essaie en animant ses émissions musicales de partager des instants, des moments de joie, d’amour et de gaieté par des mots, des expressions dont lui seul détient le secret. Contrairement à beaucoup de jeunes de son âge qui se lancent dans le domaine musical, il s’est jalousement occupé de ses études malgré toutes les tentations qui animent le show biz de façon générale.
Quelles sont les raisons fondamentales qui vous ont poussé à être animateur culturel ?
Comme tous les jeunes nés dans les années 1980, j’ai été fortement influencé par la culture urbaine et plus précisément par le hip-hop. Aussi, au cours des années 1990, avec l’explosion du hip-hop, je me suis essayé au rap avant de migrer progressivement vers l’animation d’émissions musicales où je me sentais finalement plus à l’aise. Quand les gens me posent souvent des questions du genre ‘’qu’est ce tu veux en faisant de l’animation ?’’, je réponds tout calmement, absolument rien, je veux juste être heureux et partager cet amour avec les gens, soutirer le sourire aux jeunes amateurs de la musique. Je veux ni plus ni moins égayer les jeunes gens, pas leur créer de problèmes, je ne cherche à créer de problèmes à personne ; le jour où je vais me rendre compte que cela crée des problèmes à x ou y, je vais cesser, mais si ce que je fais peut aider quelqu’un à être heureux, à lui donner le sourire, la joie de vivre, cela me suffit largement. Et je m’assume.
Revenons à ce métier, j’ai été donc initié dans l’animation radio dans un premier temps avant de me focaliser sur l’animation télé. Je profite d’ailleurs pour rendre hommage à mon défunt grand frère Oumarou Amadou Tchambou dit Fan Flex journaliste-présentateur-animateur, un des acteurs principaux de ce mouvement hip hop.
En gros, c’est vraiment l’amour de la musique et particulièrement la musique urbaine qui m’a conduit à être animateur culturel. Et j’avoue dans l’épisode de mes plus beaux souvenirs figure le premier jour où j’ai pris le micro ; quand je suis passé à l’antenne pour l’animation, c’était stressant et j’étais tout simplement ému. Ce sont des souvenirs qui me reviennent assez souvent. Je travaille pour les auditeurs, pour les téléspectateurs, leurs désirs sont des ordres pour moi, c’est pourquoi chaque fois, je donne plus à mes fans.
En tant qu’acteur et promoteur de la musique nigérienne, quelle appréciation faites-vous de ce domaine ?
C’est vrai, dans ma vie active, tous mes amis sont presque dans le show biz, ce qui a favorisé mon entrée. Ne dit-on pas ceux qui s’assemblent se ressemblent toujours. Je pense ici que les artistes sont mieux placés pour répondre à la question, et donner de plus amples informations. La musique nigérienne a un bel avenir, il faut juste y croire, et aider les artistes à mieux se développer. Nous avons plusieurs ethnies qui ont chacune sa culture propre à elle, essayons juste de les exploiter, de les faire connaitre, animer toutes ces cultures et faire ressortir ce qu’elles ont de meilleur. Elle est très porteuse et se réinvente à chaque fois. Aujourd’hui, nous avons une nouvelle génération exceptionnelle d’artistes que ce soit dans le milieu urbain, néo traditionnel ou encore moderne. Malheureusement, le système est peu enviable et sert uniquement une catégorie de personnes et sert moins les artistes. Les productions audiovisuelles sont de bonnes qualités et n’ont pratiquement plus rien à envier aux œuvres étrangères et on remarque que la musique nigérienne est beaucoup jouée à la radio comme à la télé. Il faut juste qu’un bon dispositif soit mis en place pour que tous les acteurs intervenant dans le domaine contribuent à la création d’une véritable industrie. Cela va permettre à tous les intervenants de trouver leur compte car la musique est une chaine avec plusieurs niveaux.
