Depuis 2004, le monde entier célèbre les artistes et leurs créations à travers la journée internationale de l’artiste commémorée chaque année le 25 octobre. Une occasion de rendre un hommage aux artistes et aussi et surtout de mettre en valeur leur contribution au développement. Au Niger les acteurs ont bien voulu célébrer ceux-là même qui nous font rêver en apportant de la joie et de la beauté à notre quotidien. Dans cet entretien notre interlocuteur M. Mallam Adji Waziry Kazelma Elh Taya exhorte la famille artistique à continuer à faire avancer l’Idéal culturel.
Le monde entier a célébré le 25 octobre 2023 la journée internationale de l’artiste. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Quelles sont vos opinions et vos attentes pour de meilleures conditions de vie des artistes ?
En effet, depuis 2004, une journée internationale des artistes a été instituée le 25 octobre. Celle-ci vient compléter la journée internationale de l’Art qui est, célébrée chaque 15 avril. Il faut rappeler que cette journée a surtout vu le jour dans les pays occidentaux anglophones pour honorer les artistes. Penser à une journée des artistes à l’échelle mondiale, c’est selon moi, reconnaître de manière solennelle et officielle, leur importance dans le processus d’émergence d’un pays, d’une nation. Les artistes font partie intégrante des catégories professionnelles d’une société et leur rôle dans le développement et la sauvegarde du tissu social n’est plus à démontrer.
Au Niger, la vie et la carrière d’artiste ou de manière générale, celle d’acteur culturel, balance entre préjugés et difficultés économiques et financières. Ce qui rend compliqué, la pratique du métier dans de bonnes conditions. Nous espérons toujours un réel éveil des consciences de toutes les couches de la population mais également des secteurs d’activités susceptibles de venir en soutien afin que l’art et ses pratiquants puissent bénéficier de tout le respect et la considération dus à leur statut.
Pour cela, nous menons plusieurs combats dont la préservation et la promotion du patrimoine culturel qui n’est pas forcément une affaire du politique mais un engagement individuel de chacun des acteurs qui intervient dans la chaîne de valeur artistique et culturelle du Niger. Après bien sûr, le politique doit matérialiser certaines décisions qui viennent soutenir le secteur à travers la mise en œuvre des mécanismes qui nous permettraient d’asseoir définitivement l’artiste nigérien comme un acteur majeur.
Ces derniers temps, actualité oblige, certains artistes à travers des productions prônent la paix, la coexistence pacifique, la sécurité, le renforcement des liens d’amitié et de fraternité. Selon vous que peuvent faire les artistes pour contribuer véritablement à ce sursaut patriotique tant prôné par les nigériens ?
Depuis le 26 juillet, les acteurs culturels nigériens pour leur grande majorité sont mobilisés autour du slogan patriotique et la résilience face aux sanctions économiques imposées à notre pays au lendemain du changement de régime intervenu le même jour.
L’artiste a été de tout temps et partout dans le monde, un relai des aspirations des peuples. Dès les premières heures de l’avènement du CNSP, les artistes ont prêté leurs voix à travers des chansons de soutien aux nouvelles autorités et les promoteurs culturels y sont allés aussi de leurs initiatives à travers des concerts publics. Ce qu’il faut comprendre de ces soutiens, ce que cela n’a rien de politique. C’est pourquoi vous entendez d’ailleurs régulièrement scander, le slogan ‘‘labou san’ni no’’ ou ‘‘zantchan kassa né ’’ ! (C’est une question de patrie !) et ce sont les acteurs culturels qui contribuent à populariser le concept !
Les artistes nigériens se veulent désormais porteurs de messages de lutte pour l’indépendance totale et une souveraineté pleine de notre pays car aujourd’hui, plus que jamais, les Nigériens se doivent de demeurer un et invisible face à l’adversité. On le voit d’ailleurs tous les soirs depuis quelques mois maintenant, que ce soit lors des grands rassemblements au stade Général Seyni Kountché ou sur les artères des grandes villes du Niger. Ce sont en effet, des animations musicales toutes les nuits pour la veille citoyenne. C’est en tout cela et à travers les diverses productions audiovisuelles, que les artistes arrivent à sensibiliser sur la nécessité de faire front commun face aux défis qui nous engagent tous ! Et cela n’est pas près de s’arrêter.
Qui dit artiste dit liberté d’expression, les nouvelles autorités peuvent-elles espérer quelque chose pour faire avancer le pays à travers vos créations ?
Les artistes ont toujours été des visionnaires à l’image des célèbres Bob Marley, Alpha Blondy, Tiken-Jah Fakoly ou encore Black So’Man. Dans la plupart des cas, l’étiquette de fauteurs de troubles qu’on leur attribue à cause des dénonciations de certaines pratiques ne sont en réalité que des mises en garde adressées à nos politiques. Je pense que le CNSP est pleinement conscient que si la lutte actuelle qui est menée par tous les Nigériens perdure, c’est aussi parce que quelque part, les artistes ont fait bloc à travers leurs œuvres et des messages poignants et galvanisants comme nous l’avons dit tantôt.
Le CNSP a été d’ailleurs reconnaissant du rôle joué par les acteurs culturels puisque les structures associatives faitières des arts et de la culture au Niger ont été récemment reçues par le Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Abdourahamane Tiani qui a vivement remercié les artistes pour le travail abattu. Bien entendu nous n’avons pas l’intention de nous endormir sur nos lauriers car pour nous, le vrai combat commence maintenant. Du moment où de nombreux yeux extérieurs sont aujourd’hui rivés sur le Niger, les arts et la culture peuvent contribuer énormément à redorer l’image de notre pays. D’ailleurs certains pays de par le monde ne sont connus que part leurs cultures.
De la musique, à la sculpture en passant par le cinéma, la danse, la peinture ou le théâtre pour ne citer que ceux-là, les créations pour contribuer au développement socio-économique du Niger ne manquent pas ; pourvu que les créateurs soient mis dans les conditions optimales de travail leur permettant de nourrir leurs inspirations.
Pour une transition réussie, quelles sont vos suggestions ?
Pour nous tous les secteurs d’activités vers lesquels le CNSP va axer ses efforts, nécessiteront forcément de passer par des messages forts qui puissent être bien véhiculés et compris par nos populations. Et pour cela, les arts sont les moyens d’expression les plus connus pour promouvoir la compréhension des différentes thématiques. A ce propos, les artistes ont été sollicités par le Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie (FSSP) dans le cadre de leur stratégie de communication. Cela veut donc dire que l’apport des artistes en matière de mobilisation de masse n’est plus à démontrer. Nous souhaiterons donc que les initiatives qui fassent recours aux artistes dans le cadre de la mise en œuvre du programme de transition soit régulières afin que nous puissions contribuer pleinement à la réussite de cette transition. C’est aussi le cas de rappeler que plusieurs promesses allant dans le sens de créer un véritable microcosme artistique et culturel au Niger ont été faites aux artistes par le passé sans que cela ne soit malheureusement effectif. C’est donc l’occasion de remettre sur la table les questions pendantes du décret d’application du statut de l’artiste et de la copie privée. Ce qui je pense, n’a pas échappé aux structures faitières qui ont rencontré le Président de la République.
Réalisée par Aïssa Abdoulaye Alfary (ONEP)