Monsieur le Préfet, le département de Balleyara continue d’accueillir un flux massif des refugiés internes venant principalement des zones sous la menace terroriste en l’occurrence le département de Banibangou ; comment s’effectuent la prise en charge et la gestion des sites d’accueil de ces populations en quête de stabilité ?
La situation sécuritaire est aujourd’hui une question préoccupante dans notre pays. Mais je tiens quand même à vous remercier pour l’occasion que vous me donnez pour parler d’un sujet très important qu’est la situation des déplacés internes. Effectivement, le département de Balleyara est en train de subir les effets secondaires de la crise sécuritaire avec un flux massif des déplacés internes
venant de nos voisins de Banibangou surtout. Le nombre de déplacés internes ne fait que s’accroitre. En effet, ce nombre n’était qu’à un moment de 2272 ménages. Mais, à la date du 25 avril 2022, le nombre de déplacés internes avoisine 4000 ménages. Ce qui est vraiment énorme en matière de prise en charge et de gestion. C’est justement la raison pour laquelle nous nous sommes organisés de matière à ce que nous puissions nous déplacer chaque 10 jours pour aller directement sur le site s’enquérir des conditions de vie de ces déplacés internes et recueillir leurs besoins dans la perspective d’y répondre de façon adéquate. Ainsi, dans le cadre la prise en charge et la gestion, nous remercions beaucoup les partenaires pour l’accompagnement.
Au regard du nombre de déplacés internes à gérer à l’échelle du pays, il serait difficile pour l’Etat seul de répondre à tous les besoins sans l’aide des partenaires. L’Etat fait de son mieux dans la gestion des déplacés internes de Balleyara. Pour ce qui nous concerne, nous nous acquittons autant que possible la responsabilité qui nous a été confiée par les autorités du Niger. Les témoignages des uns et des autres sont là pour le confirmer. En effet, à la suite des témoignages satisfaisants rapportés par certains déplacés au Préfet du département de Banibangou, celui-ci a effectué le déplacement de Balleyara, précisément le 7 mars 2022, pour nous féliciter par rapport à l’effort que nous sommes en train de faire dans le cadre de la prise en charge des déplacés internes de son entité administrative. Nous étions ensemble sur le site des déplacés internes. Devant le Préfet de Banibangou, les déplacés ont réitéré les mêmes témoignages. Avec le directeur départemental de l’Education Nationale, nous avons créé les conditions pour que les enfants de ces déplacés internes puissent aller à l’école. Au début, nous les avions versés dans les écoles de Balleyara.
Maintenant, nous avons trouvé un site pour les enfants des déplacés internes. Nous n’avons pas la prétention de leur fournir tous les besoins, mais plutôt ce qui est de notre possible dans la mesure où notre souhait, avec l’effort réalisé par l’Etat du Niger, c’est qu’ils retournent au bercail. Sur le plan sanitaire, les déplacés internes de Balleyara sont suivis à travers les partenaires qui viennent pour un séjour de trois (3) mois avant de repartir. C’est vraiment une sorte de dispensaire mobile. S’agissant d’accès à l’eau potable, l’hygiène et assainissement, le site dispose d’un système d’adduction d’eau potable et des latrines ainsi que des petits jardins pour les besoins nutritionnels.
La position géographique de Balleyara lui confère un atout indéniable, celui d’être une plaque tournante en matière des échanges commerciaux où la fraude des hydrocarbures et la consommation des stupéfiants sont des phénomènes récurrents, qu’est-ce qui est fait pour inverser la tendance ?
Effectivement, la situation géographique de Balleyara fait que notre entité administrative est un carrefour d’échanges commerciaux, de brassage de toutes les ethnies. Par rapport au trafic de carburants, grâce au Projet d’Appui au Renforcement de l’Administration Territoriale (PARAT) de la Haute Autorité pour la Consolidation de la Paix, nous avons eu un financement qui nous a permis d’aller sur le terrain pour sensibiliser les populations par rapport aux conséquences de cette fraude de carburant. Balleyara est ouverte vers le Nord, notamment Banibangou et Ouallam, il faut alors empêcher que le carburant passe par Balleyara pour aller atterrir dans les mains des terroristes. C’est ce que l’Etat du Niger est en train de combattre à tout prix, parce que s’ils ne sont pas ravitaillés en carburant, le mouvement ne leur sera pas facile. Et dans le cadre de cette lutte, le gouverneur de la Région de Tillabéri a pris le problème à bras le corps. C’est dans cette optique le 14 février 2022, le conseil régional de sécurité a été délocalisé à Balleyara où nous avons invité tous les partenaires traditionnels pour mener des réflexions approfondies sur la situation sécuritaire de façon générale et singulièrement sur le thème du conseil qui est «comment lutter efficacement contre la fraude de carburant». Après toutes les réflexions, des pistes de solutions ont été dégagées. C’est ainsi que de cette date à aujourd’hui, nous avons pu saisir 1115 bidons de 25 L, soit un total de 27875L d’essence, ce qui n’est pas négligeable dans le cadre de la lutte. En plus, nous avons aussi saisi une dizaine de véhicules garés sans compter ceux qui sont détruits. Cet effort a été rendu possible grâce au travail formidable mené par les Forces de défense et de sécurité, auquel s’ajoute la bonne collaboration de la population.
Le département de Balleyara est une zone à fort potentiel en matière des ressources en eaux souterraines, quelles sont les activités phares des habitants en lien avec l’exploitation cette opportunité ?