Vous êtes sollicités de part et d’autre pour animer des spectacles et à ce titre vous assurez le Maitre de cérémonie (MC) : qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Je dirai qu’être MC (Maitre de Cérémonie) est en fait une suite logique de la carrière d’animateur. Quand on est habitué à présenter des émissions et à parler des artistes via le petit écran, on peut oser passer à l’étape supérieure qui est la présentation sur scène. Cependant, jouer au maitre de cérémonie est un peu plus exigeant car si au petit écran on peut se permettre certains écarts qu’on appelle habituellement ‘‘délires’’ dans le jargon, dans la présentation au grand public, les cérémonies peuvent être de toutes sortes et donc de publics différents. Il faut donc apprendre à faire une scène en fonction de ce public de sorte qu’il ressorte pleinement satisfait à l’issue de la cérémonie. Cela nécessite surtout une vraie passion du métier car il faut travailler les répliques et les imprévus afin d’arriver à ce que nous appelons la ‘‘performance scénique’’. Le métier de MC enrichit le côté relationnel, de faire découvrir des talents cachés et souvent émettre des avis quand c’est nécessaire pour des prestations. A travers ce métier, nous marquons notre temps d’avoir contribué au rayonnement de la musique nigérienne, de faire propulser certains artistes, et aussi et surtout de couvrir et faire connaitre les différents genres musicaux. Je ne le nie point : ce métier ouvre les portes, il suffit seulement de bien les exploiter, mais le problème souvent, ta vie et celle de ta famille sont exposées. Les difficultés sont nombreuses, à première vue, on nous traite de tous les noms, en parlant mal de nous, de nos comportements, nos familles aussi en souffrent ; heureusement que nos familles nous soutiennent. La société nous voit mal, nos styles vestimentaires sont vivement critiqués, nous sommes considérés comme des bandits, des délinquants.
Quelles sont, selon vos expériences, l’apport de la musique nigérienne dans l’économie du pays surtout quand on sait que vous côtoyez beaucoup ces acteurs ?
Aujourd’hui, l’art joue un rôle essentiel dans le développement d’un pays et la musique tout particulièrement. De nombreux pays ont d’ailleurs misé sur la musique pour se promouvoir et faire connaitre leurs cultures. Au Niger, je pense que l’apport de la musique dans notre économie est vérifiable. Seulement, en l’absence d’un cadre réglementaire formel et officiellement fonctionnel, des chiffres clairs sont peut-être difficiles à produire afin de mesurer les véritables impacts de la musique dans l’économie. Hélas, la piraterie fait des dégâts et nous devons si nous voulons évoluer nous adapter aux changements qui s’offrent à nous, c’est-à-dire les Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication (NTICs) Aujourd’hui, rien ne se fait sans internet, sans les réseaux sociaux, juste bien les connaitre, les appliquer et bien s’en servir, et le tour est joué. Quoi qu’on dise, une chose est sûre, avec d’une part les activités telles que les cérémonies de mariages, les cocktails, et d’autres part, les animations dans les bars, les restaurants, les boites de nuits, les hôtels, les salles de concerts…, la musique contribue à créer des activités génératrices de revenus et à faire vivre de nombreux foyers et secteurs.
Dites-nous clairement, que doivent faire selon vous les autorités en charge de la culture pour la promouvoir davantage ?
Je pense qu’un premier pas a été franchi par les autorités avec le décret sur le statut de l’artiste au Niger. Maintenant, il faut mettre en application et veiller aux respects de ce statut. Je crois sincèrement que ce statut va donner beaucoup d’avantages et d’opportunités aux artistes. Comme je l’ai dit, l’art est une chaine. Si ça marche pour les artistes, ça marchera en même temps pour tous les autres métiers qui tournent autour comme celui de l’animateur, du présentateur, du manager, du promoteur… Changeons nos façons de faire et tout réussira surtout aux artistes : ça leur permettra de jouir de leur art.
Réalisée par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)