La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a organisé du 18 au 23 novembre 2019, une semaine dédiée à l’inclusion financière dans les pays membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cette année, le thème retenu est « la digitalisation au service de l’inclusion financière : enjeux pour le secteur financier et les Etats membres de l’UEMOA ». A travers l’organisation de cette série de rencontres, il s’agit pour la BCEAO d’engager une véritable plateforme d’échanges avec les parties prenantes sur les enjeux de la digitalisation des paiements pour le secteur financier, les risques liés à l’utilisation des nouvelles technologies financières ainsi que les mesures à mettre en œuvre pour protéger les consommateurs des services financiers. Dans cet entretien, le Secrétaire exécutif l’Agence de Régulation du Secteur de la microfinance (ARSM), M. Kabirou Alzouma nous explicite le concept d’inclusion financière avant de s’appesantir sur la stratégie régionale en la matière ainsi que les politiques nationales des Etats membres de l’UEMOA.
Monsieur le Secrétaire exécutif l’Agence de Régulation du Secteur de la microfinance qu’est-ce qu’on entend par inclusion financière ?
L’inclusion financière ou la finance inclusive désigne l’offre de services financiers et bancaires de base à faible coût spécifique pour des consommateurs en situation de difficultés à pouvoir accéder au système financier classique. Par ailleurs, il faut préciser que le conseil des Ministres de l’UEMOA avait adopté le 24 juin 2018 à Lomé une strategie régionale d’inclusion financière. Elle a été élaborée par la BCEAO avec le soutien de l’UNCDF. La vision des autorités de l’UEMOA en adoptant cette stratégie là, c’est d’assurer un accès permanent aux services financiers et une utilisation effective par les populations de l’espace UEMOA d’une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à coût abordable. Telle est en fait la vision des autorités de l’UEMOA en adoptant cette stratégie.
Pourquoi cette stratégie ?
C’est parce qu’il a été observé dans le monde entier que là où les populations sont incluses financièrement, il y a une croissance économique, il y a un développement. Or, dans les pays de l’UEMOA, il a été constaté que le taux de l’inclusion financière est bas. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui ont accès aux services financiers. Les couches exclues du service financier dans les pays de l’UEMOA sont particulièrement les femmes, les jeunes, les ruraux et les Petites et Moyennes Entreprises (PME). Dans le sillage de cette stratégie régionale, le Niger dispose d’une Stratégie nationale d’inclusion financière adoptée en décembre 2018 par le gouvernement en conseil des Ministres. C’est dire que le Niger veut s’inscrire comme les autres pays de l’UEMOA dans la recherche de l’inclusion financière de ses populations afin de permettre l’amélioration de leur condition de vie. L’objectif visé par les autorités de l’UEMOA à travers cette semaine de l’inclusion financière est de faire en sorte que 75% de la population de l’espace communautaire ait accès à des services financiers. Au 31 décembre 2018, on était à 57,1% d’inclusion financière. Il reste encore du travail à faire pour réaliser le taux de 75% dans l’espace UEMOA.
Au cours de cette semaine d’activités, plusieurs thématiques ont été développées en lien avec le concept clé de cette semaine de réflexion, quelles ont été les principales manifestations de cet événement ?
La semaine de l’inclusion financière est une semaine organisée par la BCEAO dans tous les huit (8) pays membres de l’UEMOA. Le lancement avait eu lieu à Dakar le lundi 18 novembre 2019 par le ministre sénégalais des Finances et du Budget devant un parterre d’invités tels que les organisations internationales ; les banques etc. La première journée à été marquée par une conférence sur la digitalisation au service des populations par les institutions financières et les Etats. Le Niger n’est pas en reste dans le processus de l’inclusion financière. Les efforts ont été faits pour permettre aux Nigériens de payer leurs impôts par Orange Money ou par carte bancaire ou encore les droits de douane. Toutes ces facilités sont inscrites au domaine de la digitalisation. Cette dernière participe à l’inclusion financière et permet également de faciliter aux contribuables le paiement de leurs impôts. A titre illustratif, on peut aujourd’hui payer sa facture d’électricité à minuit à travers les offres de services des compagnies de téléphone mobile. C’est dire que la digitalisation doit être un levier important pour l’inclusion financière de manière générale. Sur 57,1% du taux d’inclusion financière dans l’espace UEMOA, les émetteurs de monnaies électroniques participent à hauteur de 34%. Les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) ont 21%. Cela signifie que ces deux prestataires boostent l’inclusion financière dans nos pays.