Le département de Balleyara est une zone fertile. Il suffit juste de creuser un trou d’une profondeur de 3 à 4 mètres pour que l’eau jaillisse. Il suffit seulement d’avoir la volonté. Et la population de Balleyara a cette volonté de produire. La preuve, lorsqu’on fait un tour au niveau du village, vous allez voir à perte de vue des champs de chou ; moringa ; tomate ; melon ; bref tout ce qui est produit maraîcher. On peut même dire que Balleyara est en train de nourrir une partie de Niamey. Ce qui a amené les différents services techniques d’aller vers la formalisation de toutes ces activités pour que les vaillantes populations engagées dans la production maraîchère puissent tirer le maximum de profit. Ce sont surtout les femmes qui sont très actives dans la production maraîchère. C’est pourquoi, dans le cadre de l’organisation de ce travail, elles ont été mises en groupements féminins pour dégager des espaces qu’il faut mettre en valeur. Les partenaires sont venus par la suite pour les appuyer avec la clôture de ces espaces de production et le soutien en matériels. Parmi les partenaires, on retient surtout le Projet d’Appui à l’Agriculture Sensible aux Risques Climatiques (PASEC) qui a investi entre 2018 à aujourd’hui, environ 300 millions de FCFA. Les femmes de Balleyara produisent et forment une chaine de commercialisation pour pouvoir vendre. Certaines parmi elles s’intéressent même à la transformation pour éviter les pertes liées au caractère périssable des produits maraîchers. L’un dans l’autre, tout est sous contrôle au grand bénéfice de ces vaillantes femmes productrices.
Comme dans plusieurs localités du pays, la problématique de la scolarisation de la jeune fille est une réalité, comment se présente la situation dans le département de Balleyara à l’heure où la politique éducative des autorités encourage vivement à s’occuper de cette question ?
Effectivement, les autorités de la 7ème République notamment le Président de la République fait de l’éducation de la jeune fille l’une de ses priorités fondamentales au cours de ce quinquennat. Nous ne pouvons pas rester en marge de cette priorité du Président de la République parce que nous sommes le représentant de l’Etat. C’est ainsi qu’aux premiers jours de notre prise de fonctions, nous avions initié une série de missions de sensibilisation auprès des acteurs concernés par la question éducative. Le département de Balleyara étant subdivisé en quatre secteurs pédagogiques, notre approche a consisté à commencer par les regroupements de tous les directeurs d’école et des CEG par secteur. Chaque secteur a reçu la visite des autorités départementales pour uniquement échanger sur le système éducatif avec les responsables des établissements. Ces derniers nous ont donnés toutes les informations nécessaires par rapport à leurs services. Les effectifs des élèves qui nous ont été communiqués montrent que le nombre de filles à l’école connait d’année en année une augmentation significative.Lors des échanges, nous avions voulu savoir qu’est-ce qui entrave la bonne marche de la scolarisation de la jeune fille ? La réponse à cette question était que les jeunes filles sont beaucoup plus utilisées dans les activités maraîchères au détriment de l’éducation. Les jeunes filles sont aussi mises à profit par les parents dans le cadre de la commercialisation des produits maraîchers. Ensemble avec les responsables de l’école, nous avons pris des décisions pour agir envers les parents d’élèves afin que ces pratiques soient définitivement derrière nous et que la fille aille régulièrement à l’école. Lorsqu’une fille est émancipée, c’est toute la société qui gagne. Je crois que les parents d’élèves sont en train de le comprendre. Nous avons aussi relevé dans les échanges l’absentéisme criard des enseignants. Là nous avons clairement dit aux responsables d’établissement que nous ne sommes pas preneurs de ce comportement qui frise la morale. Cela ne doit pas continuer tant que je suis préfet de Balleyara. Nous nous sommes entendus que toute absence doit faire l’objet d’une demande préalablement écrite par l’intéressé suivant la procédure légale des textes en vigueur. Une seule heure perdue dans l’enseignement a des répercussions sur l’apprentissage. Nous devons créer les conditions pour que les efforts de l’état dans le domaine éducatif soient couronnés des résultats satisfaisants. Depuis ces rencontres d’échanges, le département de Balleyara s’est remis sur les rails dans le domaine de l’éducation. Aucun enseignant ne se hasarde d’abandonner son poste pendant des jours sans une autorisation dument signée et acceptée par la hiérarchie.
Les femmes de Tagazar sont actives dans le domaine de la production maraîchère, quels sont les types d’accompagnement qui leur sont apportés pour les encourager dans leurs efforts pour atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle ?
Au regard des efforts fournis par la femme productrice du département de Balleyara, elle a été formée à travers les groupements et associations. Ces structures ont été appuyées par les partenaires au développement tout simplement parce que les activités dans lesquelles évoluent ces femmes permettent à ces dernières de s’autonomiser et participer de façon active aux efforts de développement de notre pays.Ces groupements féminins sont aussi soutenus par l’Etat à travers la mise à leur disposition des intrants agricoles dans le cadre de l’Initiative 3N. S’agissant de la disponibilité de l’engrais pour accroitre la production maraichère, on peut dire que l’Etat est en train de mettre en œuvre une politique qui permet aux producteurs et productrices d’avoir accès à l’engrais au moment opportun pour booster la production à l’échelle nationale et lutter efficacement contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
Hassane Daouda(onep), Envoyé Spécial