Toujours à Dakar, la deuxième journée a été marquée par une conférence sur l’éducation financière des populations en vue d’une meilleure protection des consommateurs. Si les populations ne sont pas incluses financièrement, c’est justement parce qu’elles n’ont pas cette culture financière. Il faut alors leur donner cette éducation financière pour qu’elles comprennent ce que c’est les services financiers afin qu’elles puissent prendre des décisions conséquentes par rapport à ces services financiers. Il faut donc apprendre aux populations à discuter avec les prestataires de services financiers afin qu’elles puissent faire des choix rationnels. Au Niger, les principales manifestations se sont déroulées entre les 21, 22 et 23 novembre 2019 avec une session de formation sur les innovations en matière de services financiers ; la session de sensibilisation sur l’éduction financière et la protection des consommateurs ainsi que la foire de l’inclusion financière.
L’une des actions réalisées au cours de cette semaine de l’inclusion financière au Niger a été l’organisation de la foire, quels sont les acteurs de cette rencontre ? Qu’est-ce qui a été exposé à cette foire ?
Il s’est agi pour les organisateurs de cette foire de montrer au public nigérien quels sont les services financiers qui peuvent leur être offerts. En termes d’acteurs, on note la présence des banques, des institutions de microfinance avec chacune un stand ; des émetteurs de monnaie électronique. Bref, chacun des acteurs est venu présenter ses services aux populations ayant fait le déplacement de l’Académie des Arts martiaux pour découvrir ce que nos prestataires de service financier offrent en produits. Cette foire a permis pour certains visiteurs d’ouvrir des comptes. Par ailleurs, il faut noter que les bénéficiaires des services financiers étaient aussi présents notamment les femmes qui sont dans la transformation des produits agricoles. Les femmes sont venues aussi exposer leurs produits au public pour témoigner qu’elles ont reçu des financements auprès des prestataires de services financiers.
Quels sont les défis à relever dans le cadre de ce processus de l’inclusion financière dans l’espace UEMOA ?
Le principal défi, c’est d’amener le maximum des populations de l’espace communautaire à utiliser ces services financiers qui vont correspondre à leurs besoins et à un coût raisonnable. Comment arriver à tout cela ? La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest a élaboré sa stratégie autour de cinq (5) axes à savoir la mise en place d’un cadre réglementaire et une supervision efficace des prestataires de services financiers ; la promotion des innovations favorables à l’inclusion financière dans l’espace UEMOA ; le renforcement de l’éducation financière et la protection des consommateurs ; la mise en œuvre d’un cadre fiscal et des politiques favorables à l’inclusion financière et enfin l’assainissement pour la consolidation du secteur de la microfinance.
Quelles sont les perspectives de l’inclusion financière dans l’espace UEMOA ?
Les perspectives de l’inclusion financière sont prometteuses dans l’espace UEMOA dans la mesure où chaque année le taux connait une évolution remarquable. Aujourd’hui, nous sommes à un taux de 57,1% en matière d’inclusion financière. Cela veut dire que les actions qui ont été menées dans le cadre des stratégies nationales et régionales sont en train de porter des fruits. Et de plus en plus des personnes utilisent les services financiers. Cette tendance résulte de la mise en œuvre des différents axes des stratégies nationales et régionale. Nous pensons que d’ici cinq (5) ans, nous allons atteindre le taux de 75% de l’inclusion financière. D’ores et déjà, il est prévu dans chaque pays un comité de suivi de la mise en œuvre des actions de la stratégie régionale. Il y a aussi un comité régional de pilotage de cette stratégie. Ce comité se réunit chaque année à Dakar. A cette occasion, il a été adopté le budget 2020 avec toutes les actions à mettre en œuvre. Parmi ces actions, il y aura une étude qui sera réalisée sur les besoins des populations en services financiers et en même temps, on procédera aussi à un état des lieux des offres de services financiers des banques et autres prestataires.
Réalisé par Hassane Daouda(onep)